CONSEILS
Bruit et nuisances sonores

Vos moyens d'action

Nombre de justiciables pensent que leur adversaire refusera toute discussion ou toute tentative de conciliation. C’est souvent faux. Prenez votre courage à deux mains et allez sonner chez votre voisin pour entamer un dialogue. L’intervention d’un tiers peut aussi être bénéfique. Dans tous les cas, il faudra mettre de côté son animosité et ne garder en tête qu’un seul objectif : l’entente amiable. À défaut, l’étape suivante sera le tribunal.

Le dialogue avant tout

Quel que soit le litige qui vous oppose à votre voisin, essayez de le résoudre vous-même à l’amiable. Faites plutôt le choix de sonner à sa porte pour dialoguer, et évitez le téléphone. À distance, il est plus facile de hausser le ton ou de raccrocher au nez de son interlocuteur. Et, surtout, acceptez le fait que vous n’êtes pas parfait non plus. Les torts sont souvent partagés. Ce postulat vous permettra d’écouter votre voisin et de dialoguer plus sereinement. Si vous n’entrevoyez aucune solution, ne faites rien que vous pourriez regretter. Il y a un risque que les choses dégénèrent en injures, en violences… Il est alors question d’infractions pénales passibles de poursuites judiciaires et de sanctions lourdes.

S’il vous est impossible de parler à votre voisin directement, vous pouvez lui écrire. L’important est d’instaurer un dialogue. Expliquez votre désagrément calmement et avec courtoisie. Au besoin, invitez-le chez vous pour qu’il constate le trouble par lui-même et que vous tentiez ensemble de trouver une solution heureuse.

 Nos conseils  Si votre voisin vient vous parler d’un désagrément, écoutez-le attentivement et ne vous emportez pas. Bien souvent la solution est très simple. Si c’est vous qui subissez un trouble, ne tardez pas à agir. Le temps ne fera qu’amplifier le problème et rendra vos relations de voisinage détestables.

Bon à savoir. Depuis le 1er avril 2015, il est obligatoire de justifier d’une tentative de résolution amiable du litige avant de pouvoir saisir un juge. À partir du 1er janvier 2020, le recours à la médiation sera même systématique. À compter de cette date, pour un conflit de voisinage, il faudra obligatoirement faire précéder la saisine du juge d’une tentative de médiation, de conciliation ou de procédure participative. À défaut, la sanction sera sévère, puisque le juge pourra tout simplement déclarer la demande irrecevable.

Montez un dossier

Si vos démarches en vue d’une solution amiable n’ont abouti à rien, préparez-vous pour une conciliation ou une action en justice. Il appartient à celui qui se plaint d’un désordre de prouver les faits qu’il avance. Vous aurez donc à vous constituer un dossier solide, étayé de nombreuses preuves. Toutes sont recevables : copies des lettres recommandées adressées (ou reçues), courriers divers, constats d’huissier, photos, témoignages, pétitions, certificats médicaux, titres de propriété, conventions signées entre voisins…

Le constat d’huissier, reine des preuves

Le constat est une « photographie » juridique précise qui relate objectivement les faits, est reconnu par les tribunaux et fait foi jusqu’à preuve du contraire. Les tarifs des huissiers de justice sont libres (de 150 à 300 € de l’heure). N’hésitez pas à faire jouer la concurrence.

À noter. Les chambres des huissiers de justice de Paris, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine proposent, en cas d’urgence, 365 jours par an, un service de constats de nuit. Contact : 0811 112 131 (prix d’un appel local depuis un poste fixe).

Bon à savoir. Un constat établi par un huissier de justice, ou même un simple courrier rédigé par un avocat puis envoyé au voisin qui vous cause un trouble, suffit quelquefois pour mettre un terme aux désagréments que vous subissez.

Des témoignages utiles

Des témoignages d’autres voisins, de visiteurs, de proches, peuvent aussi se montrer utiles. L’attestation doit comporter différents éléments (identité du témoin, lien de parenté avec vous…), être manuscrite et être accompagnée de la photocopie d’une pièce d’identité. Dans l’idéal, utilisez le formulaire Cerfa n° 11527*03 (service-public.fr/particuliers/vosdroits/R11307).

Pour une infraction, on peut porter plainte

Si les nuisances causées constituent une infraction pénale (tapage diurne ou nocturne, par exemple), il est possible de porter plainte dans n’importe quel commissariat de police (ou brigade de gendarmerie), ou en écrivant (de préférence en recommandé) au procureur de la République ou au doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance du lieu de l’infraction. Indiquez vos coordonnées et décrivez les faits, en précisant le lieu de l’infraction, ainsi que les noms et adresses des éventuels témoins. Joignez-y une copie de toutes les preuves en votre possession.

Attention, quiconque dépose une plainte à tort contre une personne désignée encourt jusqu’à 45 000 € d’amende et cinq ans de prison pour « dénonciation calomnieuse » (article 226-10, code pénal).

Bon à savoir. Après avoir étudié votre plainte, le procureur de la République décidera des suites qu’il convient de lui donner (ou bien de son éventuel classement).

Recourez à l’aide d’un tiers

Si vous ne parvenez pas à un accord, ne laissez pas les choses dégénérer. Il peut être pertinent de faire intervenir un tiers n’ayant aucun intérêt dans le litige pour trouver une issue rapide et respectueuse de chacun. Outre une association locale spécialisée, ou bien encore le syndic dans une copropriété, le conciliateur de justice est une solution pertinente. Connaissant le droit, il sera en mesure de vous aider à y voir plus clair et pourra servir d’arbitre. Une seule rencontre peut permettre de rétablir le dialogue et de trouver une solution de bon sens. Si l’enjeu financier est important (gros travaux de réparation, risque de démolition), contactez un avocat et tentez une autre solution amiable, telle qu’une procédure participative.

Conciliation gratuite

Auxiliaire de justice, le conciliateur peut intervenir dans le cadre d’un conflit entre deux voisins afin d’obtenir un accord amiable et d’éviter ainsi un procès. Son intervention est toujours gratuite. Il n’est pas là pour déterminer qui a tort ou raison, mais pour rapprocher les points de vue. Il s’en tient uniquement aux faits et pacifie le débat. S’il y parvient, il rédige un « procès-verbal de conciliation » que chacun signe.

Pour saisir le conciliateur, il vous suffit de lui adresser un courrier ou de lui téléphoner. Vous pouvez aussi vous rendre à ses permanences. Contactez votre mairie ou le tribunal d’instance afin d’en connaître les horaires. Lors de la première rencontre, venez seul et exposez-lui la situation. Il prendra alors contact avec votre voisin (par courrier ou par téléphone) pour lui proposer un rendez-vous à trois.

Le conciliateur de justice ne peut pas obliger quelqu’un à se présenter à lui. S’il parvient à le convaincre de l’intérêt d’une conciliation, ce sera un grand pas. Le simple fait de réussir à réunir les parties dans un bureau et de faciliter leur dialogue peut suffire à dénouer la situation et à ne pas détériorer davantage les relations de voisinage. De ces échanges pourra naître un accord qui mettra un terme à votre différend. Si un accord amiable est trouvé, chacun conservera un exemplaire du procès-verbal de conciliation. Il ne s’agit toutefois que d’un simple engagement moral. Pour plus de sécurité, il est utile de faire homologuer l’accord en justice. Il sera ainsi revêtu de la formule exécutoire permettant d’obtenir une mise en œuvre forcée en cas d’inertie d’une partie.

Durant la conciliation, vous et votre voisin êtes libres de vous faire accompagner de la personne de votre choix. Apportez tous les documents nécessaires pour étayer vos propos. Si besoin, le conciliateur peut se déplacer sur les lieux du litige et interroger toute personne qui lui semblera utile, avec l’accord des parties.

 Notre conseil  Même s’il est vrai que le trouble de voisinage doit trouver une issue, n’acceptez un compromis que si vous avez la certitude de ne pas avoir été lésé.

Procédure participative : l’avocat entre en scène

La procédure participative est une négociation assistée par avocat. Il est utile d’y recourir lorsque l’enjeu du litige est important, par exemple si votre voisin pense que l’une de vos constructions (garage, abri de jardin…) a empiété sur son terrain. L’objectif d’une procédure participative est de trouver une solution acceptable par tous. Cela peut être, par exemple, de racheter à votre voisin la partie de terrain sur laquelle votre construction a empiété. En cas de succès, vous évitez la démolition de votre construction. Car c’est ce que vous encourez en allant en justice, alors même que votre voisin ne l’aurait peut-être pas souhaité. Avec cette procédure, il n’y a ni perdant, ni gagnant, à la différence d’une action en justice. De nombreuses solutions adaptées peuvent émerger des discussions à quatre. Car la procédure participative n’est rien d’autre qu’une négociation à quatre, vous et votre voisin, assistés chacun d’un avocat. Certes la démarche a un coût, que vous devez vous faire préciser au départ, mais vous économisez les frais d’une éventuelle action en justice. Sans compter qu’une solution acceptable peut émerger très rapidement, tout en permettant la préservation des relations entre voisins.

 Notre conseil  Dès réception d’une lettre recommandée vous menaçant d’une procédure en justice et si le risque financier est important, consultez un avocat pratiquant la procédure participative. Il se chargera de contacter votre voisin pour lui proposer cette solution.

Bon à savoir. Les avocats qui pratiquent la procédure participative sont le plus souvent formés aux nouvelles techniques de négociation afin d’orienter les parties vers une communication efficace et productive. L’objectif est de concilier les intérêts des deux parties en imaginant des solutions qui leur offrent un bénéfice mutuel. On parle alors de « négociation raisonnée ».

Des conseils avisés et gratuits

Les conseils départementaux d’accès au droit (CDAD) existent dans chaque département. Des avocats, des notaires, des huissiers de justice y tiennent des permanences ouvertes à tous. Ils sont là pour vous informer et vous conseiller sur les différentes façons de résoudre votre problème, voire sur l’opportunité d’engager ou non un procès. Les barreaux d’avocats de chaque région organisent également des consultations gratuites. Renseignez-vous auprès de votre mairie ou au tribunal de grande instance le plus proche de chez vous pour connaître les lieux et horaires des permanences.

Tournez-vous vers la justice

Si l’entente est impossible ou si votre voisin est de mauvaise foi, envisagez une action en justice. Selon le montant des dommages et intérêts demandés et la nature du litige, le tribunal de proximité ou le tribunal judiciaire doit être saisi. Pour ce faire, vous devez donc préalablement estimer le montant du préjudice.

Pour un litige inférieur ou égal à 10 000 € : le tribunal de proximité ou le tribunal judiciaire

Le plus souvent, l’avocat est facultatif lorsque le montant de la demande en justice est inférieur à 10 000 €. Il est possible de se défendre seul ou d’être assisté par un conjoint ou un proche parent, mais celui-ci doit alors justifier d’un pouvoir spécial.

Pour un litige supérieur à 10 000 € : le tribunal judiciaire

En principe, l’avocat est obligatoire devant le tribunal judiciaire, notamment pour les litiges relevant de sa compétence exclusive.

Adressez-vous au Service d’accueil unique du justiciable (SAUJ) qui est la porte d’entrée du tribunal judiciaire. Il est implanté au siège de chaque tribunal judiciaire (situé en lieu et place des anciens tribunaux de grande instance) et de chaque tribunal de proximité (situé en lieu et place des anciens tribunaux d’instance).

Ayez le réflexe « protection juridique ». Elle est généralement incluse dans votre assurance habitation. Contactez votre assureur ou consultez les conditions générales de votre contrat pour connaître les plafonds des frais de justice et des honoraires qui peuvent être pris en charge.

Bon à savoir. En cas de trouble manifestement illicite, le juge des référés peut ordonner sous astreinte la suspension d’une activité bruyante, telle que la pratique du quad sur un circuit proche des habitations, par exemple.

→ Justice - Devant quel tribunal agir

Pour un litige avec l’État, le tribunal administratif

Si vous êtes gêné par le bruit d’une salle des fêtes ou d’un stade municipal, si des travaux sur la voie publique vous causent des nuisances, si un terrain de la ville s’est changé en décharge sauvage, vous devez saisir le tribunal administratif. Il en est ainsi dès lors que le litige implique une autorité administrative (le maire, le préfet…). Longue et complexe, la procédure exige l’assistance d’un avocat spécialisé. Il vous faut d’abord respecter les délais : après avoir adressé un courrier à l’administration concernée, vous disposez de deux mois, à dater de sa réponse (ou de son silence), pour saisir le tribunal administratif.

Pour saisir le tribunal administratif, vous (ou votre avocat) devez rédiger une requête qui doit reprendre l’inventaire de tous vos arguments. Elle peut être déposée directement au greffe du tribunal administratif ou bien envoyée par courrier, de préférence avec accusé de réception, afin d’en conserver une preuve.

Bon à savoir. Dans une procédure face à une autorité administrative, la représentation par un avocat est facultative en première instance, sauf si vous souhaitez obtenir une somme d’argent. Elle devient toutefois obligatoire devant la cour administrative d’appel.

Ils ont obtenu (ou pas) gain de cause

5 ans pour aller en justice

Un homme, propriétaire d’un bien immobilier, assigne en justice la société de transport frigorifique voisine pour trouble anormal de voisinage lié à des nuisances sonores. Il réclame une indemnisation au titre de la perte de valeur de son bien immobilier. La Cour de cassation rejette son pourvoi en rappelant que l’action pour troubles anormaux de voisinage est une action en responsabilité extracontractuelle. Elle est aujourd’hui soumise à la prescription de 5 ans (et non de 30 ans). Or la première manifestation du trouble datait d’il y a 17 ans, sans qu’il y ait eu une aggravation des nuisances sonores depuis. L’action en justice ne pouvait donc pas aboutir (Cass., 2e chambre civile, 13 septembre 2018, n° 17-22474).

Le nouveau propriétaire responsable

Le propriétaire actuel d’un bien immobilier est responsable des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, et ce, même si ces troubles trouvent leur origine dans des travaux réalisés par le précédent propriétaire. C’est cette règle que rappelle la Cour de cassation dans cette affaire où l’ancien occupant avait abattu des cloisons dans son appartement, opération qui avait provoqué un affaissement partiel du plancher de l’étage supérieur (Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 mai 2017, n° 16-14665).

Une copropriété fondée à agir

Un syndicat des copropriétaires se plaint d’infiltrations d’eau. Après expertise, il assigne en indemnisation l’un des copropriétaires. La cour d’appel rejette sa demande au motif que la responsabilité d’un copropriétaire peut être mise en cause seulement sur le fondement de la loi du 10 juillet 1965 fixant le régime de la copropriété des immeubles bâtis. Censure de la Cour de cassation, pour qui le syndicat des copropriétaires peut agir à l’encontre d’un copropriétaire en s’appuyant sur le principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ». Point n’est besoin, donc, de prouver une quelconque faute pour obtenir gain de cause (Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 mai 2017, n° 16-14339).

Avis d'expert : Frédéric Bérenger, avocat au barreau d'Aix-en-Provence (13)

“Lorsqu’une personne me consulte pour un trouble de voisinage, je dois impérativement évaluer si celui-ci peut être qualifié d’anormal et s’il est opportun d’aller en justice. Je me rends toujours sur place. Le trouble – qu’il soit sonore, visuel, olfactif ou autre – doit excéder un certain seuil de tolérance, et cette appréciation est forcément propre à chacun. Le risque est de se faire piéger par sa propre subjectivité. Il est nécessaire de se rattacher à des éléments rationnels et de replacer le trouble dans son contexte, ce que fera le juge. Empêche-t-il le voisin qui en est victime de dormir ? Envisage-t-il de vendre tant il est à bout ? Est-il possible de réaliser un aménagement pour le réduire ? L’environnement est-il urbain, rural ? Au besoin, il faut affiner l’analyse en faisant venir sur place un expert, tel qu’un acousticien ou un huissier de justice. Si tous les signaux sont au vert, il faut encore avertir le client que la procédure peut durer plusieurs années et qu’elle engendrera un coût certain, notamment les honoraires d’avocat et les frais d’expertise qu’il faudra avancer. Enfin, il y a toujours un aléa, car le juge détient un pouvoir souverain pour apprécier si le trouble est anormal ou pas.”

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