ACTUALITÉ

Jeux olympiques d’hiverLoi Alpes 2030 : une entrée en piste précipitée ?

BC

par Boris Cassel

Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver se dérouleront en 2030 en Auvergne-Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le Sénat examine à partir du 24 juin un projet de loi visant à faciliter leur organisation. Ce texte de 37 articles ratisse très large, allant de l’allégement des contraintes urbanistiques à la garantie financière apportée par les collectivités locales. Problème, le dossier des Alpes 2030 est encore loin d’être ficelé : les sites ne sont pas tous choisis et le budget est flou. Plusieurs associations s’alarment de l’absence de débat public préalable à l’organisation des JO.  

Moins d’un an après les JO de Paris 2024, la France se relance dans l’organisation d’une olympiade. Le Sénat examine à partir du 24 juin un projet de loi visant à faciliter l’organisation des XXVIe Jeux olympiques d'hiver. Cette compétition devrait se tenir en février et mars 2030 en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et en Auvergne-Rhône-Alpes, sur des sites distants de plus de 400 kilomètres, allant de Nice à La Clusaz en passant par Serre Chevalier. Environ 3 200 athlètes du monde entier sont attendus.

Alpes 2030 : pourquoi une loi ?

Les jeux d’hiver 2030 ont été attribués le 24 juillet 2024 par le Comité international olympique (CIO) à la France. L’organisation des jeux passe ‒ comme pour les autres JOP ‒ par la signature d’un « contrat hôte » entre le CIO, le Comité national olympique et sportif français et les porteurs de la candidature française, à savoir, cette fois-ci, la région Auvergne-Rhône-Alpes et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le contrat de 50 pages a été paraphé le 9 avril 2025. Le CIO y liste ses nombreuses exigences, à la fois dans le domaine juridique et économique (répartition des revenus, prise en charge des déficits, indemnités à prévoir en cas d’annulation des JO, etc.). Et bien des aspects de ce contrat nécessitent des aménagements législatifs. Le projet, par exemple, désigne officiellement les organisateurs de cette compétition sportive, à savoir le CIO, le CIP (Comité international paralympique) et le COJOP Alpes, la structure française dirigée par Edgar Grospiron, ce qui leur permet, entre autres, de commencer à lancer l’exploitation commerciale de l’événement. « En outre, reconnaître par la loi la qualité d’organisateur » de ces structures, écrit, pudiquement, le gouvernement dans l’étude d’impact associée à cette loi, « permet, sans ambiguïté, à ces instances de bénéficier des exonérations fiscales prévues par l’article 1655 septies du Code général des impôts ». Ce qui, dit plus clairement, revient à les exonérer d’une très longue liste de prélèvements fiscaux (impôt sur les sociétés, etc.).

Ce passage par un texte législatif est aussi rendu nécessaire par une autre exigence stipulée dans le contrat hôte : celle de ne pas recourir à la justice française en cas de désaccord. C’est le tribunal arbitral du sport – basé à Lausanne ‒ qui sera mobilisé pour régler un éventuel litige. Or, en France, les personnes publiques n’ont pas le droit de recourir à un tribunal arbitral… sauf à faire valider cette exception par une loi.

Un calendrier serré

Alors que le contrat hôte n’a été signé que le 9 avril dernier, le texte qui l’entérine est passé à la mi-mai en Conseil des ministres et arrive déjà au Sénat. L’objectif est de retrouver le texte à l’assemblée en septembre, pour une adoption définitive avant la fin de l’année. Le calendrier est très serré. Et pour tenir les délais, les instances consultatives sont priées de travailler vite. Trop vite ? Saisi du texte par le gouvernement en « procédure d’extrême urgence » à la fin du mois d’avril, le Conseil national d’évaluation des normes a émis un « avis défavorable » au projet de loi, se disant dans « l’incapacité d’étudier correctement le projet de texte qui lui est soumis ». Il a eu moins de 3 jours pour évaluer la pertinence et les conséquences de 20 articles très techniques…

Pourquoi un tel empressement ?

« Le temps est compté, il ne nous reste que cinq ans pour organiser les jeux », a lancé Marie Barsacq, la ministre des Sports, lors d’une audition au Sénat. Le chantier est d’ampleur, avec la rénovation ou l’adaptation de 5 villages olympiques et 13 sites de compétition en un peu moins de 5 ans… Mais il faut aussi s’activer pour respecter le contrat hôte. Signé par les collectivités, avec l’aval de l’État, ce dernier est très précis : toutes les exonérations fiscales attribuées au CIO et à ses partenaires « seront effectives au plus tard quatre ans avant le commencement des jeux », soit le 1er février 2026.  

Des garanties réclamées avant de connaître le budget

Cet empressement conduit, sur certains points, à mettre un peu la charrue avant les bœufs. Des exemples ? Les sénateurs doivent se prononcer sur des dispositifs dérogatoires au droit de l’urbanisme (accélération des procédures d’expropriation, consultation du public par voie électronique, etc.) pour accélérer la construction des sites olympiques. Mais de quels sites parle-t-on ? Leur liste définitive n’est pas encore arrêtée…

Autre étrangeté, le projet de loi prévoit d’autoriser les régions organisatrices à garantir, avec l’État, une partie du déficit attendu des JO. Problème, comme le notent les sénateurs, les « prévisions de déficit sont aujourd’hui inabouties ». En termes de budget, tout est en effet très flou. Il devrait être quelque part entre 1,9 et 2,4 milliards d’euros, avec un déficit évalué, pour l’instant, à 462 millions d’euros. Ce dernier, en cours de réévaluation par l’Inspection générale des finances, pourrait, selon les sénateurs, s’alourdir de plusieurs centaines de millions d’euros. Difficile, ont estimé des sénateurs de la commission des finances, d’autoriser les collectivités (et donc leurs administrés) à se porter garantes de déficits dont on ne connaît pas encore l’ampleur…  

La concertation, ce sera pour plus tard

Le dossier des Alpes a été bouclé assez rapidement, sans véritable débat public préalable. Face à ce constat et estimant qu’il s’agit d’une « aberration environnementale », des militants et associations locales, réunies au sein du Collectif citoyen JOP 2030 ont porté en justice au mois de mai un recours au tribunal administratif de Lyon pour suspendre le contrat olympique. Interrogée lors d’une audition au Sénat sur l’absence de concertation préalable de la population, la ministre des Sports, Marie Barsacq, a répondu de manière plutôt déroutante : « La participation citoyenne, la concertation citoyenne, c’est un enjeu majeur. Aujourd’hui, effectivement, il n’y a pas de stratégie qui a été déployée sur ce sujet. Pour autant, l’ensemble des parties prenantes ont bien conscience que c’est nécessaire », explique la ministre des Sports. Mais, avant toute chose, il faudrait « passer des étapes » car nous « avons besoin d’éléments concrets à partager avec la population ». Bref, décidons d’abord et vite, nous discuterons ensuite. ​​​​​​

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter