BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Proposition de loi « Valletoux »

L’art de la fausse lutte contre les déserts médicaux

déserts médicaux

Alors que la désertification médicale s’accroît, les autorités semblent déterminées à garder la tête dans le sable. La proposition de loi « Valletoux » portée par les députés de la majorité présidentielle en est la parfaite illustration. Alors que le texte annonce vouloir « améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels », son contenu marque un fossé entre l’ambition affichée et les mesures proposées.

En particulier, le texte ne contient aucune mesure contraignante de régulation. De telles dispositions, initialement portées par l’ancien député Horizons Thomas Mesnier, ont été totalement vidées de leur substance. La mouture actuellement examinée est donc une version 2.0 de la proposition de loi Horizons, détricotée au fil de l’eau, et arborant désormais des allures de coquille vide. Ainsi, outre quelques mesures de bon sens mais à la portée limitée (l’interdiction de l’intérim à l’hôpital ou la participation à la permanence des soins), nous avons droit à un concentré de mesurettes telles que le renforcement des pouvoirs des conseils territoriaux de santé. Ce genre de propositions, à des années-lumière des enjeux auxquels elles devraient répondre, sont tout bonnement affligeantes.

Comme nous l’avons montré, 23,5 % des usagers résident dans une commune présentant des difficultés d’accès à un généraliste ; 38,3 % à un ophtalmologue, 41,6 % à un gynécologue, et 52,4 % à un pédiatre. Cette situation est intrinsèquement liée au fait que les médecins sont la seule profession soignante bénéficiant à l’heure actuelle d’une liberté totale d’installation. Pire, non seulement la situation de l’offre de soins est tout bonnement désastreuse, elle est même amenée à se dégrader à vitesse grand V dans les années à venir, avec l’accélération des départs en retraite des médecins issus de la génération du baby-boom. Cette dégradation ne fera qu’accroître la fracture sanitaire, puisque c’est dans les départements où ils sont déjà les moins nombreux par habitant que les médecins sont les plus proches de l’âge de la retraite !

Ainsi, j’exhorte les parlementaires, notamment ceux de la majorité, à adopter de vraies mesures de régulation de l’installation des médecins, pour traduire dans les faits un engagement inscrit noir sur blanc dans le programme du candidat Macron lors de la campagne présidentielle de 2022. Ils pourraient par exemple voter les amendements de régulation proposés par le collectif de 200 députés de tous groupes parlementaires réunis (y compris de la majorité présidentielle), conduit par l’ancien ministre Guillaume Garot. Je soutiens pleinement ces mesures, conformes à celles que nous appelons de nos vœux.

Jusqu’où le non-accès aux soins de nos concitoyens devra-t-il parvenir pour que le dogme de la liberté absolue d’installation des médecins soit remis en cause ? Quelle légitimité pour une profession qui vit, par le conventionnement, grâce à la solidarité nationale, de la revendication d’un droit de s’installer sans tenir compte des besoins de la population ? Là comme ailleurs, la liberté individuelle doit être régulée à l’aune de l’intérêt général qui lui est supérieur.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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