Fabienne Maleysson
CetaLevée de boucliers contre l’entrée en vigueur
Alors que seuls quatre parlements nationaux l’ont ratifié, l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (Ceta) doit entrer provisoirement en vigueur jeudi 21 septembre. Une commission nommée par Emmanuel Macron a pourtant pointé les nombreux risques qui entourent sa mise en œuvre. Une cinquantaine d’organisations dont l’UFC-Que Choisir appellent le gouvernement à suspendre l’application de l’accord.
C’était une des promesses d’entre-deux-tours du candidat Emmanuel Macron, au sujet du Ceta, l’accord commercial Europe-Canada. « Je nommerai une commission d’experts pour dire ce qu’il en est exactement des conséquences environnementales et sur la santé de cet accord parce qu’il a été conçu à l’écart du processus démocratique […]. Je tirerai toutes les conclusions [de son rapport] et les porterai vers nos partenaires européens pour faire modifier ce texte pour que la vérité scientifique ainsi établie puisse être défendue. »
Promesse à moitié tenue : la commission en question a bien été mise sur pied, elle a remis son rapport. Mais bien qu’il pointe un certain nombre de risques, le gouvernement ne prévoit pas pour autant de s’opposer à la mise en œuvre provisoire du Ceta, prévue pour jeudi 21 septembre. Comme si une quelconque urgence imposait de libéraliser les échanges au plus vite, la majeure partie de l’accord est en effet sur le point d’entrer en vigueur alors qu’aucun des parlements nationaux supposés le ratifier ne s’est prononcé.
La « commission Schubert », du nom de sa présidente, pointe « le risque que les intérêts privés ne remettent en cause les régulations publiques existantes ». Les experts mettent en garde : si le texte semble donner toutes les garanties nécessaires, il faudra veiller au fonctionnement concret (absence de conflits d’intérêts, représentation de la société civile, transparence des débats) des institutions qu’il met sur pied, notamment le Forum de coopération réglementaire, censé travailler au rapprochement des législations entre Union européenne et Canada. Émettre de telles recommandations alors que le processus a jusqu’ici été entouré d’une opacité sans précédent et que les inquiétudes de la société civile ont été largement ignorées témoigne d’un optimisme à tous crins.
Côté conséquences du Ceta sur l’environnement et la santé, le rapport a le mérite de la clarté : « le grand absent de l’accord est le climat », pointe-t-il, regrettant le manque d’ambition environnementale et l’absence d’engagement contraignant sur ce point. Concernant le secteur agroalimentaire, les experts s’inquiètent pour l’élevage européen : il sera mis en concurrence avec un modèle bien plus industrialisé qui n’est pas celui que les consommateurs appellent de leurs vœux. L’absence de citation explicite du principe de précaution est également préoccupante : elle ouvre la porte à d’éventuelles contestations de l’approche européenne en matière de sécurité alimentaire.
Plus globalement, comme nous l’avons déjà souligné, le Ceta comporte bien plus de risques que de bénéfices potentiels pour les consommateurs. Le gouvernement ne doit pas rester au milieu du gué en ignorant les conclusions du rapport Schubert. C’est pourquoi l’UFC-Que Choisir l’appelle à en tirer toutes les conséquences, et se joint à une cinquantaine d’organisations pour demander la suspension de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord.
Tribunal d’arbitrage
La Cour de justice enfin saisie
Bien que très tardivement, le gouvernement belge a, lui, tenu ses promesses. Voilà près d’un an, il s’était engagé à saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour qu’elle se prononce sur la conformité du tribunal d’arbitrage prévu par le Ceta avec le droit européen. C’était une des conditions mises par le gouvernement de la Wallonie à la signature du traité. C’est chose faite depuis le 6 septembre.
Ce tribunal a été vivement critiqué car il pourra être saisi par des entreprises estimant qu’une réglementation nationale nuit à leurs intérêts. Le risque qu’elles n’en viennent à dicter leur loi aux États paraît réel. Pour éviter que de tels recours n’entravent la lutte contre le dérèglement climatique, le rapport Schubert propose de mettre en place un « veto climatique » qui entraînerait automatiquement le rejet du recours. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin et ne pas étendre cette possibilité à toutes les problématiques liées à l’environnement et/ou à la santé ?