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Doubl’ô

Place au pénal

Huit mois après avoir été épinglés par le collège de l’Autorité des marchés financiers, les fonds de placement Doubl’ô des Caisses d’épargne viennent de faire l’objet de leur premier procès pénal.

Quarante-mille euros. C’est le montant de l’amende requise jeudi 8 novembre par le parquet de Saint-Étienne contre la Caisse d'épargne Loire-Drôme-Ardèche pour « publicité mensongère », suite à la plainte déposée par huit clients de cette caisse régionale, souscripteurs du placement « Doubl'ô Monde ».

La décision a été mise en délibéré au 13 décembre. Mais elle n’en marque pas moins une étape décisive dans les multiples démarches engagées depuis quatre ans par les dizaines de milliers d’épargnants – plus de 265 000 selon le Collectif Lagardère de défense contre les abus bancaires (Clab) – qui se sont laissés berner au début des années 2000 par les annonces de gain alléchantes de la gamme financière Doubl’ô et Doubl’ô Monde vendue par l’Écureuil.

Mise de départ récupérée mais minorée !

Fonds à capital garanti, Doubl’ô Monde assurait qu’au bout de six ans, le souscripteur aurait droit au meilleur résultat entre le doublement de son capital ou 100 % de la performance d’un panier de 12 valeurs internationales sélectionnées. Seul bémol, indiqué par un minuscule astérisque : cette promesse valait uniquement si, durant une période précise, aucune des actions du panier ne baissait de plus de 40 % par rapport à son cours initial. Or, bulle Internet oblige, c’est justement ce qu’il s’est passé ! Résultat, au bout du compte les épargnants n’ont pu récupérer que leur mise de départ (plus de 2 milliards d’euros ont été investis au gré des six tranches de souscriptions ouvertes du premier semestre 2001 au premier semestre 2002), mais minorée des frais, ce qui dans certains cas s’est traduit par une perte sèche de 3 à 6 % !

Dévoilée dès l’été 2008 par Que Choisir, l’affaire a vite fait boule de neige. En juillet 2008, une plainte était déposée auprès du pôle financier du parquet de Paris. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF) était  également saisie du dossier. Et dans le même temps, différentes procédures, dont certaines relayées par l’UFC-Que Choisir, étaient enclenchées auprès de diverses juridictions. « Des dizaines de contentieux civils ont déjà été jugés, dont certains ont mené à des condamnations, mais c'est la première fois que cette affaire arrive au pénal », a déclaré le 8 novembre à l'AFP Fabien Rajon, avocat de plusieurs parties civiles.

Pratique commerciale trompeuse avérée

Les plaignants ont donc dû boire du petit lait lorsque Philippe Chassaigne, représentant du parquet de Saint-Étienne, leur a rendu justice. Considérant, malgré les dénégations de la défense, que « la pratique commerciale trompeuse ne faisait pas de doute », il a même, selon l’AFP, ironisé en suggérant que le produit tel qu’il était vendu aurait dû s’appeler « Perdissimo » plutôt que Doubl’ô.

« Le président du tribunal a observé que la notice visée à l’époque par la Commission des opérations de Bourse (COB) était particulièrement complexe et peu compréhensible pour les clients », remarque Me Hélène Féron-Poloni, avocate associée du cabinet Lecoq Vallon & Associés. Or, poursuit-elle, « lorsque j’ai demandé au représentant des Caisses d’épargne quel était l’argument avancé pour faire basculer leurs clients d’un livret A vers Doubl’ô Monde, il m’a répondu… "le doublement" ! »

 

Par ailleurs, ajoute l’avocate, « le dossier d’instruction a révélé qu’il n’y avait pas de commissionnements des salariés sur la vente de ces produits, mais qu’une évaluation comparative était faite au niveau des agences du nombre de ventes réalisées ». Le parquet a également considéré que la banque aurait pu faire un geste commercial en n’encaissant pas les frais de souscription et de gestion liés à ces fonds. Ces derniers, prélevés annuellement par la Caisse d’épargne Loire-Drôme-Ardèche, représentent « 200 000 € », précise Me Hélène Féron-Polini. Elle souligne également que concernant l’ensemble de la gamme commercialisée durant plus d’un an, 94 000 000 € ont été placés par cette caisse à 2 % de droits d’entrée…

Laurence Delain-David

Laurence Delain-David

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