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MédiationJusqu’à 10 000 € d’amende si vous ignorez le rendez-vous imposé par le juge

Rosine Maiolo

par Rosine Maiolo

Depuis le 1er septembre 2025, si vous ne vous présentez pas à une réunion d'information sur la médiation ou la conciliation ordonnée par un juge, vous vous exposez à une amende civile pouvant atteindre 10 000 €.

Toute partie convoquée par un juge à une réunion d’information sur la médiation ou la conciliation doit s’y présenter. La nouveauté : depuis le 1er septembre 2025, vous encourez une forte amende en cas d’absence injustifiée. Cette sanction, prévue par le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 et précisée par une circulaire du ministère de la Justice du 19 juillet, change la donne puisqu’elle entend faire de la médiation et de la conciliation une étape incontournable du procès civil.

Une convocation obligatoire

Le juge civil (litiges de consommation, divorce, succession, copropriété, loyers, assurances, etc.) peut « à tout moment de l'instance, enjoindre aux parties de rencontrer, dans un délai qu'il détermine, un conciliateur de justice ou un médiateur » tel que le rappelle le décret. Cette rencontre, obligatoire, n’est pas une médiation en tant que telle car elle a uniquement pour objet d’informer les parties sur les modalités, les avantages et le coût d’une éventuelle médiation ou conciliation. Il n’y a aucune obligation d’entrer ensuite dans un processus amiable ni, a fortiori, de conclure un accord. Jusqu’ici, ignorer cette convocation ne prêtait pas à conséquence. 

Une amende civile dissuasive

Désormais, le médiateur ou le conciliateur est tenu d’informer le juge de l’absence d’une partie à la réunion ordonnée (certains considéraient jusque-là que la confidentialité de leur mission les en empêchait). Sur cette base, le magistrat peut alors prononcer une amende pouvant aller jusqu’à 10 000 €. Seuls des motifs légitimes (urgence médicale ou familiale, impossibilité matérielle de déplacement…) permettent d’éviter la sanction. 

Le montant maximal de l’amende est suffisamment élevé pour inciter à ne pas négliger cette convocation. Même si, en pratique, il sera modulé par le juge selon les circonstances, l’objectif est clair : inciter à la prise au sérieux de cette étape. Le manque d’information des justiciables sur l’amiable étant « identifié comme l’un des principaux freins au développement des modes amiables de règlement des différends (MARD) », précise la circulaire.

Notez que si votre convocation est antérieure au 1er septembre, vous ne courez pas le risque de l’amende civile, celle-ci ne pouvant être prononcée que pour des injonctions délivrées après cette date.

Gratuit pour l’information, payant si vous engagez la médiation

Alors que la conciliation, opérée par un conciliateur bénévole, est un processus entièrement gratuit, il n’en va pas de même de la médiation. Celle-ci est menée par un médiateur, un tiers dont la rémunération n’est pas réglementée. Le premier rendez-vous d’information, ordonné par le juge, est gratuit. Mais si les parties décident d’ouvrir une médiation effective, elles devront en assumer les frais. Ceux-ci varient selon le professionnel, la complexité du dossier et donc le temps passé. Comptez le plus souvent entre 200 et 300 € de l’heure sachant que deux heures peuvent suffire. Les personnes à faibles revenus peuvent toutefois bénéficier de l’aide juridictionnelle pour couvrir tout ou partie des frais. Notez que même si sa présence n’est pas obligatoire, vous pouvez vous faire accompagner par un avocat, ce qui vient bien sûr alourdir la facture.

Une durée de médiation plus longue

La durée maximale de la conciliation ou de la médiation judiciaire passe de 3 mois (renouvelable une fois) à 5 mois (suivis d’un éventuel renouvellement pour 3 mois). Dans certaines affaires complexes, le délai initial était trop court pour aboutir à un accord et il fallait solliciter le juge pour demander une prolongation. Afin de limiter les interventions du magistrat, le décret consacre aussi la pratique des « ordonnances à double détente ». Cette nouveauté permet dorénavant d’enjoindre aux parties de s’informer sur la médiation ou la conciliation et, dans la même décision, d’autoriser la poursuite, le cas échéant, de leurs échanges amiables.

Des critiques déjà formulées

Cette réforme ne fait pas l’unanimité. Plusieurs voix pointent le risque d’injustice sociale. Car, même si la médiation n’est pas obligatoire, la pression exercée par le juge et la perspective d’une amende pourraient pousser certaines parties à accepter un processus coûteux qu’elles ne peuvent pas réellement assumer.

D’autres estiment que la sanction de 10 000 € est disproportionnée, surtout pour des affaires civiles de faible montant (litiges locatifs, copropriété, consommation, etc.). Enfin, certains redoutent que cette nouvelle contrainte n’allonge encore les délais, au lieu de les réduire, si les rendez-vous d’information sont mal organisés ou trop nombreux.

Une petite révolution dans la justice civile

Avec l’instauration de cette sanction, l’État franchit un cap : la médiation et la conciliation cessent d’être de simples alternatives facultatives pour devenir un passage obligé dans le parcours judiciaire. L’objectif affiché est clair : rendre la justice plus rapide, plus apaisée et surtout désengorger les tribunaux. Reste à savoir si cette « révolution culturelle » atteindra son but. Les prochains mois diront si le pari est réussi.

Rosine Maiolo

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