Erwan Seznec
La menace permanente
La tempête Xynthia qui a touché la France dans la nuit du 28 février, faisant 52 morts, va probablement relancer la question de la sécurité des campings, très souvent exposés à la montée des eaux.
Si vous pratiquez le camping, vous allez probablement dormir en zone inondable, cet été comme les précédents. Une forte proportion des terrains, et même la grande majorité dans certains départements, est en effet implantée dans des zones exposées, au bord de l'océan ou d'une rivière. Plus du tiers des campings du Vaucluse, 50 % de ceux de l'Isère et 69 % de ceux du Gard sont en zone inondable. La seule commune d'Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) compte une cinquantaine de campings exposés aux inondations, selon un recensement effectué par la direction régionale de l'environnement (Diren) de Midi-Pyrénées. Dans cette dernière région, 40 % du parc de l'hôtellerie en plein air pourrait subir une crue ou une tempête maritime.
Mise en demeure
Les fermer tous ? Ce serait démesuré. Les crues de la Loire, par exemple, se produisent surtout en basse-saison, quand les emplacements qui la bordent sont vides. Par ailleurs, suite aux catastrophes du Grand-Bornand (23 campeurs tués en Haute-Savoie en 1987) et de Vaison-la-Romaine (32 morts dont 11 au camping, en 1992), les pouvoirs publics ont ordonné la fermeture des sites manifestement dangereux. Non sans mal, du reste. En 1996, le préfet de Haute-Savoie a envoyé les forces de l'ordre à un exploitant qui refusait de réaliser des travaux de sécurité, malgré une mise en demeure. Les gendarmes ont dû expulser des clients qui se sentaient solidaires de l'exploitant.
Personne ne se hasarde pour autant à affirmer que tous les campings sensibles ont disparu. Leur inventaire par les préfectures, lancé suite à la catastrophe du Grand-Bornand, a été épineux. Comment évaluer le risque lié à une crue qui peut se produire deux ou trois fois par siècle ? Placé dans le lit de l'Ouvèze, celui de Vaison-la-Romaine n'était même pas classé dans les sites à haut risque. À la Faute-sur-Mer, la mairie a contesté devant la cour administrative d'appel, en 2008, la fermeture de son camping municipal ordonnée par la préfecture de Vendée. Elle a gagné. Heureusement vide en cette saison, il a été ravagé le 28 février.
« Cahier de prescription de sécurité »
Nombre de sites ont ainsi bénéficié du doute. Ils sont incontestablement inondables, mais restent ouverts avec, en principe, des obligations de précaution renforcées. Celles-ci prévoient la tenue d'un « cahier de prescription de sécurité », répertoriant les mesures prises pour l'information des clients, l'alerte et l'évacuation. Concrètement, un camping concerné doit comporter une affiche à l'entrée signalant aux campeurs qu'ils se trouvent en zone inondable. Le gérant doit leur remettre un dépliant d'information sur les consignes de sécurité. Le terrain doit posséder un système d'alerte déclenché par la montée des eaux. Enfin, il faut qu'un dispositif d'évacuation dans des délais raisonnables ait été prévu, avec fléchage dans les allées. Autant de dispositions qui, respectées à la lettre, signalent sans doute moins un endroit très dangereux qu'un exploitant très consciencieux ! « Cette réglementation mise en place après Vaison-la-Romaine a été très bien respectée au début, mais devrait peut-être être rappelée », admet Guylhem Féraud, président de la Fédération nationale de l'hôtellerie en plein air, qui regroupe quelque 4 000 campings privés. « Personne n'est mort par inondation dans un camping en France depuis Vaison-la-Romaine. Nous devons rester vigilants. »
C'est plus particulièrement vrai pour les petits campings municipaux, mais aussi pour les aires de stationnement de camping-cars. Elles ont été créées par les mairies dans une certaine improvisation ces dernières années, et leur vulnérabilité inquiète un certain nombre de professionnels du risque.
En juillet 1995, dans le cadre d'une enquête intitulée « Camping en eaux troubles », « Que Choisir » avait demandé aux préfets les listes des sites exposés. Avec un succès très relatif, car elles étaient en cours d'élaboration. Peut-être seront-elles prêtes pour l'été 2010 ? Réponse dans quelques semaines.