par Anne-Laure Lebrun
BronchioliteLes seniors doivent-ils se faire vacciner ?

On croit souvent que la bronchiolite touche essentiellement les tout-petits. Mais cette maladie peut aussi affecter les personnes plus âgées. Des vaccins contre le virus en cause, le VRS, sont désormais commercialisés. Ils ont fait la preuve de leur capacité à réduire le risque d’infection mais n’ont pas encore démontré qu’ils permettent d’éviter les formes les plus graves. Et ne sont donc pas remboursés pour l’instant. Le point en détail.
Grand responsable des épidémies de bronchiolite, le virus respiratoire syncytial (VRS) ne s’attaque pas seulement aux poumons des tout-petits. Tout au long de la vie, ce virus respiratoire, particulièrement actif l’hiver, est capable de réinfecter car l’immunité construite à chaque contamination est imparfaite et temporaire. Des réinfections rarement graves qui se limitent à un simple rhume pour la majorité d’entre nous. « Mais pour les sujets âgés, ces nouvelles infections peuvent être particulièrement graves. À l’instar de la grippe ou du covid, elles augmentent le risque de complications respiratoires ou cardiaques, surtout en cas de maladie chronique sous-jacente. Et de ce fait, le VRS participe activement à la hausse de la mortalité en hiver », pointe le Pr Gaëtan Gavazzi, infectiologue et gériatre au CHU Grenoble-Alpes. Les grands-parents fréquemment en contact avec leurs petits-enfants (réservoirs du VRS) sont particulièrement vulnérables. Chaque année, le VRS représenterait 280 000 infections respiratoires aiguës, 25 000 hospitalisations et 1 800 décès à l’hôpital en France. À titre de comparaison, la grippe causerait 20 000 hospitalisations en moyenne et 9 000 décès, et en quelques semaines.
La vaccination pour qui ?
Après des décennies de recherches et près d’une centaine d’études – les premiers essais chez les nourrissons remontent aux années 1960 –, trois vaccins sont aujourd’hui commercialisés : Abrysvo (Pfizer), Arexvy (GSK) et mRESVIA (Moderna). Depuis l’automne 2024, ils sont recommandés par la Haute Autorité de santé chez les patients de plus 75 ans ainsi que chez les plus de 65 ans présentant des pathologies respiratoires ou cardiaques chroniques. Néanmoins, pour l’heure, aucun n’est remboursé, faute d’accord sur le prix entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS).
Un avis favorable au remboursement a pourtant été donné, reposant sur des données d’essais cliniques pourtant assez modestes. Menés au cours des premières vagues de la pandémie de covid, période à laquelle les autres virus respiratoires dont le VRS ont très peu circulé, ces étudesont uniquement montré une diminution de 80 % du nombre d’infections des voies respiratoires basses, soit les bronchites, les exacerbations de BPCO et les pneumonies aiguës. Aucun effet sur la prévention des formes graves, les hospitalisations et les décès n’avait alors été observé. En conséquence, l’autorité a attribué le taux de remboursement le plus bas à ces vaccins.
Des données sur les formes graves à confirmer
Mais cela pourrait évoluer si les laboratoires demandaient une nouvelle évaluation de leur dossier. Car des données « en vie réelle » obtenues aux États-Unis ont révélé, en octobre 2024, que la vaccination anti-VRS diminue d’environ 70 % les passages aux urgences ainsi que les hospitalisations, les admissions en soins intensifs et les décès. « Des données d’efficacité très convenables, et bien plus élevées que celles obtenues avec les vaccins antigrippaux qui dépassent rarement les 40 % », pointe le Pr Gavazzi. D’ailleurs, les vaccins anti-VRS peuvent être administrés de manière concomitante avec les vaccins de la grippe saisonnière.
Mais contrairement à ces vaccins nécessitant une injection annuelle, l’efficacité des vaccins anti-VRS semble se maintenir au moins 2 ans, ce qui suggère que renouveler les injections chaque année serait inutile. Enfin, de nouvelles études suggèrent que ces vaccins protègent également les adultes de 18 à 59 ans présentant des facteurs de risques (pathologies pulmonaires sévères, immunodépression…). L’Agence européenne du médicament s’est ainsi prononcée en faveur de l’élargissement de la population ciblée par cette vaccination.
Une maladie sous-estimée
Les infections au VRS, en cause dans la bronchiolite, se manifestent par des symptômes assez similaires à ceux du covid ou de la grippe. La part exacte du VRS dans les infections respiratoires des plus de 65 ans est difficile à évaluer. La réalisation de tests diagnostiques reposant sur la technique PCR s’avère indispensable pour identifier le pathogène en cause. Or, jusqu’à la pandémie de covid, le recours à ces outils diagnostiques était peu fréquent. Même s’il se démocratise aujourd’hui, il n’est toujours pas systématique à l’hôpital, et encore moins en ville. « Les infections respiratoires forment un gigantesque iceberg, dont on connaît à peine la partie émergée. Et tant qu’on ne cherche pas, on ne risque pas de trouver », relève le Pr Marie-Anne Rameix-Welti, virologue et responsable du Centre national de référence des virus respiratoires à l’Institut Pasteur (Paris). Aussi est-il fort probable que des infections à VRS aient été comptabilisées comme des cas de grippe dans les études les dénombrant.
Dès lors, le fardeau que représentent les infections par le VRS chez les personnes âgées est encore méconnu et sous-estimé par une large partie de la communauté médicale et le grand public. « Pourtant, dès 2005, une large étude a montré que le VRS était retrouvé chez 10 % des plus de 65 ans hospitalisés pour une pneumonie ou une exacerbation de leur bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), et 10 % d’entre eux décédaient au cours de cette hospitalisation. La perte d’autonomie entraînée par ces formes graves est également à prendre en compte », souligne l’experte.
Anne-Laure Lebrun