Élodie Toustou
La Cour des comptes épingle la location longue durée
Succomber à une offre de location longue durée (LLD) pour acheter électroménager et produits high-tech est tout sauf une bonne affaire, vient de rappeler la Cour des comptes. Cette dernière recommande une évolution du cadre juridique de ces offres ruineuses et dangereuses pour les consommateurs.
Il y a un peu plus d’un an, l’UFC-Que Choisir s’alarmait de la déferlante des offres de location longue durée (LLD) chez la Fnac, Darty, Cdiscount et Boulanger. Une pratique qui conduit les consommateurs à louer smartphone, télévision, micro-ondes ou réfrigérateur plutôt que de les acheter. Le tout sans jamais devenir propriétaires du bien et surtout, pour un coût prohibitif et sans bénéficier du droit à l’information et à la protection dont bénéficient les souscripteurs d’un crédit à la consommation, en opposition à la location avec option d’achat (LOA) popularisée par les constructeurs automobiles.
Dans son rapport public annuel 2021 publié à la mi-mars, la Cour des comptes sonne le tocsin. Les magistrats s’inquiètent à leur tour de l’expansion de la LLD : « Attractive par la faiblesse des loyers proposés, accessible à tous les clients sans vérification de leur solvabilité, la location longue durée peut être un engagement très contraignant sur plusieurs années, pour un intérêt économique discutable et avec une information préalable insuffisante. »
Pour asseoir son analyse, la Cour des comptes a analysé les contrats de LLD proposés par des enseignes de la grande distribution pour des équipements courants. Son constat est sans appel : les acheteurs qui succombent à ce mode de financement se mettent en danger à plusieurs titres.
Coût de l’opération, frais de résiliation anticipée… rien ne va !
Parmi les constats accablants de la Cour des comptes figure le manque d’informations fournies aux clients. Ces derniers se trouvent notamment privés de moyens leur permettant d’arbitrer entre un achat et une LLD, alors même que l’écart tarifaire peut être gigantesque. Illustrations concrètes calculées par les magistrats : un téléviseur vendu au prix de 283 € revient 53 % plus cher en LLD qu’en l’achetant comptant. C’est 38 % de plus pour un réfrigérateur. Le consommateur est souvent aveuglé par la faible mensualité qui lui est proposée, par exemple 8,38 € par mois pour le téléviseur, tout comme par les garanties et le service après-vente avancés. Or l’opacité règne : une fois le contrat signé, il lui est par ailleurs impossible de prendre conscience de ce qui lui reste à payer, ce dernier n’étant « pas informé durant l’exécution du contrat des loyers déjà versés et de ceux restant dus », note la Cour.
Second point soulevé : alors que la loi prévoit qu’un crédit à la consommation peut être soldé par anticipation, le plus souvent sans indemnité, il n’en est pas de même avec une LLD. Car mettre un terme à pareil engagement, généralement souscrit pour une durée de 24 à 48 mois, est assorti d’une condition ruineuse : « Le paiement de l’intégralité des mensualités dues jusqu’au terme du contrat initial. » Et ce, sans pouvoir bénéficier d’exemptions en cas d’accident de la vie dans la plupart des cas (maladie, invalidité, perte d’emploi…). Un système aux effets d’autant plus pervers que « les obligations portant sur le distributeur d’un crédit à la consommation en matière de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur n’ont pas d’équivalent pour la LLD », souligne la Cour. Ce qui peut exposer le client à un endettement excessif.
Car en cas de difficultés de remboursement, c’est la double peine. À des frais de défaut de paiement s’appliquent des intérêts de retard « pour certains à un taux proche du taux d’usure » (21,16 % au 1er trimestre 2021).
De nouvelles règles bientôt adoptées ?
La propagation d’offres de LLD pour des biens d’équipement courant et tous les risques qui peuvent peser sur les souscripteurs sans que ces derniers ne puissent profiter du cadre protecteur du crédit à la consommation amène la Cour à recommander « de faire évoluer le cadre juridique pour assurer une meilleure protection des clients » et contribuer à réduire « le risque de contournement de la législation sur le crédit à la consommation et à prévenir le surendettement ».
Ce qui rejoint le souhait de l’UFC-Que Choisir de mettre en œuvre au plus vite un cadre juridique propre à contenir les effets nocifs de la location de longue durée. Interrogé sur la question par la Cour des comptes, le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance a annoncé que des travaux seront initiés cette année pour « identifier les modalités possibles d’évolution du dispositif ».