Carte de la qualité de l’eauUne clarification s’impose !
Face aux réactions des agriculteurs, des municipalités, des professionnels de l’eau en bouteille et de l’interrogation de certains consommateurs suite à notre étude sur la qualité de l’eau du robinet et la carte interactive qui l’accompagne, il importe de revenir sur cette étude afin de dissiper tout malentendu et couper court aux idées reçues. La présentation de la carte a d’ailleurs été revue à cette fin.
En tant qu’association de consommateurs, l’UFC-Que Choisir a souhaité donner aux consommateurs une information simple et synthétique sur la qualité de l’eau à la sortie du robinet, et non sur la seule qualité du réseau public puisque les canalisations privées peuvent également impacter la qualité de l’eau.
Dans ce cadre, l’étude de l’UFC-Que Choisir ne repose pas sur ses relevés propres mais bien sur les relevés réalisés par les Agences régionales de santé (ARS) entre février 2014 et août 2016 pour les 50 critères réglementaires de conformité, et disponibles sur le site du ministère de la Santé. Il faut savoir que sur 50 critères réglementaires, 45 concernent la qualité intrinsèque de l’eau et 5 ont trait à des pollutions liées aux composants des canalisations migrant dans l’eau – plomb, nickel, cuivre, épichlorhydrine, chlorure de vinyle (PVC). Or, si les relevés officiels concernant les 45 critères de la qualité intrinsèque de l’eau sont nombreux, c’est loin d’être le cas pour les 5 autres.
Le problème des composants toxiques des canalisations
Pour ces critères, les relevés sont souvent effectués à la sortie du robinet des consommateurs et sont très peu nombreux. Il n’est donc pas possible de connaître l’ampleur de la population concernée car on ignore si le problème vient du réseau public ou des canalisations privées ni, compte tenu du très faible nombre de relevés, l’ampleur du problème. C’est la raison pour laquelle nous avons, sous la carte de la qualité de l’eau, ajouté une notice « Important : *pour la recherche du plomb, du cuivre, du nickel, du chlorure de vinyle et de l’épichlorhydrine, le prélèvement de l’eau se fait fréquemment au robinet des consommateurs. Par conséquent, leur présence dans une analyse ne signifie en aucun cas que cette pollution affecte l’ensemble du réseau ou de la ville, car elle peut ne concerner par exemple que certains branchements du réseau, certains immeubles ou logements. » Afin de souligner davantage le fait qu’il n’est pas possible de déterminer l’ampleur de la population concernée tout en maintenant l’alerte sur toutes les non-conformités relevées, la présentation de la carte pour les villes concernées a été revue : le pictogramme global sur la ville est coloré en fonction du résultat obtenu sur les 45 critères relatifs à la qualité intrinsèque de l’eau et, s’il existe une non-conformité relevée sur l’un des 5 critères liés aux canalisations, un panneau « attention » a été intégré.
Il importe néanmoins de rappeler que les résultats restent les mêmes et que l’alerte sur les problèmes de conformité demeurent. Pour les habitants des communes concernées qui s’interrogent sur la conduite à tenir, l’UFC-Que Choisir, après avoir rappelé les bons réflexes à adopter s’agissant de l’eau potable (voir encadré), indique que, si le problème ne provient pas du réseau public (suite à la publication de la carte, certaines communes ont indiqué qu’il y avait effectivement des problèmes de chlorure de vinyle ou de plomb sur leur réseau) mais des canalisations privées, il est possible de demander un diagnostic de ses canalisations à un laboratoire agréé par le ministère de la Santé (liste disponible sur le site des DDASS) ou accrédité par le Cofrac pour ce type d’analyse (pour une centaine d’euros). Sont plus particulièrement concernés les habitations et immeubles anciens (construits avant les années 50). En tout état de cause, au vu du faible nombre d’analyses, l’UFC-Que Choisir ne peut manquer de maintenir son appel à ce qu’un audit soit réalisé sur le sujet afin de quantifier l’exposition des consommateurs au problème de ces composants toxiques, et que des aides, notamment des agences de l’eau, soient allouées pour aider, sous condition de ressources, les propriétaires privés et copropriétaires concernés à renouveler leurs canalisations.
Pollution agricole
Alors que l’étude pointe les pesticides comme le premier polluant, et de loin, l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le syndicat des fabricants de produits phytosanitaires, n’a pas manqué de réagir en affirmant d’une manière quelque peu expéditive que la détection de traces infimes de produits phytosanitaires ne serait en aucun cas révélatrice d’un quelconque risque pour les populations. L’UIPP oublie de préciser que c’est en fonction de la nature de la molécule, du niveau de dépassement et de sa durée que l’Agence régionale de santé définira les mesures de gestion. Or, ces mesures de gestion peuvent aller d’une simple dérogation sans restriction de consommation (cas le plus fréquent), à une interdiction de consommation pour les consommateurs fragiles (femmes enceintes, nourrissons), voire une interdiction totale de consommation. Il faut par ailleurs rappeler que les normes actuelles ne tiennent pas compte du fait que certains pesticides pourraient être des perturbateurs endocriniens actifs à des doses extrêmement faibles. Or, les perturbateurs endocriniens sont aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique.
Eau en bouteille vs eau du robinet : le match n’est pas à rejouer !
Dernier élément, et non des moindres, alors que l’étude entend souligner que l’eau potable est bien plus économique et écologique que l’eau en bouteille, la Chambre syndicale des eaux minérales nous répond que « l’eau minérale naturelle et l’eau du robinet sont des produits différents et ne peuvent donc avoir le même prix ». C’est pourtant bien pour une même utilisation quotidienne que les deux eaux sont en concurrence et c’est de notre devoir, en tant que promoteur d’une consommation responsable, de rappeler que l’on paye l’eau en bouteille 65 fois plus cher en moyenne ! S’agissant de l’impact environnemental de l’eau en bouteille, ce syndicat allègue que « l’eau minérale naturelle est acheminée par des camions toujours plus économes en énergie et des modes de transport alternatifs (train, ferroutage ou fluvial). La bouteille en PET est 100 % recyclable et 60 % d’entre elles sont recyclées ». Or, ce n’est pas parce que le PET utilisé pour la fabrication des bouteilles serait recyclé à 60 % que cela le met à égalité, loin de là, avec l’eau du robinet : la mise en décharge, le tri, le recyclage, la fabrication de nouvelles bouteilles et bien sûr leur transport constituent autant d’étapes à l’origine de gaz à effet de serre.
Si la présentation de notre carte de l’eau a été revue, les résultats et le message principal de cette campagne demeurent les mêmes : la consommation responsable est de boire l’eau potable. Mais pour que tout le monde franchisse le pas, et que toutes les craintes soient dissipées, les pouvoirs publics nationaux ont un rôle à jouer pour préserver en amont la ressource aquatique des pollutions (agricoles, industrielles, etc.), mais aussi pour s’assurer que les consommateurs ne sont pas exposés à des composants toxiques via des canalisations anciennes et corrodées.
Eau potable : les bons réflexes
Laissez couler l’eau quelques instants avant de la boire. Dans le cas où l’odeur est marquée, il suffit de laisser l’eau s’aérer, par exemple dans une carafe ouverte.
Lorsque la concentration en nitrates est comprise entre 50 et 100 mg/l, l’eau ne doit pas être consommée par les femmes enceintes et les nourrissons. Si elle est égale ou supérieure à 100 mg/l, l’eau ne doit être utilisée pour aucun usage alimentaire.
Lorsque l’eau est très alcaline (pH supérieur à 9), il est déconseillé de l’utiliser pour la toilette, car elle peut être irritante pour l’œil ou la peau.