par Elsa Casalegno
par Elsa Casalegno
Le WWF a récemment rappelé un chiffre choc : 277 millions de moineaux ont disparu en 40 ans en Europe (1). Les populations de ce petit oiseau se sont effondrées, en particulier dans les villes. Les causes sont mal connues, et sans doute multiples : un manque de nourriture (insectes, principalement) causé par les pesticides et la suppression des espaces verts, des maladies, le manque de lieux pour les nids, etc.
Petits oiseaux effrontés, qui osent disputer des miettes de pain aux pigeons jusque sous les chaises, les moineaux ont quasiment disparu de la plupart des grandes villes européennes, et ils ne se portent guère mieux en milieu rural. « Cette forte baisse est bien documentée dans plusieurs villes, comme à Paris ou à Londres, confirme Frédéric Angelier, directeur de recherche au CNRS. On ne s’attendait pas à un tel effondrement, si rapide, alors que cette espèce est très abondante et très adaptable. » L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN, organisation internationale composée d’États et d’ONG) l’a d’ailleurs classé en 2019 comme « préoccupation mineure » dans sa liste rouge des espèces en danger, du fait de ce recul de la population.
À Paris, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) réalise chaque printemps, depuis 2003, des comptages de colonies, avec l’aide de bénévoles. Si elle ne peut pas donner un effectif précis, elle est en mesure de fournir des « indices d’abondance » grâce à ces observations, explique Frédéric Mahler, délégué scientifique de la LPO Île-de-France. Et ce n’est pas fameux : « Entre 2003 et 2016, le nombre de colonies a reculé de 75 %, soit près de 10 % par an. C’est une chute énorme ! » En résumé, ce sont trois moineaux sur quatre qui ont disparu des rues de Paris… Et la situation est encore pire à Londres ou Amsterdam.
Pourtant, cet oiseau avait conquis de nombreuses régions du globe, d’autant plus facilement qu’il peut vivre en ville comme en milieu rural, et qu’il s’accommode volontiers de la présence de l’homme – ce dernier lui offrait, jusqu’à présent, le gîte dans les recoins de ses habitations, et le couvert grâce à ses déchets alimentaires (pain et graines).
Mais c’est aussi ce dernier qui cause sa perte. Frédéric Angelier énumère les principales pressions qui pèsent sur les moineaux : en ville, il y a principalement la raréfaction des insectes ‒ la base de leur diète et de celle des oisillons ‒ du fait de la disparition des espaces verts et de la réduction de débris alimentaires dans les rues en raison d’une meilleure politique de limitation des déchets. Autre problème, l’apparition d’une nouvelle maladie, la malaria aviaire, transmise par les moustiques. D’autres facteurs peuvent induire, sur le long terme, du stress ou une perturbation des rythmes circadiens, à l’instar de la pollution sonore ou lumineuse, « mais ces perturbations ne sont pas nouvelles, elles ne sont donc pas des facteurs importants de disparition. Néanmoins, elles peuvent contribuer à une usure de l’organisme ». La rénovation du parc immobilier, qui fait disparaître les cavités des murs sous l’isolation, est une difficulté supplémentaire, mais elle n’est pas prépondérante. Et la circulation automobile ou la prédation par les chats, même si elles ajoutent des pressions, ne sont pas des facteurs de risque majeurs.
En milieu rural, le chercheur met en avant l’effet direct et indirect des pesticides : ces produits contaminent directement les oiseaux, induisant divers problèmes physiologiques (perturbations hormonales, notamment thyroïdiennes, difficultés de reproduction et de survie des jeunes, etc.) ; en parallèle, en éliminant les insectes, ils réduisent la ressource alimentaire. « Si le moineau a co-évolué avec l’homme, qu’il en a bénéficié pour son expansion, les nouvelles contraintes aujourd’hui sont telles qu’il ne peut plus s’adapter », conclut Frédéric Angelier.
Que faire, alors, pour voir revenir ces oiseaux ? En ville, cela passerait par une politique d’urbanisation réintégrant des espaces naturels nombreux, y compris de petite surface, comme la végétalisation au pied des arbres. En campagne, il faudra passer par des pratiques agricoles raisonnées et une réduction drastique des pesticides, pour favoriser plus globalement la biodiversité.
Tout n’est pas noir pour autant. Ainsi, « à Paris, la chute du nombre de colonies semble être enrayée depuis 2016, souligne Frédéric Mahler. On ne sait pas vraiment pourquoi, mais au même moment, la ville a supprimé l’usage des pesticides dans les parcs et jardins, et a mis en place une politique pour favoriser la végétation spontanée dans les rues… » Ces deux mesures ont eu une incidence positive sur le nombre d’insectes, à la base du menu des oisillons. Et le fait que Berlin, l’une des capitales les plus arborées d’Europe, et qui possède encore de nombreuses friches, soit aussi celle où la population de moineaux n’a pas bougé, apporte matière à réflexion.
Hérisson 70 % de la population de hérissons a disparu en 20 ans, rappelle le WWF. Un véritable effondrement, lié à la perte de son habitat et aux pesticides.
Lynx boréal Il reste moins de 200 individus en France, cantonnés dans le massif du Jura, alors que cette espèce peuplait auparavant toutes les forêts hexagonales. En cause : les conflits avec l’homme, qui le braconne, le manque de diversité génétique, les collisions avec les voitures.
(1) Étude menée par la Royal Society for the Protection of Birds, BirdLife International, la Société tchèque d’ornithologie ; données du Conseil européen du recensement des oiseaux.
Elsa Casalegno
La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir
Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus