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Affaire Aristophil

Une association d'aide aux victimes au financement trouble

Fondée dans le but d’aider les victimes d’Aristophil, l'Association des investisseurs dans des collections de lettres et de manuscrits (AICLM), créée par un commercial ayant lui-même vendu des produits Aristophil, a accepté de la famille du fondateur d'Aristophil, mis en examen pour escroquerie, un versement de 200 000 euros.

Un conseil en gestion de patrimoine indépendant (CGPI) qui a recommandé pendant des années des placements désastreux à ses clients peut-il sérieusement défendre les investisseurs floués quand un scandale éclate, sur fond d'enquête pénale ?

Cela semble pour le moins difficile. Sans même parler d'éventuelle complicité, dans un cas de figure semblable, les particuliers sont amenés à se tourner contre la société qui a conçu le produit, mais aussi contre les indépendants qui l'ont commercialisé, afin d'activer devant la justice civile leur responsabilité professionnelle, pour défaut de conseil.

Ignorant cette évidence, un CGPI de Saint-Grégoire (35), Frédéric Vieillard, a créé l'Association des investisseurs dans des collections de lettres et de manuscrits (AICLM), afin de regrouper des victimes d'Aristophil. Pour rappel, Aristophil est une société spécialisée dans la vente de manuscrits et de lettres autographes en indivision dont le dirigeant (Gérard Lhéritier) et divers associés ont été mis en examen pour escroquerie.

Frédéric Vieillard a aussi créé une structure nommée Patrimoine Ecrit SAS, qu'il préside. À travers elle, il s'est porté candidat à la reprise du fonds Aristophil. Rendue le 9 mai 2016, l'ordonnance du juge commissaire à la liquidation judiciaire est sévère à son encontre. Elle note que des « flux financiers » peuvent « mettre en doute l'indépendance du candidat Patrimoine Ecrit », dans le cadre de la procédure de reprise du fonds Aristophil. Selon des détails donnés par le procureur à l'audience, il s'agit de 200 000 euros versés par le fils de Gérard Lhéritier, Fabrice Lhéritier, courant 2015. Contacté, Frédéric Vieillard assure qu'il a remboursé la somme.

En tout état de cause, la position de l'AICLM est ambiguë. Comment imaginer qu'un conseil en gestion de patrimoine se poursuive lui-même devant la justice civile ?

Le tribunal de commerce, lors son audience du 9 mai, a écarté tous les candidats à la reprise du fonds Aristophil. Ce dernier est constitué de centaines de manuscrits en indivision, partagés entre quelque 18 000 particuliers.

Aucune date n'est encore fixée pour le procès pénal. Les avocats présents au dossier n'envisagent rien avant 18 mois, voire deux ans.

Un marché durablement déstabilisé

Le marché des manuscrits, pendant ce temps, peine à se remettre de l'affaire Aristophil. Une autre société de vente de manuscrits, Artecosa, traverse une période difficile (elle n'a toujours pas publié ses comptes 2015). Suite à la loi Hamon du 17 mars 2014 sur les placements atypiques, elle a revu ses contrats, qui ne contiennent plus aucune évocation de rendement chiffré. Artecosa a été inspectée ces derniers mois par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Selon nos informations, la société a également fait l'objet en 2015 d'un contrôle fiscal. Il n'y a pas eu de redressement, ni de sanction. L'intégrité des dirigeants (le fondateur étant un ancien cadre d'Aristophil) n'est pas mise en doute. Artecosa, qui compterait un millier de clients relativement fortunés, n'a d'ailleurs pas vendu d'indivision, plaçant seulement des manuscrits ou des lettres dans leur intégralité. Or, c'est le mécanisme de l'indivision qui rend quasiment inextricables les difficultés rencontrées aujourd'hui par les clients d'Aristophil.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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