Laurence Delain-David
Assurance dépendanceQue de carences !
Le groupe de travail ministériel « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées » dresse un état des lieux de la place de l’assurance dépendance privée en France. Ses premières conclusions se révèlent sévères pour l’offre existante.
Des contrats qui manquent de transparence et présentent une protection insuffisante des intérêts du souscripteur, des cotisations très variables et des rentes qui ne le sont pas moins, des méthodes de revalorisation peu explicites… la note provisoire du groupe technique « Assurance », rattaché au groupe de travail ministériel présidé par Bertrand Fragonard, « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées », n’est pas vraiment flatteuse pour le marché de l’assurance privée.
Roselyne Bachelot Narquin se serait bien passée de cette mauvaise publicité au moment où elle inaugure les premiers débats interdépartementaux sur la question de la dépendance. Bonne joueuse, elle a cependant préféré reprendre la balle au bond. Invitée lors des rencontres du Cora (Conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance) organisées par la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances) le 21 avril, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale a notamment plaidé pour « la lisibilité des contrats » et jugé intéressante l’idée d’un « label » afin de « définir des règles communes de déclenchement de la garantie des contrats, de gestion des droits ou encore de transférabilité ou de portabilité des garanties souscrites ».
Il y a en effet encore fort à faire en matière d’assurance dépendance, un risque dont le coût national est estimé à 30 milliards d’euros par an à l’horizon 2035, contre 25 milliards actuellement. Si l’on se réfère aux dernières statistiques publiées par la FFSA, fin 2010, 5,5 millions de personnes étaient couvertes contre le risque de perte d’autonomie. Mais seuls 1,4 million de particuliers avaient souscrit un contrat dont la dépendance est la garantie principale (77 % à titre individuel, et 23 % par le biais de contrats collectifs obligatoires). Toujours selon la FFSA, ces assurés acquitteraient une cotisation annuelle moyenne de 345 € (322 € pour la seule dépendance lourde, 403 € pour la dépendance totale et partielle) et seraient susceptibles de toucher une rente mensuelle moyenne de 540 € (563 € en cas de dépendance lourde et 292 € en cas de dépendance partielle).
Complexité du produit
Mais ce constat est loin de traduire la réalité du marché. Selon la note provisoire dévoilée la semaine dernière, les niveaux de rente observés oscilleraient de 120 € par mois à 500 ou 600 €. Quant aux montants de cotisations, ils seraient tout aussi variables « sans que le montant de rente ne l’explique totalement ». Ces chiffres confirment les disparités révélées par l’enquête de « Que Choisir Argent » publiée en octobre 2010. Passant au crible une douzaine d’offres d’assurance dépendance (AG2R la Mondiale, CNP Assurances, Groupama, etc.), ce comparatif montrait déjà clairement la complexité du produit, qu’il s’agisse de la nature même du contrat (certaines formules de prévoyance classique sont à fonds perdus, d’autres consistent en options associées à une assurance-vie classique), de la définition et de l’étendue des garanties (dépendance totale et/ou partielle), des conditions de déclenchement de l’indemnisation (délai de carence, franchise, etc.) ou encore des services d’assistance et autres options proposés.
Le gouvernement – qui ne s’est toujours pas prononcé fermement en faveur ou non d’une assurance dépendance complémentaire obligatoire – a donc du pain sur la planche s’il veut un jour obtenir l’« harmonisation des conditions de déclenchement des garanties » récemment évoquée par Roselyne Bachelot. Quant aux « conditions de comparaison », permettant à l’assuré de choisir son assurance dépendance « en toute connaissance de cause », elles tiennent pour l’heure du vœu pieux !