BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Crise agricole

La défense du revenu agricole n’est pas incompatible avec l’environnement et la santé des consommateurs !

Depuis la semaine dernière, les agriculteurs manifestent à travers toute la France pour protester contre la faiblesse de leurs rémunérations. De fait, après avoir connu une légère embellie entre 2021 et 2022, le revenu agricole devrait baisser de 9 % en 2023 d’après les calculs de l’Insee (1).

Et pourtant, on ne peut pas dire que Jupiter ait hésité à brandir le foudre législatif ces dernières années ! En 2018, déjà décidé à agir, le Gouvernement dégainait la Loi Egalim 1 et nous faisait croire qu’en garantissant une marge minimale de 10 % à la grande distribution, celle-ci ruissellerait miraculeusement pour faire remonter les prix agricoles. Dénoncé dès l’origine par l’UFC-Que Choisir, ce relèvement du seuil de revente à perte a largement démontré son inefficacité, n’apportant aucun bénéfice aux agriculteurs, comme les protestations actuelles dans les campagnes le confirment à nouveau. C’est pourquoi je demande au législateur de supprimer sans tarder cette mesure inflationniste, alors que la baisse des prix alimentaires en rayon annoncée depuis des mois par le Gouvernement se fait toujours attendre.

Egalim 1 devait être aussi la fin des négociations biaisées où la grande distribution et les industriels imposent des prix indignes aux agriculteurs. Désormais, c’était sûr, on appliquerait des prix agricoles véritablement rémunérateurs, basés sur les coûts de production des agriculteurs. Las, en l’absence de contrôles, cet aspect de la Loi Egalim 1 est resté lettre morte et la grande distribution comme les industriels ont continué à dicter leur loi aux agriculteurs.

Qu’à cela ne tienne, trois ans plus tard, le Gouvernement, encore décidé à agir (ou voulant en donner l’impression), dégaine la Loi Egalim 2. La précédente n’était pas assez précise ? Avec la nouvelle version, c’était juré, on allait enfin avoir des prix agricoles décents. Las, Egalim 2 reste également sans impact pour les mêmes raisons qu’Egalim 1.

En mars dernier, toujours décidé à agir et sans crainte du ridicule, le Gouvernement dégaine la Egalim 3 (la loi Descrozailles) qui interdit notamment à la distribution certaines promotions sur les produits d’hygiène et d’entretien, au prétexte de soutenir les prix agricoles ! Vous imaginez bien que cette disposition ahurissante n’a eu évidemment aucun impact sur la rémunération des agriculteurs.

Mardi enfin, en réponse à la colère du monde agricole, Gabriel Attal annonce devant les députés, des contrôles et des sanctions pour faire respecter la Loi Egalim ! Il serait temps non ? Alors que les éleveurs dénoncent la faiblesse du prix imposée par Lactalis, 15 % en dessous de ses concurrents et en contradiction avec ses obligations légales, le Gouvernement doit sans plus tarder faire appliquer son arsenal législatif. Les agriculteurs français doivent trouver une juste rémunération pour le travail qu’ils accomplissent. C’est une condition sine qua non pour permettre une pérennité de l’activité agricole dans notre pays et donc assurer la souveraineté alimentaire de notre pays, qui ne doit en aucun cas être sacrifiée.

Mais je voudrais également réagir aux déclarations de la Fnsea qui, pour reprendre la main sur le mouvement spontané des agriculteurs, nous ressert ses vieilles rengaines sur l’avalanche de normes européennes. Celles-ci, en renchérissant les productions françaises, les empêcheraient d’être compétitives. Faut-il pour autant abaisser drastiquement les exigences sanitaires et environnementales ? Je vous le dis clairement, un tel retour en arrière ne serait pas acceptable. Le scandale ce n’est pas l’existence d’exigences visant à préserver la santé des consommateurs et l’environnement. Le scandale c’est le fait que ces exigences ne s’appliquent pas à tous les produits qui entrent sur notre territoire ! L’UFC-Que Choisir dénonce depuis des années cette situation, ainsi que la signature des traités bilatéraux tels que le Mercosur qui officialisent ces inadmissibles exemptions aux règles européennes. Si les pouvoirs publics veulent vraiment agir pour empêcher la concurrence déloyale à laquelle sont confrontés nos agriculteurs, ils doivent généraliser les normes environnementales et sanitaires quelle que soit l’origine des produits, et non les supprimer.


(1) Valeur ajoutée brute au coût des facteurs par actifs – Compte prévisionnel de l’agriculture pour 2023 – Insee Première n°1977 – Décembre 2023.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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