ACTUALITÉ
La qualité de l’environnement rural

Nouvelle cause d’annulation de vente immobilière

On ne peut pas se plaindre du chant du coq ou du lisier de vache mais bien des odeurs émanant d’un élevage de poules industriel ! Le Parlement et la Cour de cassation viennent coup sur coup de préciser quels sont les troubles anormaux de voisinage découlant d’activités rurales. Et quelles conséquences cela entraîne sur les ventes immobilières.

L’environnement au sens large s’immisce de plus en plus dans le droit entre particuliers, et notamment dans les relations entre propriétaires urbains et agriculteurs. Le 29 janvier 2021, les parlementaires adoptent la loi sur « le patrimoine sensoriel des campagnes » pour « clarifier l’arbitrage des conflits de voisinage ». Or 1 an auparavant, le 21 janvier 2020, la Cour de cassation s’est aussi penchée sur le problème des nuisances agricoles subies par des particuliers résidant à proximité d’un élevage.

Nouvelles règles

La double prise de position, des parlementaires et des juges, permet de définir beaucoup plus clairement quels sont les bruits et les odeurs dits « ruraux » qui peuvent être considérés comme des troubles anormaux de voisinage. Et représenter ainsi éventuellement un vice caché dans le cadre d’une vente immobilière.

D’un côté, les parlementaires ont entendu freiner certaines revendications de résidents urbains contre des bruits ou odeurs estimés « normaux » en territoire rural. C’est le cas notamment du chant du coq, du carillonnement de certaines cloches ou encore d’odeurs de lisiers. Des particuliers ne peuvent ainsi pas faire juger ces éléments comme des troubles anormaux du voisinage… dans la mesure où il n’est pas démontré d’intention malveillante ou que les nuisances outrepassent celles inhérentes à tout voisinage. Mais de l’autre côté, la Cour de cassation indique fermement, en novembre 2020, que certaines « activités rurales » peuvent générer des nuisances constituant un trouble anormal de voisinage. Les limites sont ainsi posées dans un cas, comme dans l’autre !

Consentement vicié

Dans l’affaire, tranchée par la haute juridiction, les nuisances invoquées sont des odeurs et une prolifération de mouches en provenance d’un élevage de poules industriel situé sur la commune voisine. La Cour de cassation note que l’acte de vente ne mentionne aucune information sur la présence, à proximité, de cette installation classée et de ses nuisances. Et que la procédure devant les juges du fond a montré que les vendeurs étaient eux-mêmes incommodés par cet état de fait ! En outre, une autorisation d’agrandissement de cette usine avicole avait été déposée peu avant la conclusion de la vente. Cette modification avait fait l’objet d’une enquête publique, alors que les acquéreurs n’avaient, eux, pas eu connaissance de ce phénomène local. La haute juridiction estime ainsi que les nuisances olfactives constituent un trouble anormal de voisinage. N’ayant pas été communiqué aux acheteurs, cet élément représente un vice caché qui, s’il avait été connu, aurait dissuadé les acheteurs. Cet élément, essentiel dans le consentement de ces derniers, justifie l’annulation de la vente. Ainsi, apport original de la Cour de cassation, un nouvel élément (à côté du prix, pénalités de livraison, clauses de non-responsabilité) fait partie des conditions essentielles d’une vente immobilière : la qualité de l’environnement du lieu qui implique l’absence de nuisance.
Selon la Cour, cet élément est d’autant plus « déterminant pour le consentement » que l’on se trouve en milieu rural et que l’on peut « légitimement s’y attendre à un environnement de qualité ».

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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