Arnaud de Blauwe
Jeu de dupes
Pendant que, sur le devant de la scène, les acteurs du ferroviaire s’opposaient autour des dépenses que chacun devait supporter pour assurer la pérennité et le financement du système, en coulisses, la solution se préparait : faire payer l’usager ! Il y a quelques semaines, le gouvernement autorisait la SNCF à augmenter les tarifs du TGV de manière « raisonnable ». La hausse, qui sera annoncée mi-janvier, devrait être comprise entre 2 et 3 %, soit davantage que l’inflation.
Était-ce cousu de fil blanc ? Ces dernières années, les acteurs du monde ferroviaire se sont écharpés en public sur la question de l’effort financier que chacun devait supporter pour assurer la pérennité et le fonctionnement du système. Mais, en bout de ligne, c’est bien l’usager du train qui est appelé à la rescousse ! À l’automne, à peine nommé secrétaire d’État aux transports, Thierry Mariani autorisait la SNCF à augmenter ses tarifs de manière « raisonnable ». Une décision justifiée par la nécessité urgente de rénover un réseau à bout de souffle.
Le verdict devrait tomber mi-janvier. Mais diverses sources évoquent une augmentation moyenne du prix des billets TGV comprise entre 2 et 3 %, soit davantage que l’inflation. Voilà ce qu’on appelle sans doute une hausse « raisonnable »… En 2009, les tarifs du TGV avaient déjà connu une forte poussée de fièvre (+3,5 %), cette dernière retombant un peu l’année suivante (+1,9 %). Plus récemment, une étude indépendante révélait que, de 2002 à 2009, le coût moyen du train par voyageur et par kilomètre avait crû deux fois plus vite que l’inflation (3,4 % par an contre 1,7 %).
Le match SNCF/RFF
Cette bataille du rail, à nouveau perdue par le consommateur, a été animée par deux belligérants majeurs. D’un côté, la SNCF, qui reste la seule à faire rouler des trains de voyageurs sur le réseau français. De l’autre, RFF (Réseau ferré de France), qui en est devenu le propriétaire en 1997 tout en héritant d’une partie de la colossale dette ferroviaire. Or, au fil des ans, cet établissement public a régulièrement augmenté le montant des péages réclamés en contrepartie de l’utilisation de ses voies ferrées. Au début, la SNCF a encaissé le coup.
Mais les redevances exigées continuant de flamber (les péages représentent 30 à 40 % du prix d’un billet TGV), elle a de plus en plus souvent manifesté publiquement son mécontentement. En réplique, certains représentants de RFF ne se privaient pas de distiller cette information : « La marge que la SNCF réalise sur le TGV, sa vache à lait, atteint 25 %, ce qui est confortable. » Manière de faire comprendre que la société nationale pouvait faire un effort plutôt que de pleurnicher… La SNCF se gardant en outre de crier sur les toits qu’elle récupère une partie du produit des péages : c’est en effet à elle que RFF a confié l’entretien du réseau et la rémunération qui va avec !
Aujourd’hui, SNCF et RFF semblent avoir fait la paix (et pour cause !). Mais le débat sur les tarifs reste ouvert. Même si le contrôle que l’État exerce sur leur fixation n’est pas d’une rigueur absolue, il a le mérite d’exister. Or, depuis quelques mois, la SNCF négocie la possibilité de faire sauter ce verrou, ce qui lui permettrait de faire valser les prix de ses billets comme elle l’entend. Et les discussions entre les deux parties vont d’ailleurs… bon train. Fin 2010, elles ont ainsi signé une convention sur les liaisons interrégionales – dites d’équilibre du territoire – assurées par des Corail. L’État en finance quarante d’entre elles et confie leur exploitation à la SNCF en échange d’une compensation annuelle de 210 millions d’euros (plus une dotation de départ de 300 millions pour rénover le matériel roulant). Elle sera financée par une taxe payée par les sociétés d’autoroutes et par une taxe prélevée sur le chiffre d’affaires du TGV. Mais gageons que, d’une manière ou d’une autre, elles seront toutes les deux rapidement répercutées sur le consommateur.