Élodie Toustou
Paiement par coupons PCSGare aux arnaques
Police et gendarmerie multiplient les alertes aux escroqueries s’appuyant sur les coupons PCS, un moyen de paiement intraçable qui fait la fortune des cyberdétrousseurs. Abus de confiance, escroquerie, chantage… leurs stratagèmes sont multiples. Voici leurs tactiques et comment les déjouer.
Une retraitée de Brignoles délestée de plusieurs dizaines de milliers d’euros par une relation virtuelle sur WhatsApp, une chercheuse d’emploi allégée de 1 400 € par un pseudo-employeur pour un travail à domicile, un chaton réservé pour 150 € sur un site d’annonces entre particuliers, mais que l’acheteur ne verra jamais… Le point commun entre toutes ces arnaques ? Les coupons PCS, des tickets de 20 à 250 € que les victimes sont invitées à aller acheter chez un buraliste et qui permettent aux arnaqueurs de créditer des cartes (souvent des dizaines) qu’ils peuvent obtenir et utiliser en tout anonymat, notamment en retirant des espèces dans des distributeurs à l’étranger.
« Le genre d’arnaque qui s’appuie sur ce moyen de paiement est typique de ceux que l’on appelle les “brouteurs” d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal, Nigéria), mais elles peuvent aussi être perpétrées depuis l’Afrique du Nord ou par des francophones établis dans les pays de l’Est, à Chypre, en Israël… explique Jean-Jacques Latour, responsable de l’expertise en cybersécurité pour le site d’assistance officiel aux cybervictimes Cybermalveillance.gouv.fr. Elles ne coûtent pas cher à monter et s’opèrent souvent depuis des cybercafés locaux non contrôlés, ce qui renforce le sentiment d’impunité des auteurs. »
Les cartes PCS, émises par la société française CreaCard (qui n’a pas donné suite à notre demande d’interview), ne sont pas les seules à être utilisées par les escrocs. Ces derniers ont aussi recours à Neosurf, Transcash ou aux mandats cash de Western Union, eux aussi intraçables.
Des techniques d’arnaque bien rodées
Les arnaques classiques sont encore celles qui font le plus de victimes. Parmi elles, celle du proche en situation d’urgence. « Vous recevez un courriel de quelqu’un que vous connaissez qui vous dit “Je suis à l’étranger, j’ai un gros problème d’argent” ou “Je suis malade, peux-tu me dépanner en m’envoyant des numéros de coupons ?” » détaille Jean-Jacques Latour. Ce type de message est souvent lié au piratage d’un compte e-mail ou de la messagerie d’un de vos contacts. Le conseil du spécialiste : « Dès lors que la relation est purement virtuelle, n’envoyez pas d’argent tant que vous n’avez pas pu avoir la personne par téléphone, même si elle dit qu’elle n’est pas joignable. »
Autre stratagème, l’arnaque à la location sur les sites entre particuliers. Une fausse annonce est mise en ligne, avec un logement sous le prix du marché. Appâté par la bonne affaire, le candidat « sélectionné » est invité à fournir par courriel un dossier de location avec documents d’identité, fiches de paie, avis d’imposition, plus une caution et le premier mois de loyer à régler… en coupons. « Ces arnaques peuvent vite chiffrer, par exemple 1 000 € soit 4 coupons de 250 € par victime, alerte Jean-Jacques Latour. Et les données personnelles récupérées vont permettre au cybercriminel d’usurper votre identité, par exemple en contractant un crédit à la consommation à votre nom ! »
La ruse se décline aussi avec des biens coûteux (véhicules, appareils électroménager ou high-tech, animaux de compagnie…), toujours proposés à des prix alléchants. « Dès lors que l’on vous réclame un paiement en PCS, il y a 99 % de chances que ce soit une arnaque », prévient Jean-Jacques Latour.
Autre variante, plus pernicieuse : l’arnaque à la romance, où les « brouteurs » utilisent de faux profils sur les réseaux sociaux pour séduire des internautes à la recherche d’une relation. « Ici, quand ils flairent que la victime peut être escroquée de fortes sommes, ils utilisent des comptes bancaires pour réceptionner des virements plutôt que des PCS qui sont limités, certaines cibles allant jusqu’à s’endetter de plusieurs dizaines de milliers d’euros », se désole Jean-Jacques Latour.
Des chantages comme s’il en pleuvait
Les coupons PCS et les solutions de paiement similaires sont aussi omniprésents dans les chantages de toute sorte. Par exemple ? Celui au faux support technique vous laissant croire que votre ordinateur est infecté ou bloqué. Celui à la webcam où l’escroc fait croire qu’il dispose des images compromettantes, filmées avec votre webcam, ou se fait passer pour un officier des forces de l’ordre vous laissant croire que vous êtes accusé de pratiques pédopornographiques. Autre cas, celui du vol de l’accès à vos comptes de réseaux sociaux que l’on vous promet de rétablir contre rançon. « Ici, les sommes demandées sont assez faibles, de l’ordre de quelques dizaines ou centaines d’euros, ce qui enjoint les gens à payer », explique Jean-Jacques Latour.
Dans tous les cas, la méfiance doit être de mise lors de toute proposition trop belle pour être vraie. Le bon réflexe, se renseigner, notamment sur Cybermalveillance.gouv.fr, pour déjouer les pièges et trouver de l’assistance. Tout comme signaler les escroqueries sur le site officiel Internet-signalement.gouv.fr pour alimenter les connaissances des services de police judiciaire. Quant aux victimes, « on leur conseille de déposer plainte, même si elles ne retrouveront pas leur argent, parce que s’il n’y a pas de plainte, il n’y a pas d’enquête et donc les auteurs ne sont jamais arrêtés », conclut Jean-Jacques Latour.