BILLET DE LA PRÉSIDENTE
TTIP

Un déshabillé consumériste en TAFTA !

Qu’il semble loin le temps des promesses ! Le temps où pour répondre à ceux s’interrogeant sur les bienfaits et méfaits du TTIP, autrement appelé TAFTA, dont je fais partie, les défenseurs de l’accord libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis avançaient les bénéfices économiques de l’unification d’un marché de près de 820 millions de consommateurs : 100 milliards de dollars de retombées par an dans les deux régions. Mais si je m’en remets à l’étude partielle que la Commission européenne vient de publier, ce n’est pas aux consommateurs que ces retombées profiteront. Un gain de pouvoir d’achat ? Je vous laisse faire le calcul : selon ce rapport intérimaire, les prix augmenteraient en moyenne de 0,3% alors que les revenus par foyer augmenteront seulement entre 0,2 et 0,4%. Les plus téméraires m’opposeront que cette hausse n’est qu’infime, je leur répondrai qu’en plus de ne pas être négligeable, elle est révélatrice d’une balance risques/bénéfices pour les consommateurs qui penche du mauvais côté, seulement quelques jours après que l’ONG Greenpeace ait rendu publics plusieurs extraits de l’accord traduisant les difficultés de négociations du côté européen.

En effet, alors que le « blocus » outre-Atlantique à toute demande de transparence sur les positions américaines maintenait l’évolution des négociations dans l’opacité, les documents fuités n’ont fait que renforcer mes craintes. Notamment sur le volet « coopération réglementaire » entre les deux continents où l’ambition affichée des Américains sous l’objectif louable et inoffensif de « rendre plus transparent le processus de décision » est bel et bien de pouvoir s’opposer à toute réforme européenne qui irait à l’encontre des intérêts privés (comprenez barrière aux exportations américaines). Véritable porte d’entrée de pressions sur le législateur européen, cette « coopération » remettrait donc purement et simplement en cause la liberté de réguler de l’Union européenne et donc des Etats membres.

Si j’ajoute à cela les coups d’épées dans l’eau côté européen à tenter de réformer le système de règlement des différends investisseurs-Etats via une Cour permanente internationale (qui n’a selon moi, toujours pas d’utilité dans un tel contexte), on voit mal comment cet accord pourrait voir le jour d’ici la fin de l’année, n’en déplaise à Madame Merkel et Monsieur Obama.

Alors qu’à l’issue du 13ème round de négociations, le Président François Hollande a brandi la menace de l’arrêt des négociations en critiquant l’absence de réciprocité, je rappelle que le TTIP est négocié directement par la Commission européenne.  Je rejoins cependant cette position de fermeté puisque seul un accord équilibré et dont la démonstration aura été faite de son impact bénéfique pour les consommateurs français et européens pourra être ratifié par le Parlement européen et chacun des 28 Etats membres (France incluse). C’est pourquoi, il est impératif de maintenir la pression et suivre de près les évolutions, à l’instar des négociations en cours sur le Privacy Shield en matière de protection des données… Ce texte  fait en effet office de banc d’essai sur la capacité de la Commission européenne à ne pas lâcher prise (entendez défendre la protection des citoyens européens) face aux pressions américaines !

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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