
par Élisa Oudin
par Élisa Oudin
Malgré les scandales ayant conduit à plusieurs condamnations de Natixis et de ses filiales, l’établissement du groupe BPCE ne veut pas indemniser les clients à hauteur de leur préjudice. Les dirigeants découragent toute tentative de réclamer justice.
Juillet 2017. Natixis Asset Management, la filiale de gestion d’actifs du groupe Natixis, écope de la sanction la plus sévère jamais prononcée par l’Autorité des marchés financiers (AMF). La structure, qui fait partie du groupe Banques populaires/Caisses d’épargne (BPCE), est condamnée à 35 millions d’euros d’amende. Un montant abaissé ensuite à 15 millions par le Conseil d’État, qui confirme toutefois la culpabilité de la société. La justice administrative estime que cette dernière a ponctionné des « charges indues et injustifiées » sur les placements qu’elle gère, au détriment des clients. En septembre 2019, rebelote : une nouvelle amende est prononcée contre elle, car elle s’est de nouveau octroyé une part bien trop élevée des bénéfices générés avec l’argent des épargnants. Une partie des fonds concernés par ces prélèvements illégaux est logée dans des contrats d’assurance vie commercialisés au sein du réseau des Banques populaires et des Caisses d’épargne.
Natixis n’est pas le seul établissement pris la main dans le sac des commissions illicites. Cette même année 2019, le gendarme des marchés financiers épingle le Crédit lyonnais-LCL pour la perception de frais indus. Cependant, contrairement à la filiale de BPCE, LCL fait amende honorable et conclut, en juillet 2019, un accord homologué par l’AMF. La banque s’engage à rembourser les charges illégitimement encaissées. À l’inverse, les dirigeants de Natixis et de BPCE s’emploient à décourager la moindre tentative d’obtenir réparation, à l’image des efforts déployés pour ne pas communiquer avec l’UFC-Que Choisir. L’association, qui a intenté une action de groupe contre les pratiques de Natixis Asset Management, a réclamé les informations financières adressées à l’AMF. Or, l’entreprise a invoqué le « secret des affaires » pour maintenir le voile sur ses méthodes préjudiciables. Le 18 juin 2025, elle est parvenue, en appel, à repousser l’action de groupe lancée par l’UFC-Que Choisir. C’est ce qui permet à l’actuelle direction de la communication de BPCE de répondre : « La cour d’appel de Paris a considéré que les porteurs de parts des fonds à formule gérés par Natixis IMI n’ont subi aucun préjudice patrimonial. » Ce n’est pas exact. La juridiction a seulement exclu la possibilité d’une action de groupe parce que les préjudices étaient de natures variées.
Une société de gestion qui « crache » 10 fois plus de bénéfices que le marché… Tentant de laisser faire, même si les risques atteignent des sommets ignorés des clients ! C’est l’histoire de H2O, autre filiale de Natixis, dont le scandale éclate en 2019. Le Financial Times, journal britannique, révèle que plusieurs fonds de cette structure ont investi, cette année-là, près de 1 milliard d’euros dans les entreprises en partie insolvables de Lars Windhorst, un homme d’affaires sulfureux à l’origine de plusieurs faillites. Les pertes des investisseurs sont évaluées à 2,7 milliards d’euros. L’affaire est internationale. Le groupe fait une offre transactionnelle : 479 millions d’euros, soit 17 % des montants perdus. Inadmissible pour le Collectif Porteurs H2O (9 000 personnes) ! Celui-ci souligne que Natixis a reçu plus de 600 millions d’euros de dividendes (hors commission) de H2O entre 2019 et 2022. En outre, l’offre prévoit que les porteurs renoncent à toute action judiciaire à l’égard de Natixis et de BPCE. Et même du cabinet KPMG, qui conseille le groupe.
→ Lire aussi : Scandales financiers - Natixis joue l’obstruction
Ici encore, les responsables de Natixis semblent obsédés par l’idée d’empêcher que la lumière soit faite. Le 14 octobre 2024, H2O est condamné à 1,38 million d’euros d’amende pour obstruction. La société continue, malgré plusieurs jugements l’y obligeant, à ne pas transmettre les e-mails échangés entre Bruno Crastes, directeur général d’H2O lors des faits, et Lars Windhorst. Enfin, en janvier 2025, le groupe tente une autre stratégie : il conteste le droit des plaignants à agir conjointement en justice, sous prétexte que le Collectif Porteurs H2O leur avait proposé des bulletins d’adhésion ou recommandé un avocat. Des pratiques pourtant largement répandues et qui ne sont pas punies par les tribunaux. Si ce n’était pas si grave, on serait tenté de qualifier Natixis de « mauvais joueur » !
Juillet 2017 Sanction et amende record (35 M€) de l’Autorité des marchés financiers (AMF) contre Natixis Asset Management pour « information inexacte et trompeuse » et « charges indues et injustifiées ».
Septembre 2019 Sanction de l’AMF contre Natixis Asset Management (2 M€) pour « absence d’information aux porteurs » et « conflits d’intérêts ».
Juin 2021 Condamnation (confirmée en appel) de Natixis par le tribunal judiciaire de Paris et lourde amende (7,5 M€) pour « information trompeuse » lors de la crise des subprimes (2007).
Décembre 2022 Sanction et nouvelle amende record (93 M€) de l’AMF contre H2O et ses dirigeants pour « défaut de liquidités » de certains placements et le fait qu’ils « n’entraient pas dans le cadre de la politique d’investissement fixée par les prospectus des fonds ».
La banque d’affaires Natixis, qui a vu le jour en 2006, est une filiale à 100 % du groupe BPCE (Banques populaires/Caisses d’épargne). Une partie des fonds gérés par Natixis est ainsi distribuée dans le réseau du groupe BPCE, notamment à travers des contrats d’assurance vie vendus par les agences bancaires.
Élisa Oudin
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