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Loi Alimentation

Risque de coup de chaud sur les prix

Deux mesures phares de la loi Alimentation seront appliquées dès le début de l’année 2019 : le relèvement du seuil de revente à perte à compter du 1er février, et l’encadrement des promotions à partir du 1er janvier. Or, elles risquent fort d’avoir un impact inflationniste pour les consommateurs.

Après 18 mois de débats lors des États généraux de l’alimentation (EGAlim) à l'automne 2017 puis autour du projet de loi au cours de l'année 2018, les premières mesures de la loi Alimentation (adoptée le 2 octobre dernier) entreront bientôt en application. Ce sont des mesures d’ordre économique qui ouvriront le bal dès le début de l’année prochaine.

Le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) pour les denrées alimentaires s’appliquera le 1er février. Il définit le prix en dessous duquel un distributeur a l’interdiction de revendre un produit. En l’occurrence, il devra être au moins égal au prix d’achat effectif majoré de 10 % (revendu 110 s’il a été acheté 100). Le surplus de marge dégagé sur les produits concernés, surtout des grandes marques industrielles, est destiné à mieux rémunérer des produits agricoles bruts ou peu transformés, sans faire peser l’effort sur le consommateur.

L’encadrement des promotions en valeur à hauteur de 34 % (le taux de remise moyen ne pourra excéder 34 %, c’est-à-dire pas plus d’un produit gratuit pour deux achetés) s’appliquera à compter du 1er janvier.

L’encadrement des promotions en volume à hauteur de 25 % (portant sur 25 % maximum des volumes achetés ou contractualisés) s’appliquera au plus tard au 1er mars. Ces deux dernières mesures veulent limiter l’ampleur des ventes en dessous des coûts de production.

En pleine crise des « gilets jaunes », le gouvernement a un instant tergiversé, redoutant un effet inflationniste. Il a finalement décidé de maintenir ces deux mesures, sous la pression de la distribution et de la FNSEA (le principal syndicat agricole), et l’ordonnance a été publiée le 12 décembre, pour une période d’essai de deux ans. Le SRP et l’encadrement des promotions ont été élaborés en vue d’améliorer la rémunération des agriculteurs. Or, non seulement leur objectif n’est pas garanti faute de mécanismes contraignants sur la redistribution des gains, mais ils risquent aussi de coûter cher aux consommateurs.

Un effet inflationniste de 0,6 à 4,5 milliards d’euros

L’UFC-Que Choisir s’en était émue dès septembre 2017, alors que les États généraux de l’alimentation battaient leur plein. Un récent rapport de l’Autorité de la concurrence, publié le 13 décembre dernier, le confirme (1). Dans son avis, « l’Autorité se montre pour le moins sceptique sur la capacité du dispositif à atteindre les objectifs proclamés », désavouant ainsi les mesures portées par le gouvernement.

S’agissant du relèvement du SRP, « l’Autorité émet un avis très réservé ». Selon elle, « l’effet de la mesure sur les consommateurs serait négatif », estimant que « l’effet inflationniste pourrait varier de 0,6 à 4,5 milliards d’euros sur deux ans, soit 10 à 78 € par an et par ménage ». Les marques nationales (souvent détenues par des multinationales) seraient également perdantes, tandis que l’effet positif sur les distributeurs serait d’une ampleur « très incertaine ». Quant aux fournisseurs censés bénéficier du relèvement du SRP, l’amélioration de leur situation « n’est pas établie », et en tout état de cause « d’une ampleur bien moindre que celle de l’effet inflationniste subi par les consommateurs ».

Concernant l’encadrement des promotions, l’Autorité émet un avis « très réservé » sur le dispositif d’encadrement en valeur, et « carrément défavorable » sur le dispositif en volumes. Elle craint que cet encadrement limite la concurrence que se livrent les fournisseurs et les distributeurs, et qu’il conduise à une hausse des prix de vente aux consommateurs. Cette dernière s’ajoutant à l’effet inflationniste engendré par le relèvement du SRP. Par ailleurs, l’encadrement en volumes pourrait créer des distorsions de concurrence qui aboutiraient à fragiliser des fournisseurs en difficulté, avec des répercussions sur les agriculteurs, ceux-là même que le gouvernement cherche à protéger à travers le dispositif…

Le ministère de l’Agriculture veut y croire

Le ministère de l’Agriculture se veut plus optimiste, mettant en avant l’engagement pris par les industriels et les distributeurs à l’issue des EGAlim de répercuter la valeur aux agriculteurs, explique-t-on au cabinet du ministre. « Nous comptons sur la responsabilité des uns et des autres. Si tout le monde joue le jeu, l’inflation sera nulle. Au plus, l’inflation serait de 0,7 % sur les produits agricoles. Et nous pourrons flécher ce qui reviendra effectivement aux producteurs. » Quitte à devoir suspendre ces mesures en cas d’échec.

(1) Disponible sur http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/18a14.pdf

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