Démarchage téléphonique en assuranceLes pouvoirs publics doivent mettre fin aux pratiques toxiques
Alors que l’examen à l’Assemblée nationale de la proposition de loi portant sur l’encadrement des appels à visées commerciales a été reporté à janvier 2020, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) entend adopter sous peu un avis sur le démarchage en matière d’assurance. Devant son essor et face à l’explosion des pratiques toxiques dont sont principalement victimes les plus vulnérables, nous, associations représentant les consommateurs et les familles, appelons à son interdiction. Dans cette attente, nous demandons l’adoption immédiate de mesures mettant fin aux dérives les plus scandaleuses du démarchage téléphonique et la remise à plat de son modèle économique.
+ 60 % depuis 2012 : les litiges liés au démarchage explosent !
Le démarchage est une technique de vente dangereuse en plein essor. En plus de constituer une atteinte à la tranquillité des personnes, la relation commerciale qui en découle est irrémédiablement viciée. Sollicités sans leur consentement, les consommateurs ne peuvent réaliser un choix éclairé et encore moins faire jouer la concurrence. De plus, les informations données à l’oral sont souvent lacunaires voire inexactes, on comprend mieux pourquoi les litiges liés au démarchage ont progressé de 60 % depuis 20121.
Sans surprise, les secteurs qui ont massivement recours à cette pratique sont ceux qui concentrent le plus de litiges. C’est particulièrement le cas pour les assurances santé et prévoyance : alors qu’elles représentent moins d’un tiers (29 %) des contrats, elles sont à l’origine de près des trois-quarts des réclamations (72 %)2 !
Au sein de nos associations, ces dernières relèvent de pratiques commerciales agressives et / ou trompeuses à l’attention des publics vulnérables, notamment les personnes âgées isolées.
Démarchage en assurance : des pratiques toxiques connues et pourtant impunies
Si les pratiques toxiques de certains courtiers en assurance sont connues des professionnels qui font appel à leur service et des pouvoirs publics3, force est de constater qu’elles demeurent largement impunies.
La première porte sur le défaut d’information. Prétextant contre l’évidence que les contrats sont conclus à la demande des consommateurs (vente en « un temps »), nombreux sont les professionnels qui s’exonèrent de leur obligation de remettre une information écrite avant toute souscription.
La deuxième relève de l’absence de conseil. Alors que les démarcheurs sont tenus de proposer des produits adaptés aux besoins de leurs clients, ces derniers sont rarement questionnés sur leur situation. Comment s’en étonner au regard du peu de temps qui leur est consacré ? En effet, chez un courtier récemment sanctionné, les contrats étaient souscrits après un appel d’une durée moyenne de seulement 4 minutes et 44 secondes 4!
Si tel n’était pas suffisant, les démarcheurs avancent couramment masqués. En effet, il est fréquent qu’ils utilisent abusivement les noms de tiers (courtier grossiste, assureur, organisme public) dans le but de complexifier les recours et les résiliations des consommateurs.
Le modèle économique pervers du démarchage en assurance
Au-delà de ces pratiques inacceptables, il subsiste une question de fond : les intérêts des professionnels et des consommateurs sont-ils alignés tel que le prévoit la loi5 ? Rien n’est moins sûr, comme l’a d’ailleurs reconnu le régulateur6.
En effet, au lieu d’encaisser des commissions fixes tout au long de la vie des produits, les rémunérations des courtiers sont majorées la première année, puis fortement amputées par la suite.
Si cette pratique garantit aux assureurs le zèle des démarcheurs, elle engage ces derniers dans une fuite en avant perverse qui les pousse à prospecter massivement. En outre, la rémunération des courtiers étant en partie liée à la non-résiliation du contrat par l’assuré, tout est fait pour dissuader les consommateurs d’y mettre fin.
Déterminées à mettre un terme aux pratiques toxiques du démarchage en assurance, les associations AFOC, CLCV, Familles Rurales, UFC-Que Choisir et UNAF dénoncent son processus industriel délétère dont sont collectivement responsables par leur inaction la Fédération française des assurances (FFA) et la Chambre syndicale des courtiers d’assurance (CSCA). Au regard de la gravité des pratiques incriminées, nous demandons :
- L’interdiction du démarchage en matière d’assurance ;
- Dans cette attente, l’adoption immédiate d’un avis du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) mettant fin aux dérives les plus scandaleuses qui nécessite :
- L’interdiction de la vente en « un temps » et la mise en œuvre d’un délai incompressible à partir duquel le « second temps » peut intervenir ;
- L’obligation de conservation de l’intégralité des enregistrements téléphoniques des démarchages pour sanctionner efficacement les sociétés se livrant à ces dérives ;
- L’adoption d’un mécanisme d’authentification de signature garant du consentement des consommateurs.
Dans la mesure où de telles dérives sont communes à l’ensemble des secteurs de la consommation, nous appelons les députés à adopter un encadrement enfin respectueux des droits des personnes à l’occasion de l’examen de la proposition de loi portant sur le démarchage téléphonique. Conformément à la position unanime de l’ensemble des associations, ce dernier impose :
- Un dispositif d’opt-in, mécanisme qui permettrait aux consommateurs, par un acte positif, de consentir au démarchage téléphonique ;
- Un préfixe aisément identifiable pour les appels de démarchage téléphonique ;
- Un rapport annuel des contrôles réalisés avec l’identité des entreprises ne respectant par le cadre légal (« naming and shaming »).
1 Bilan annuel 2018 du baromètre des réclamations de consommateurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), 2019.
2 Conférence du contrôle l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 23 novembre 2018.
3 Voir, par exemple, la jurisprudence de la commission des sanctions de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
4 Commission des sanctions de l’ACPR, 26 février 2018, SGP, Procédure n°2017-09.
5 Article L521-1, III du Code des assurances, « les distributeurs de produits d’assurance ne sont pas rémunérés (…) d’une façon qui contrevienne à leur obligation d’agir au mieux des intérêts du souscripteur ».
6 Conférence du contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 25 novembre 2016.