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Médicaments à éviter

La liste noire 2023 de Prescrire

Inefficaces ou dangereux, et souvent les deux : tels sont les médicaments que la revue indépendante Prescrire épingle chaque année dans sa liste des médicaments à éviter. En 2023, trois nouvelles spécialités rejoignent ce palmarès, chacune illustrant à sa manière un problème typique du monde du médicament.

Tout est question de balance. Pour évaluer l’intérêt d’un médicament, il faut peser d’un côté ses bénéfices (son efficacité, sa facilité d’utilisation, etc.) et de l’autre ses risques (effets indésirables, risques d’interactions, etc.) et mettre en regard les uns par rapport aux autres. Quand les bénéfices sont faibles voire nuls, les risques l’emportent souvent. La balance est également défavorable quand les risques sont très importants, même s’il existe un bénéfice. S’appuyant sur ce critère, la revue indépendante Prescrire bâtit chaque année sa liste des médicaments à écarter pour mieux soigner. Parmi les 88 listés, 3 nouveaux médicaments font leur entrée cette année. 

Teinture d’opium (Dropizal) • Un remède du 19e siècle

À quoi sert-elle ?

La teinture d’opium, commercialisée sous le nom de Dropizal, est autorisée comme traitement des diarrhées sévères des adultes, lorsque d’autres traitements antidiarrhéiques n’ont pas eu un effet suffisant. Cet extrait de pavot contient différents opioïdes, en particulier de la morphine, qui ont un effet constipant.

Quel est le problème ?

Il est double. D’une part, le Dropizal n’a pas été testé rigoureusement. Son efficacité n’est donc pas établie ni en comparaison des antidiarrhéiques de référence, comme le lopéramide (Imodium, un autre opioïde) ni en cas d’insuffisance de ceux-ci (ce qui est son usage officiel). D’autre part, c’est un mélange de diverses substances, incluant divers opioïdes (morphine donc et codéine) mais aussi de l’alcool et un alcaloïde (thébaïne), ce qui multiplie les risques d’effets indésirables et d’interactions – et conduit Prescrire à qualifier le médicament de « soupe » ! Historiquement, la première formulation de teinture d’opium date de 1837. Ce type d’élixir a été commercialisé en France sous le nom Parégorique en 1922. Si cela convoque le charme désuet des remèdes d’antan, c’est une « régression », souligne la revue. La mise sur le marché d’un tel mélange et des incertitudes qui l’accompagnent est un recul par rapport aux progrès faits par l’industrie pharmaceutique pour extraire, purifier, isoler et doser un seul des principes actifs afin de produire des médicaments aux effets connus.

En quoi est-il représentatif ?

Que ce médicament ait été autorisé par les autorités sanitaires illustre leur incompétence à protéger les patients des médicaments plus dangereux qu’utiles. En pratique, la teinture d’opium a d’abord été autorisée dans les pays européens du Nord (Danemark, Norvège, Suède, etc.) puis, de façon automatique, en France par une procédure dite de « reconnaissance mutuelle ». Chez nous, le remboursement a toutefois été refusé ce qui en limite généralement l’usage.

Palforzia (protéines d’arachide) • Un anti-allergique qui provoque… des allergies

À quoi sert-il ?

Les protéines d’arachide, commercialisées sous le nom de Palforzia, est un traitement de désensibilisation par voie orale. Il est le premier à être autorisé pour les enfants souffrant d’allergie à l’arachide (cacahuètes), qui est l’une des allergies alimentaires les plus fréquentes. Elle provoque des réactions désagréables, parfois graves voire très graves : urticaire et angioœdèmes (ou œdème de Quincke), troubles respiratoires, réaction anaphylactique pouvant être mortelle. Aussi les patients doivent suivre un régime alimentaire d’éviction stricte de l’arachide, ce qui est très contraignant en pratique. Des techniques de désensibilisation orale sont complémentaires et consistent à exposer les personnes allergiques à de toutes petites doses, qui seront progressivement augmentées puis stabilisées, pour les accoutumer. Palforzia est l’un de ces traitements.

Quel est le problème ?

En apparence, le Palforzia marche : les tests menés à l’hôpital montrent que la moitié des patients traités environ tolèrent une petite dose d’arachide contre quasiment aucun des patients n’ayant pas suivi le traitement. Mais sorti de l’hôpital, le tableau se noircit. Dans leur vie quotidienne, les patients traités font davantage de réactions allergiques systémiques que les personnes non traitées, analyse Prescrire. Et ces réactions ne sont pas moins graves puisqu’il a fallu plus souvent utiliser une injection de secours d’adrénaline chez les personnes traitées par désensibilisation que les autres.

En quoi est-il représentatif ?

Ce traitement ne guérit pas : les patients doivent continuer à traquer et exclure l’arachide de leur alimentation et à garder à disposition de l’adrénaline en cas de réaction anaphylactique. Au contraire, on observe un surcroît de réactions allergiques dans la vie quotidienne. Cela illustre le problème des essais cliniques qui regardent les effets par le petit bout de la lorgnette, dans des conditions très restrictives, démontrant un bénéfice sur des critères qui ne sont pas ceux qui comptent vraiment pour les patients.

Roxadustat • Moins bon que des médicaments déjà existants

À quoi sert-il ?

Le roxadustat, commercialisé sous le nom de Evrenzo, est autorisé comme traitement de l’anémie (taux anormalement bas d’hémoglobine) provoquée par une insuffisance rénale chronique. Il a l’avantage d’être pris par voie orale ce qui est plus facile qu’avec les traitements existants qui sont injectés.

Quel est le problème ?

Le roxadustat a été évalué en comparaison des traitements déjà existants, appelés les époétines. En termes d’efficacité, ses effets sur l’hémoglobine sont comparables. En termes de toxicité, le profil de ses effets indésirables est comparable : troubles thromboemboliques (caillots de sang), infections et troubles cutanés parfois graves. Mais, souligne Prescrire, « la plupart de ces événements indésirables ont été plus fréquents dans les groupes roxadustat que dans les groupes époétines, y compris ceux jugés graves ».

En quoi est-il représentatif ?

Pas meilleur que les médicaments existants mais plus risqué : un tel bilan est courant pour les nouveaux médicaments. L’inscription du roxadustat sur la liste Prescrire des médicaments à écarter illustre le fait qu’un médicament nouveau n’est pas forcément meilleur qu’un médicament ancien. Toute innovation n’est pas synonyme de progrès.

→ Le bilan complet de Prescrire est en accès libre sur leur site : https://www.prescrire.org/Fr/202/1834/55640/0/PositionDetails.aspx

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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