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Réforme des retraites

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Même s’il ne s’agit que de préconisations en vue de réformer totalement l’actuel système de retraite, et même si le gouvernement doit les arbitrer dans les semaines qui viennent, les mesures dévoilées jeudi 18 juillet par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, annoncent clairement la couleur du futur projet de loi. Avec des gagnants et des perdants. Notre décryptage.

Plus d’un an et demi ont été nécessaires pour que les premières pistes visant à créer un régime universel de retraites où « un euro cotisé donnera les mêmes droits pour tous », conformément à la promesse de campagne du candidat Macron, voient le jour. Fidèle à sa politique de concertation des partenaires sociaux, Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites, a précisé qu’il ne s’agissait que « d’une première étape », des discussions bilatérales avec les représentants syndicaux vont s’engager et des « arbitrages » seront faits dans les semaines qui viennent. En toile de fond, il en va de la présentation d’un projet de loi d’ici à la fin de l’année, d’un vote au Parlement l’an prochain, probablement après les municipales du mois de mars, et d’une mise en œuvre de cette réforme systémique début 2025, avec d’importantes phases de transition (d’une durée de 15 ans environ) pour permettre une convergence des règles des différents régimes actuels et un « maintien à 100 % des droits » d’ores et déjà acquis. Si ce calendrier est respecté, la génération née en 1963 sera donc la première impactée. Voici les principales recommandations à retenir.

Un système universel en points

Exit les 42 régimes de retraite existants avec leurs règles de fonctionnement spécifiques selon le statut professionnel de chacun : salariés du secteur privé, salariés des régimes spéciaux, fonctionnaires, indépendants, professionnels libéraux, agriculteurs… Place à un seul et même régime universel, valable pour tous, avec lequel « chaque jour travaillé permettra d’acquérir des points de retraite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », a souligné le haut-commissaire. Actuellement, en deçà de 150 heures travaillées (et donc cotisées), aucun trimestre retraite ne peut être engrangé. Une « Caisse nationale de retraite universelle » devrait être créée pour assurer le pilotage et la gestion du futur régime universel, avec une gouvernance « innovante ». Le nouveau système devra démarrer « à l’équilibre financier » et devra se maintenir tel quel, ce qui suppose des ajustements réguliers pour éviter tout déficit : une « règle d’or » qui vise à garantir « la pérennité de la trajectoire financière » de ce nouveau régime.

Des cotisations (quasi) identiques

Tous les revenus d’activité dans la limite de 120 000 € bruts par an seront soumis à un seul et même taux de cotisation, pour le moment fixé à 28,12 %. Celui-ci sera partagé entre l’employeur (60 %) et le salarié (40 %) : selon le rapport de Jean-Paul Delevoye, il est « proche du niveau actuel des salariés du privé ». Ce taux comprendra 2,81 % de cotisations non productrices de droits qui seront directement dédiées au financement du futur système. Les primes des fonctionnaires et des salariés des régimes spéciaux (s’ils en bénéficient aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas de tous) seront donc soumises à cotisations, contrairement à ce qui existe aujourd’hui. Les indépendants conserveront la possibilité de cotiser moins au-delà de 40 000 € de revenus annuels bruts. À ce jour, on sait qu’il faudra 10 € pour acquérir un point retraite et que sa valeur de service, ou de rendement (sous réserve de réajustement), a été fixée à 5,5 %. Autrement dit, pour 100 € cotisés durant sa vie professionnelle, une personne percevra 5,50 € de pension de retraite viagère.

Un âge de taux plein et « d’équilibre » fixé à 64 ans

C’est sans aucun doute la mesure qui fait grincer le plus les dents des représentants syndicaux des salariés. Si la possibilité de partir en retraite dès 62 ans est préservée, comme cela est le cas aujourd’hui (et comme s’y était engagé Emmanuel Macron il y a quelques semaines après des prises de position contraires de certains ministres), un système de décote va être mis en place pour inciter les futurs retraités à « prolonger leur activité, afin de garantir l’équilibre du système », selon Jean-Paul Delevoye, qui ne manque pas de rappeler que l’actuel âge de départ est d’ores et déjà de 63 ans et 4 mois (au régime général, hors départs anticipés). À 64 ans, ce sera donc le taux plein pour tout le monde. Avant, il y aura une décote viagère de 5 % par an sur la valeur du point, soit 10 % pour tous ceux qui choisiront de partir dès leurs 62 ans : un dispositif pénalisant par rapport à ce qui existe aujourd’hui, puisqu’une personne qui a engrangé suffisamment de trimestres peut partir à taux plein dès 62 ans, sans aucune pénalité (hors malus Agirc-Arrco mis en place depuis début 2019). Après, il y aura une surcote de 5 % par an. À noter que l’âge d’équilibre, aujourd’hui fixé à 64 ans, pourra être ajusté en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. Par exemple si celle-ci augmente d’un an, l’âge d’équilibre passera à… 64 ans et 8 mois.

Des départs anticipés encore possibles

Le dispositif « carrières longues » sera maintenu : il permet aux personnes ayant travaillé tôt (et engrangé au moins 5 trimestres retraite avant leurs 20 ans) de partir à 60 ans, et non à 62 ans. Aucune décote sur la valeur du point ne sera appliquée. Les départs anticipés dont peuvent se prévaloir certaines catégories de fonctionnaires (aides-soignantes…) ou certains salariés des régimes spéciaux sont amenés à s’éteindre progressivement, sur un certain nombre d’années de transition. Ils devraient être compensés pour certains par une extension du dispositif de pénibilité qui reconnaît notamment le travail de nuit. Les militaires et les fonctionnaires « ayant des missions régaliennes » (policiers, gardiens de prison, contrôleurs aériens, agents des douanes…) pourront par exception continuer à partir plus tôt.

Des droits familiaux et de solidarité revisités 

Contrairement aux dispositions actuelles qui majorent de 10 % les pensions des parents (mère et père) qui ont eu au moins trois enfants, tous régimes confondus, une majoration de 5 % dès le premier enfant, et pour chaque enfant, est prévue. Avec l’instauration de ce nouveau droit, les familles d’un ou deux enfants sont gagnantes. Les familles très nombreuses le seront aussi. Si souhaité, cette majoration pourrait être répartie entre les parents : 2,5 % pour la mère et 2,5 % pour le père d’un enfant par exemple. Quant aux périodes d’inactivité involontaire (chômage, maladie, invalidité, maternité…) elles donneront droit à des points « de valeur identique » à celle des points cotisés. Les stagiaires ou les aidants familiaux pourraient eux aussi bénéficier de points.

Une réversion fonction des revenus du couple

Les 13 règles actuelles d’attribution d’une pension de réversion qui prennent tantôt en compte les ressources du conjoint survivant, tantôt le fait qu’il ne soit pas remarié vont être fondues en une seule et même règle. Celle-ci tiendra compte du revenu global du couple (obligatoirement marié, comme c’est le cas aujourd’hui) avant le décès de l’un d’eux, et sera égale à 70 % de ce total. Les femmes (qui sont aujourd’hui les principales bénéficiaires des pensions de réversion, de part une espérance de vie plus importante que celles des hommes) devraient être globalement gagnantes, mais uniquement si leur propre pension de retraite est moins élevée que celle de leur conjoint. Les ex-conjoints seront exclus de ce futur mode de calcul, puisqu’il est prévu que les droits retraite soient désormais soldés au moment du divorce par le juge. Les règles applicables aux personnes d’ores et déjà retraitées, ou à celles qui le seront d’ici 2025, restent inchangées.

Un minimum porté à 85 % du Smic

Les personnes qui ont cotisé toute leur vie professionnelle sur des faibles revenus pourront avoir droit à un minimum de retraite, fixé pour le moment à 85 % du Smic net. C’est mieux qu’aujourd’hui puisque les salariés dans cette situation ne perçoivent que 81 % du Smic net (75 % pour les agriculteurs). De façon plus globale, les pensions devraient être indexées sur l’inflation, mais ce point n’est pas totalement tranché. 

Un cumul emploi retraite productif de droits

À compter de l’âge du taux plein, soit 64 ans, les personnes qui souhaitent retravailler pourront se constituer de par leurs cotisations, de nouveaux points à la retraite. Ces droits ne seront pas perdus, comme c’est le cas aujourd’hui pour les personnes qui ont entamé leur cumul emploi-retraite après 2015 : ils permettront d’obtenir un complément de pension.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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