Élisa Oudin
Comment réagir aux fermetures abusives de comptes
Depuis le début de l’année, de nombreux consommateurs français se sont trouvés brutalement privés de l’accès à leurs avoirs déposés auprès de la néo-banque allemande N26. Cette dernière invoque des motifs de lutte contre le blanchiment pour justifier les fermetures. Mais elle peut mettre des mois à rembourser ses clients.
Pour certains, la situation traîne depuis des mois. Début 2022, la banque allemande N26 a commencé à clôturer d’autorité plusieurs centaines de comptes de clients en France. Depuis certains ont pu récupérer leurs avoirs, d’autres peinent toujours à remettre la main sur l’ensemble des montants. Explication de la néo-banque : la réglementation européenne impose aux établissements financiers de surveiller l’identité et les transactions des comptes des clients dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. « Nous sommes conscients que chaque situation individuelle est différente, et faisons à chaque fois notre maximum pour permettre aux clients dont le compte doit être fermé de récupérer au plus vite leur solde disponible selon l’application des procédures en vigueur », nous a répondu N26. Et d’ajouter « nous tenons à rappeler qu’à ce jour aucune autorité ou procédure de quelque sorte que ce soit n’est venue sanctionner ou remettre en cause notre façon de procéder sur ces enjeux de lutte contre le blanchiment ».
Selon la législation allemande, l’Autorité de lutte contre le blanchiment, Bafin, peut demander à une banque de clôturer un compte en cas de suspicion. N26 aurait-elle été prise d’excès de zèle ? Quelques mois auparavant, elle avait été épinglée par Bafin pour des lacunes dans son dispositif antiblanchiment. Reste qu’en France, la réglementation n’autorise pas les banques, même dans ce cas, à fermer les comptes sans autre forme de procès, encore moins à conserver les avoirs pendant des délais déraisonnables. Comment se défendre ?
Quels sont les droits des clients français ?
Même si les comptes des clients français ouverts auprès de N26 sont domiciliés en Allemagne (en témoigne leur numéro IBAN), les clients restent des résidents français et dépendent du droit du pays dans lequel ils résident. Or la position française, dont la jurisprudence en la matière s’est précisée au fur et à mesure, diverge de celle allemande concernant les obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment. L’article L. 561-5 du Code monétaire et financier français autorise « les banques à mettre un terme à la relation d’affaires si elles n’ont pas été en mesure d’identifier l’objet et la nature de la relation d’affaires ». Mais la jurisprudence précise bien que la banque doit apporter la preuve qu’il ne lui a pas été possible de mesurer la nature des opérations bancaires du client et surtout qu’il existe un doute sérieux et légitime que ces opérations présentent un caractère illicite.
Et s’il est exact que les banques ont également le droit de mettre fin unilatéralement et sans avoir à se justifier à la relation commerciale nouée avec un client, elles doivent néanmoins respecter un délai de préavis de 2 mois ! Dans le cas des comptes fermés par N26, on ne trouve trace ni de délai de préavis, ni de justification d’un doute sérieux et légitime à l’égard des clients français.
Que faire en cas de compte fermé par N26 ?
En pratique, il semble assez illusoire de contacter le service client de N26. De nombreux témoignages de clients montrent que le numéro de téléphone ne répond jamais et que la seule solution consiste à utiliser le mail. Dans ce cas, les réponses apportées sont généralement vagues et non suivies d’effets concrets.
Contacter le médiateur de la banque présente un peu plus de chance de voir son dossier pris en compte. Tous les établissements bancaires de l’Union européenne sont tenus depuis 2015 d’en disposer. Le médiateur de N26 est le médiateur de la Bundesbank (1).
Dernière solution, qui semble porter ses fruits : rejoindre un collectif de clients lésés (comme la « Communauté des clients arnaqués par N26 » qui a créé un compte Facebook) pour mener des actions communes, y compris dépôt de plainte. Un certain nombre ont déjà obtenu, outre la restitution intégrale des avoirs, des dommages et intérêts après avoir menacé, via les services d’un avocat spécialisé, la banque de porter plainte. Dernière plainte en date : le 2 septembre 2022, la banque a été assignée en justice par des clients réclamant des dommages et intérêts en raison du préjudice causé par le blocage de leur compte pendant plusieurs mois sans explication de la banque.
→ Les associations locales de l’UFC-Que Choisir peuvent vous aider en cas de litige avec votre établissement bancaire.
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(1) Schlichtungsstelle bei der Deutschen Bundesbank
Postfach 10 06 02
60006 Frankfurt
Tél. +49 69 9566-3232
Fax +49 69 709090-9901
E-mail : schlichtung@bundesbank.de