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Grande distribution et climatPeut mieux faire

EC

par Elsa Casalegno

Par leur poids dans les achats des Français, les supermarchés sont des acteurs incontournables à la transition climatique et alimentaire. Le Réseau action climat (RAC) s’est donc penché sur leurs engagements, et surtout leurs pratiques, pour établir un classement des différentes enseignes. Si elles ont fait quelques progrès, c’est encore très insuffisant. Mais sans implication forte de l’État, il sera difficile d’aller plus loin.

En résumé

  • Le poids considérable de la grande distribution dans les achats alimentaires des Français en fait un acteur clé de la transition climatique et alimentaire, mais la guerre des prix et divers freins entravent des avancées significatives vers un système alimentaire plus durable.
  • Le Réseau action climat souligne la nécessité d’une impulsion de l’État pour lever les obstacles rencontrés par les distributeurs et accélérer la transition vers une alimentation plus végétale et de meilleure qualité.

Le Réseau action climat (RAC) a évalué l’implication des principales enseignes de la grande distribution en faveur du climat et d’une alimentation saine et durable. Son enquête a abouti à un classement des 8 principaux distributeurs à partir d’une grille de notation se basant sur la transparence des enseignes, leurs engagements et plans d’action et la promotion d’une alimentation durable. Les résultats vont de moyen à très mauvais :

  • Carrefour : 12,5/20
  • Monoprix : 12/20
  • Coopérative U : 10/20
  • Auchan : 9,5/20
  • Lidl : 9/20
  • Intermarché : 8/20
  • E. Leclerc : 4,5/20
  • Aldi : 2/20

Des pratiques encore délétères

« Par rapport à 2023 [date de la précédente enquête, ndlr], les enseignes ont réalisé des progrès en matière de transparence, d’engagements et de plans d’action. Toutefois, on observe encore un décalage important avec leurs pratiques réelles », constate le RAC. Ainsi, « la viande et les produits carnés ultratransformés restent surreprésentés, au détriment des aliments végétaux de qualité », que ce soit en rayon ou dans les catalogues promotionnels. « Dans les rayons, la proportion de plats préparés sans viande ni poisson stagne à 8 % – comme en 2023 », alors que les recommandations officielles préconisent de limiter la viande et la charcuterie, et de consommer davantage de protéines végétales. Maintenir ce système alimentaire « nuit à la santé des consommateurs ». Il est également délétère pour les éleveurs, « dont la rémunération est rognée par la course aux prix bas ».

→ Lire aussi : Comparateur gratuit des supermarchés

Un appui de l’État indispensable

Comment accélérer la transition alimentaire vers un système plus résilient ? Les distributeurs étant des acteurs incontournables – et oligopolistiques ‒ de la chaîne alimentaire, ils devront être associés aux solutions. En effet, ils ont une influence directe sur les achats des consommateurs, via l’offre proposée, l’information sur les produits (comme le Nutri-Score ou l’étiquette Bien-être animal), leur mise en valeur dans les rayons, la politique de prix et les offres promotionnelles.

Mais ils sont trop englués dans leur guerre des prix et divers autres freins (lire l’encadré). Pour le RAC, il est donc indispensable que l’État impulse un cap clair. En regardant ce qui se passe chez nos voisins, il apparaît que la France est en retard dans cette transition. « Le degré d’avancement des distributeurs allemands, britanniques ou néerlandais s’explique en partie par l’adoption par les pouvoirs publics de lois et de stratégies ambitieuses – ce qui fait largement défaut en France », souligne le RAC. C’est d’autant plus dommage que les enseignes françaises réclament, elles aussi, une action structurante de l’État afin de lever les freins qu’elles rencontrent.

Des pistes pour réduire l’impact de notre alimentation

Le RAC propose plusieurs actions, en particulier :

  • promouvoir une alimentation plus végétale ;
  • encourager une alimentation comprenant moins de viande, mais de meilleure qualité et produite en France, en garantissant une juste rémunération aux éleveurs ;
  • déployer l’étiquetage environnemental ;
  • renforcer les capacités financières des ménages pour accéder à une alimentation de qualité ;
  • interdire la publicité et le marketing pour les produits trop gras, sucrés et salés, en particulier lorsqu’elles ciblent les enfants.

Autant de propositions que l’État pourrait intégrer à la future Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) qui devrait être publiée d’ici cet été, avec des mois de retard. Les positions du gouvernement et la teneur des débats actuels au Sénat et à l’Assemblée nationale, en particulier autour de la très régressive loi Duplomb, augurent mal d’une telle orientation. Pourtant, les pistes énumérées par ce rapport du RAC sont pragmatiques et réalistes.

Les freins

La grande distribution est confrontée à plusieurs freins, qui bloquent tout progrès d’ampleur vers une alimentation plus durable – et derrière lesquels elle se cache un peu facilement. Le Réseau action climat (RAC) a réalisé 55 entretiens avec des responsables des principales enseignes, afin de les identifier. Bonne nouvelle : il est possible de lever la plupart d’entre eux ! Il peut s’agir de revoir la politique de mise en avant d’un aliment ; de la stratégie de promotion ; de sortir de la guerre des prix bas que se livrent les distributeurs aux dépens de la qualité des produits ; de l’amélioration du dialogue entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire (producteurs, fabricants, distributeurs), etc. ; et pour l’État, d’encadrer le marketing ; d’influencer la production d’aliments vertueux par une politique fiscale incitative ; d’encourager leur consommation via des aides ciblées, etc.

Autre enquête, autres critères, même conclusion

L’an dernier, Que Choisir  s’était livré à son propre classement des supermarchés concernant la qualité de l’offre alimentaire , en se focalisant sur cinq thématiques : les emballages et le vrac ; l’équilibre nutritionnel de l’offre alimentaire ; la présence de viande ; l’offre de produits bios ; l’origine France. Les « moins mauvais » élèves et les cancres ne sont pas toujours les mêmes, mais le constat global est identique à l’enquête du RAC : les distributeurs, incontournables pour améliorer la qualité de l’offre, n’en font vraiment pas assez !

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