ACTUALITÉ
Loi Numérique

Les propositions de l’UFC-Que Choisir

Le projet de loi pour une République numérique (LRN), qui définira les grandes orientations de notre société de demain, entrera en discussion au Parlement début 2016. Avant cela, le gouvernement a, pour la première fois, convié tous les internautes à s’exprimer sur son contenu. Ouverte du 26 septembre au 18 octobre, cette grande consultation publique a déjà recueilli des milliers de contributions, parmi lesquelles celles de l’UFC-Que Choisir. 

Avec plus de 10 000 participations à ce jour, il semblerait que les internautes se soient pris au jeu de la consultation publique mise en place par le gouvernement. Depuis le 26 septembre dernier, tous les citoyens, toutes les associations, toutes les institutions peuvent s’exprimer sur le projet de loi pour une République numérique porté par la secrétaire d’État Axelle Lemaire. Chacun est libre de donner son avis, de commenter les articles de la loi, de proposer des modifications, et de voter sur les propositions des participants. « Cette loi définit les grandes orientations de notre société numérique de demain. Nous avons souhaité lui donner une dimension démocratique particulière en permettant à chacun de s’exprimer sur son contenu. Cette consultation permettra sans doute de corriger certains articles afin qu’ils répondent plus précisément aux attentes des citoyens », expliquait Axelle Lemaire lors d’une rencontre à l’European American Press Club, le 7 octobre dernier.

Abstrait aujourd’hui, très concret demain

Cette loi aborde plusieurs thématiques qui, bien qu’elles puissent sembler abstraites aujourd’hui, s’avéreront fondamentales dans les années à venir. « Open data », « autodétermination informationnelle », « loyauté des plateformes »… Autant de grands concepts qui recouvrent en fait des questions cruciales, concrètes et pas encore spécifiquement réglementées comme la neutralité du Net, le droit à l’oubli des mineurs ou encore la mort numérique. Concrètement, la loi est structurée autour de trois axes. Le premier concerne l’économie de la donnée, le deuxième le renforcement de la confiance des utilisateurs sur Internet. Le dernier, plus social, aborde des questions comme celle de l’accessibilité à Internet.

Sans entrer dans le détail du texte, disponible sur la page Internet dédiée (1), nous vous présentons ici, dans leur contexte, les principales mesures sur lesquelles l’UFC-Que Choisir a souhaité réagir dans le cadre de la consultation. Vous pouvez les retrouver en intégralité en cliquant sur ce lien. Pour soutenir ces propositions, il suffit de voter !

Circulation des données et du savoir

« La data, c’est le capital du XXIe siècle. Nous préparons l’environnement législatif pour accueillir cette nouvelle donne », expliquait Axelle Lemaire lors de la rencontre. L’objet de ce premier volet de la loi est de passer d’une économie du culte du secret à une économie transparente dans laquelle les services publics ont l’obligation, par défaut, de rendre publiques toutes les données dont elles disposent (c’est l’« open data »). Objectif : stimuler l’activité économique autour de ces données. Par exemple, on peut imaginer que des développeurs exploitent les informations sur la qualité de l’eau des piscines municipales pour proposer des applications mobiles pourquoi pas payantes.

La loi prévoit que ne soient pas considérées comme des informations publiques celles qui font l’objet d’un droit de propriété intellectuelle (article 2). Il faut aller plus loin en précisant quels sont les tiers qui peuvent opposer ce droit, sinon, la loi sera trop facile à contourner.  

De même, le texte d’Axelle Lemaire prévoit trop d’exceptions d’ouverture des données par défaut dans les contrats de délégation de services publics (article 5).

Confiance dans Internet : de la neutralité du Net aux avis de consommateurs…

La LRN veut rassurer les citoyens dans leur utilisation d’Internet. C’est tout l’objet du deuxième volet du texte, qui aura des conséquences concrètes pour les internautes. Il assoit le principe de la neutralité du Net en France, qui interdit par exemple aux opérateurs de réduire la bande passante accordée à certains sites de partages de vidéos et d’augmenter cette bande passante auprès d’autres sites moyennant paiement. L’UFC-Que Choisir applaudit des deux mains mais souhaiterait que la loi prévoie d’ores et déjà les modalités d’un contrôle. Dans le prolongement de la loi Hamon, les agents de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) pourraient signaler à la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) tout manquement constaté à la loi. Avec la LRN, les internautes pourront récupérer toutes leurs données s’ils souhaitent changer de prestataire, et ce pour les e-mails, les contacts, les fichiers stockés dans le cloud ou encore les listes de lecture de musique écoutée en streaming. Parfait, sauf qu’en l’état, l’article exempte les cas où le prestataire indique que c’est « impossible ». Un non-sens qui doit être supprimé ! L’UFC-Que Choisir estime aussi que les sanctions prévues en cas de manquement (3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale) sont insuffisantes et propose de les augmenter pour les rendre dissuasives.

Les internautes se méfient des avis de consommateurs qu’ils lisent sur Internet, et nos différentes enquêtes sur le sujet prouvent qu’ils ont raison : les faux avis sont très fréquents. La loi prévoit d’imposer aux sites Internet d’indiquer, de manière explicite, si les avis qu’ils publient ont fait l’objet d’un processus de vérification. Inciter les sites Internet à respecter la norme Afnor existante, bien qu’elle soit timide, constituerait un préalable.

… et du droit à l’oubli au testament numérique

Le droit à l’oubli est l’une des dispositions phares du projet de règlement européen sur les données personnelles. Il s’agit de permettre aux internautes de demander, dans certains cas, à ne plus apparaître dans les résultats des moteurs de recherche. Ce principe soulève de nombreuses questions mais demeure essentiel pour la protection de la vie privée. La LRN veut que la procédure soit particulièrement rapide pour les mineurs, afin qu’une soirée un peu trop festive ne nuise pas à une potentielle embauche, par exemple.

Autre disposition intéressante, celle du testament numérique, qui permettra à tous les internautes de décider par avance du sort de ses données en cas de décès. Certains sites, notamment les réseaux sociaux, ont déjà pris les devants.

Votre correspondance restera privée

Jusqu’à présent, les e-mails n’étaient pas expressément inclus dans le droit concernant le secret des correspondances privées (art. 226-15 du code pénal). La LRN rectifie le tir et intègre également tous les messages privés échangés sur les réseaux sociaux. Les hébergeurs ne pourront plus utiliser le contenu de vos messages pour cibler la publicité qu’ils affichent sur votre écran.

Autre disposition concernant le courrier, le recommandé électronique, précisément. Axelle Lemaire souhaite offrir à la lettre recommandée électronique les mêmes garanties et la même reconnaissance que la lettre recommandée papier. Mais l’article qui l’instaure pose plusieurs problèmes. D’abord, le texte prévoit que tout prestataire de recommandé électronique doit préalablement recevoir une autorisation de l’Arcep. Mais rien n’oblige le prestataire à prouver qu’il a bien reçu cette certification. Ensuite, de nombreuses boîtes mail ne sont plus utilisées bien qu’elles existent toujours. Se pose alors la question de l’effectivité du recommandé électronique dès lors que le destinataire pourrait recevoir ce type de mail sans en avoir pris forcément connaissance… 

(1) https://www.republique-numerique.fr/project/projet-de-loi-numerique/consultation/consultation

Camille Gruhier

Camille Gruhier

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