Fabienne Maleysson
Alimentation mondialisée, danger
La présence de viande de cheval dans des produits Findus au bœuf illustre l’absence déplorable du marquage de l’origine des produits alimentaires, dont le parcours est aujourd’hui mondialisé.
C’est le Service national d’enquête de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui a retracé le parcours des produits Findus « au bœuf » contenant de la viande de cheval. Les plats cuisinés étaient fabriqués dans une usine luxembourgeoise appartenant au groupe français Comigel qui lui-même se fournissait auprès de Spanghero, ce dernier ayant acheté de la viande surgelée auprès d’un trader chypriote, lequel avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas qui s’était fourni auprès d’un abattoir et d’un atelier de découpe roumains. Bienvenue à l’ère de l’agroalimentaire mondialisé !
Aujourd’hui, il en est des produits alimentaires comme des jeans ou des portables, ils font le tour du monde avant d’arriver dans notre assiette.
Trafic de viande de cheval
Ces circuits de commercialisation rendent les contrôles plus complexes. Si l’on ajoute à cela le désengagement des pouvoirs publics de l’activité de contrôle (Bruxelles n’a-t-elle pas songé, récemment, à déléguer une partie du contrôle en abattoir aux salariés ?), on arrive à des situations potentiellement dangereuses pour le consommateur (1). C’est d’autant plus inquiétant que l’agroalimentaire est devenu le nouvel horizon des mafias européennes, le rapport bénéfice/risque étant beaucoup plus favorable que pour la drogue. Le trafic de viande de cheval s’est répandu ces derniers temps et le cas Findus n’est pas isolé. Au Royaume-Uni, d’autres marques ont été mises en cause, notamment Burger King, Tesco ou Aldi.
En France, d’autres entreprises pourraient également être concernées. Comigel est notamment le fournisseur de Cora et Auchan pour leurs marques de distributeur, Picard ou encore Thiriet. L’enquête des services des fraudes s’attache désormais à préciser si certains produits de ces entreprises sont également susceptibles d’être concernés.
Quant au cas Findus, l’enquête doit désormais déterminer s’il y a volonté manifeste de tromper de la part des entreprises impliquées. Même s’il est finalement établi que ce n’était pas le cas, on peut parler à tout le moins de négligence. L’entreprise Spanghero se défend en expliquant qu’elle a acheté et revendu en l’état une viande étiquetée « minerai de bœuf désossé surgelé UE (origine Roumanie) » et que les résultats des contrôles bactériologiques étaient conformes à la réglementation. Elle n’est pas allée chercher plus loin.
La réglementation européenne oblige les entreprises à garantir l’hygiène de leurs produits et les autocontrôles se focalisent sur l’aspect microbiologique. Dans cette affaire, ni Findus, ni Comigel, ni Spanghero n’ont songé à s’assurer de la véritable nature de la viande livrée, dont le prix probablement dérisoire aurait pourtant dû éveiller les soupçons. On peut comprendre que ce type d’analyse, qui nécessite de faire appel à des laboratoires spécialisés, ne fasse pas partie de la routine quotidienne. Mais Comigel estime que les premiers lots non conformes ont pu lui être livrés en août dernier. En six mois, aucune des entreprises impliquées ne s’est souciée de savoir ce que contenaient vraiment ces lots. C’est un des autres effets collatéraux des circuits mondialisés : chaque maillon est déresponsabilisé.
Marquage de l’origine des produits
Cette affaire pose entre autres la question du marquage de l’origine des produits alimentaires. Sauf pour quelques denrées vendues en l’état comme les fruits et légumes, les professionnels n’ont aucune obligation en la matière. Même la viande de bœuf n’a plus à faire figurer le « né, élevé, abattu » dès lors qu’elle subit la plus petite transformation. L’UFC-Que Choisir réclame depuis longtemps le marquage de l’origine des produits alimentaires, au moins de leur lieu de fabrication et, pour les produits transformés, du lieu de provenance de leur principal ingrédient. Cette obligation aurait un double avantage. D’une part, les industriels cesseraient de se focaliser uniquement sur la recherche du moindre coût : Findus aurait certainement hésité à étiqueter « origine : Roumanie » sur ses produits à base de bœuf. D’autre part, cette obligation ferait obstacle au petit jeu qui consiste à changer en permanence de fournisseurs. L’impossibilité de modifier leurs emballages à tout bout de champ inciterait les fabricants à se tourner vers des approvisionnements pérennes.
Pour l’heure, Findus a retiré les produits concernés (lasagnes bolognaise, hachis parmentier, moussaka) et propose aux clients qui en auraient acheté de se faire rembourser. L’UFC-Que Choisir entend quant à elle engager toute action en justice propre à assurer la défense des premières victimes de cette affaire, les consommateurs.
(1) À l’heure actuelle, le seul fait certain est la tromperie des consommateurs. Côté santé, un médicament vétérinaire, le phénylbutazone, pourrait avoir contaminé la viande de cheval. Les services des fraudes sont pour l’heure muets sur la question.