BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Droit à l’oubli

L’ambition aux oubliettes ?

Si l’UFC-Que Choisir parvient peu à peu, et ce n’est pas chose facile, à imposer plus de transparence sur les secteurs de la banque et de l’assurance, celle-ci reste encore bien théorique pour tous les candidats à l’emprunt immobilier ayant des antécédents de santé (cancer, Sida, etc.). En effet, quand leurs assureurs ne leur opposent pas un refus direct, ceux-ci ont très souvent à payer une surprime, se voient imposer des exclusions au contrat…quand ce n’est pas les deux !

La «Convention Aéras», créée en 2007 pour mettre fin à cette discrimination, et à laquelle l’UFC-Que Choisir n’a jamais cru est bien un échec retentissant. Mis sous pression, gouvernement et assureurs proposent aujourd’hui un droit à l’oubli pour éviter surprimes et exclusions non justifiées. Les anciens malades n’auraient ainsi plus à déclarer à leur assureur l’ensemble des maladies qui, passé un certain temps, n’entrainent statistiquement plus de surmortalité par rapport à la population moyenne. Si l’UFC-Que Choisir ne peut que souscrire à cet objectif, la teneur des propositions aboutit à le rendre trop cosmétique. En effet, avec les propositions mises sur la table, tous les enfants de moins de 15 ans n’auront pas à déclarer leur maladie 5 ans après la fin du protocole thérapeutique. De même, tous les anciens malades, quel que soit le cancer dont ils souffraient, n’auront pas à le déclarer 15 ans après la fin de ce même protocole.

Non seulement le nombre d’enfants malades est en réalité très faible (quelques centaines par an…même si c’est toujours trop), mais surtout le terme de « protocole thérapeutique » est des plus flous. S’agit-il de la date de la fin de la chimiothérapie, ou de la fin de tout traitement lié au cancer d’origine ou des affections longues durées, ces deux dernières étapes prenant bien plus de temps ?

Enfin, la troisième proposition consistant à mettre en place une liste de maladies pour laquelle les assureurs s’engagent à ne pas pratiquer de surprime, est l’inverse même du droit à l’oubli ! Quel besoin ont les assureurs de connaître des maladies qui n’ont aucun impact sur la sinistralité des assurés ? La seule raison valable serait d’établir des statistiques sur les types de cancers. Or, l’Institut National du Cancer, créé il y a dix ans, fait déjà précisément ce travail en consolidant au niveau national toutes les données de mortalité pour tous les types de cancer. Il y a une incohérence majeure à prétendre vouloir « oublier », tout en imposant le « signalement » de la maladie concernée. La seule manière de rendre cette liste efficace est de la transformer en une liste de maladies, mise à jour chaque année en fonction des statistiques officielles de santé, maladies que les consommateurs n’auraient plus à déclarer à leur assureur.

Le projet de loi Santé, en discussion au Parlement, doit être l’occasion de transformer cette liste de déclaration obligatoire en une vraie liste, cohérente et impactante, de droit à l’oubli ! Ce serait un comble que le vrai droit à l’oubli tombe aux oubliettes.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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