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Allégation environnementaleLe biosourcé selon Dulux Valentine, de la poudre aux yeux ?

Fabrice Pouliquen
MM

par Fabrice Pouliquen, Mélanie Marchais

Les fabricants de peinture allèguent de plus en plus du caractère « biosourcé » de leurs peintures et mettent alors en avant cette démarche sur leurs pots. De façon pas totalement transparente, comme nous l’avons constaté chez Dulux Valentine.

Biosourcé : « Se dit d’un produit, d’une matière ou d’un matériau qui est entièrement ou partiellement fabriqué à partir de biomasse (végétale ou animale) », rappelle le guide pratique des allégations environnementales du Conseil national de la consommation (CNC).

Cette mention est notamment utilisée dans le secteur de la peinture d’intérieur par un nombre croissant de fabricants qui garantissent ainsi avoir substitué, dans leurs recettes, une partie des matières d’origine fossile (pétrole, charbon) par d’autres d’origine renouvelable. Le plus souvent, c’est la résine qui devient ainsi biosourcée, cet ingrédient qui assure le liant dans la peinture, représentant jusqu’à 25 % de la formule pour une peinture d’intérieur mate et jusqu’à 90 % pour un vernis.

Si le biosourcé va dans le bon sens, la réglementation encadrant l’utilisation de cette allégation reste vague et permet ainsi aux entreprises de la tourner à leur avantage. Bien souvent au détriment des consommateurs qui peuvent difficilement comparer les mentions d’un pot à l’autre. Nous avons analysé 4 peintures de différentes marques (GoodHome, Leroy Merlin, Ripolin et Dulux Valentine) alléguant d’ingrédients biosourcés. La majorité ne respecte pas scrupuleusement le guide du Conseil national de la consommation (CNC), ni le référentiel élaboré par la Fédération des industries des peintures, encres, colles, couleurs et résines (Fipec).

La nébuleuse approche « BioMass Balance »

Et parmi ces 4 fabricants, l’un se distingue par son manque de transparence : Dulux Valentine. Sur son pot de peinture Le Blanc Facile satin, la marque cumule les mentions nébuleuses et alambiquées : « Fabriqué à partir de matière première biosourcée », « Contribue à réduire l’empreinte carbone grâce à l’approche BioMass Balance »… Certes, un QR code renvoie vers une page web censée expliciter la démarche (1). Mission qu’elle ne remplit qu’à moitié seulement.

Les différentes mentions sur le pot de peinture de Dulux Valentine.

En tout cas, on ne s’attend pas à trouver seulement 3 % de carbone biosourcé (voir notre méthode de test en encadré) dans le pot de peinture. Et même 2 % lorsque nous avons répété l’analyse sur un second échantillon. Grégoire David, ingénieur produit biosourcé à l’Agence de la transition énergétique (Ademe), n’est pas surpris. « La BioMass Balance garantit seulement qu’en entrée d’usine de la biomasse a été utilisée, commence-t-il. Mais on ne sait pas précisément ce qu’elle devient dans le process de fabrication [elle peut avoir été brûlée, ndlr] et on ne peut assurer un taux de carbone biosourcé réel et constant dans le produit fini. »

→ Lire aussi : Peintures et produits ménagers - Des promesses vertes bien trop floues

Dans le cas de Dulux Valentine, son fournisseur de résines remplace une partie des matières fossiles par de la biomasse. Celui-ci obtient ainsi le droit d’alléguer que certaines de ses résines sont fabriquées « à partir de matière première biosourcée », dont celles que lui achète Dulux Valentine. « Grâce à la méthode Mass Balance, le fournisseur contrôle la quantité de matières premières renouvelables qu’il utilise et les alloue à des produits spécifiques, comme la résine qu’utilise Dulux Valentine pour fabriquer ses peintures Le Blanc Facile et le Blanc Finition Parfaite », nous écrit le fabricant.

Aucun chiffre donné

Mais quelle part de matières biosourcées a été introduite, en entrée d’usine, pour fabriquer cette résine ? Nulle part Dulux Valentine n’apporte cette information aux consommateurs. Aucun chiffre n’est donné, ni sur son pot, ni sur son site Internet. « Le pourcentage de Mass Balance utilisé par notre fournisseur peut varier en fonction de la technologie de la résine ou du processus de production utilisé, nous précise l’entreprise. Ce pourcentage est compris entre 35 % et 100 % de Mass Balance sur les matières solides. » Certes, Dulux Valentine est audité par un organisme indépendant sur son approche BioMass Balance. « Cette certification garantit que nous ne pouvons pas prétendre utiliser, dans nos produits, plus de matériaux biosourcés que ce qui a été réellement mis en œuvre dans le processus de fabrication des matières premières », reprend le fabricant. 

Cette approche de BioMass Balance a un avantage, soulignent tant Grégoire David que Thierry Jeannette, président de la commission environnement de la Fipec. Du moins dans ce contexte où la demande en produits biosourcés et parfois aussi la disponibilité de la biomasse sont encore balbutiantes. « Elle permet aux grands acteurs de la chimie d’incorporer petit à petit, sans attendre, des ingrédients d’origine renouvelable dans leur process de fabrication sans avoir à y dédier des lignes de production spécifiques », précisent-ils tous deux.

La moindre des choses : marquer une différence

Certains fabricants font tout de même cet effort et garantissent un taux de carbone biosourcé réel et constant pour leurs résines. Dans les trois autres pots analysés, ce taux affiché avoisine les 100 %. Et lorsque nous avons procédé à une analyse radiocarbone de ces peintures, sur l’ensemble de la formule donc, nous avons mesuré des taux de carbone biosourcé bien plus élevés que les 2 et 3 % retrouvés dans les pots Le Blanc Facile satin de Dulux Valentine. Jusqu’à 49 % dans la peinture Envie blanc velours du fabricant Leroy Merlin. Par son manque de transparence, Dulux Valentine se fait passer pour l’un de ces bons élèves. « Quand on fait du BioMass Balance, il faudrait au minimum marquer une différence, en utilisant la mention "bioattribué" plutôt que "biosourcé" », pointe ainsi Grégoire David, rappelant une recommandation de l’Ademe.

Notre méthode de test

Allégations « biosourcé » et « d’origine végétale »
Nous avons vérifié le pourcentage de carbone renouvelable (biosourcé) dans les peintures à l’aide d’une analyse radiocarbone (ou carbone 14). Cet élément a trois isotopes (C12, C13, C14), le dernier disparaissant sur le long terme. C’est grâce à lui qu’on peut distinguer la part provenant du végétal ou de l’animal (pleine de C14) de celle issue du pétrole (dépourvue de C14) dans un produit. Ainsi, on obtient sa teneur en carbone biosourcé. Cette méthode ayant ses limites (absence de distinction entre taux végétal et animal, notamment), nous avons aussi interrogé les fabricants sur l’origine de leurs ingrédients.

Allégation « d’origine naturelle »
Nous avons mesuré l’eau, un ingrédient naturel présent dans de nombreux détergents.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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Mélanie Marchais

Rédactrice technique

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