Marie-Noëlle Delaby
Inutiles, voire pire !
Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) conclut à l’efficacité plus que discutable des carafes filtrantes. Cet avis confirme les mises en garde de Que Choisir qui rappelle que, mal utilisées, ces carafes s’avèrent de véritables nids à bactéries.
« Boire une eau plus saine que celle du robinet et moins chère que celle en bouteille ». C’est la promesse faite par les carafes filtrantes. Des systèmes de filtrage adoptés par plus de 20 % des foyers français désireux d’une alternative à l’eau en bouteille, qui pâtit de son prix élevé – 65 fois plus coûteuse en moyenne que l’eau du robinet – et de son impact environnemental, mais également soucieux d’obtenir une eau de meilleure qualité que celle du robinet. Car bien que l’immense majorité des Français reçoivent aujourd’hui une eau conforme aux normes de potabilité sur l’ensemble des critères à respecter, la confiance en l’eau du robinet reste très relative et beaucoup d’utilisateurs craignent des risques de pollution ou déplorent plus simplement son goût parfois jugé trop chloré ou sa dureté (richesse en calcaire).
Mais selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) qui publiait le 13 mars les résultats d’une enquête sur ces systèmes de filtration, l’efficacité de ces carafes est plus que discutable.
Métaux : des résultats contrastés
Dans son rapport, l’Agence note en effet que l’usage de carafes filtrantes peut conduire au relargage de différents contaminants (ions argent, sodium, potassium, ammonium) dans l’eau de boisson. Certaines carafes filtrantes entraînent également un abaissement du pH de l’eau. Or des études canadiennes et britanniques ont montré qu’une eau au pH faible peut faciliter le relargage de certains métaux, en particulier quand elle est chauffée au contact d’ustensiles en métal ou en céramique (bouilloire, casserole). Toutefois, « les données actuellement disponibles ne permettent pas de mettre en évidence un risque pour la santé du consommateur », précise l’agence.
Enfin, si l’Anses estime que la plupart des carafes filtrantes respectent les normes en vigueur sur la diminution de l’odeur, la saveur, des concentrations en chlore, plomb et cuivre, ces données ne permettent pas d’évaluer l’efficacité réelle de toutes les carafes filtrantes commercialisées. Et précise que les résultats des différents modèles vendus en France sont très variables concernant la réduction du calcaire. On pourra toutefois s’interroger sur l’utilité de « filtrer » le calcaire qui est en réalité du calcium, ainsi que le cuivre alors que des franges élevées de la population présentent des apports inférieurs à leurs besoins nutritionnels estimés en ces deux minéraux.
Microbiologie : de vrais nids à bactéries
Mais surtout, l’Agence de sécurité sanitaire met en garde les usagers contre de possibles contaminations microbiologiques dues à un mauvais usage des dites carafes. En 2010, nous avions déjà effectué des analyses montrant que si les carafes filtrantes tiennent plutôt bien leur promesse en laboratoire, il en va autrement quand elles sont utilisées à la maison ! À domicile, les contaminations bactériologiques sont quasi systématiques et sur les 31 foyers s’étant alors prêtés à l’expérimentation d’une carafe, tous voyaient la qualité de leur eau dégradée par la carafe filtrante.
Quelques conseils
L’Anses rappelle aux personnes qui souhaiteraient malgré tout utiliser ces systèmes, les règles d’hygiène indispensables pour limiter la prolifération bactérienne :
- remplacer régulièrement la cartouche ;
- conserver la carafe filtrante et son eau au réfrigérateur ;
- consommer l’eau filtrée rapidement, idéalement dans les 24 heures après filtration.
Enfin, sachez qu’il n’est pas nécessaire de filtrer l’eau pour éliminer le goût de chlore : il suffit de la placer une heure au réfrigérateur !