Élisa Oudin
Victoire définitive d’une victime en Cour de cassation
La Cour de cassation vient de donner raison à un client du Crédit mutuel dans le cadre de la souscription d’un prêt en francs suisses. L’arrêt est très important pour les consommateurs car il confirme l’entière annulation du contrat, ainsi que l’absence de prescription des recours.
La sortie du tunnel se rapproche de plus en plus pour les emprunteurs des prêts immobiliers en francs suisses. En attendant le verdict de la cour d’appel de Paris dans la procédure au pénal contre BNP Paribas, la première chambre civile de la Cour de cassation (arrêt du 12 juillet 2023, n° 22-17.030) donne définitivement raison au civil à un emprunteur, cette fois, du Crédit mutuel.
Ce dernier, à l’image des nombreux clients ayant souscrit des crédits Helvet Immo de BNP, a emprunté dans les années 2000 des prêts immobiliers libellés en franc suisse. La très importante dévalorisation de l’euro face au franc suisse (après la crise des subprimes) a fait flamber les taux d’intérêt de ces prêts. Certains clients ont ainsi vu le capital restant à rembourser augmenter, au lieu de se réduire, au fil des mensualités ! Or, on le sait maintenant, les banques savaient que le risque de dévalorisation de l’euro face au franc suisse était très élevé. Mais s’étaient bien gardées de prévenir les particuliers.
Suivant la position de la Cour de justice de l’Union européenne sur les clauses abusives, les juridictions françaises annulent actuellement, au civil, les prêts en devises étrangères souscrits par des particuliers (hors frontaliers) en estimant qu’ils contiennent des clauses abusives.
Privation des intérêts du prêt
L’arrêt de la Cour de cassation précise ici très clairement les conséquences de la présence d’une clause abusive dans un contrat de prêt. Une position qui, au-delà des crédits en devises étrangères, peut s’appliquer à tout contrat de prêt présentant des clauses abusives. La Cour rappelle que la sanction d’une telle situation est la disparition, de façon rétroactive, de l’ensemble du contrat : les parties sont remises dans la situation telles qu’elles étaient si le prêt n’avait pas été souscrit. Concrètement, cela signifie pour les juges que l’ensemble des sommes versées par le client à la banque, au-delà du capital initial emprunté, doit être restitué au client… La banque est ainsi privée de la perception de tous les intérêts prévus au contrat.
La Cour de cassation a en outre aussi pris position sur l’argument, avancé par le Crédit mutuel, de la prescription de l’action de l’emprunteur. Pour la banque, le point de départ de la prescription de 5 ans doit être fixé au jour de la première baisse significative de l’euro face au franc suisse. Balayant cette thèse, la Cour de cassation opte pour une interprétation extrêmement plus favorable aux clients : le point de départ de l’action en restitution de l’emprunteur doit être fixé au jour de la constatation judiciaire du caractère abusif de la clause.