ACTUALITÉ

PesticidesLa Commission européenne propose de supprimer leur réévaluation

Elsa Casalegno

par Elsa Casalegno

Bayer-Monsanto, Syngenta, Corteva et autres multinationales de l’agrochimie doivent se frotter les mains. Dans son projet de simplification de la réglementation, Bruxelles propose de supprimer les réévaluations périodiques (qui ont lieu tous les 10 à 15 ans) des pesticides, excepté les plus dangereux.

Chose promise, chose due. En entamant son second mandat à la tête de la Commission européenne, en juillet 2024, Ursula von der Leyen avait promis une « simplification » de la réglementation, afin d’alléger le « fardeau » qui pèse sur les entreprises. Il s’agit en réalité d’une vaste opération de dérégulation, si l’on en juge par le contenu des six directives dites « omnibus » qui ont déjà été publiées. Et les pesticides font partie des bénéficiaires de cet allégement.

Le commissaire à la Santé et au Bien-être animal, le hongrois Olivér Várhelyi, avait annoncé dès septembre « la suppression du renouvellement périodique systématique de l’autorisation des substances actives (sauf les candidates à la substitution) » ‒ c’est-à-dire les plus dangereuses ‒, ainsi qu’un « accès plus rapide au marché pour les produits de biocontrôle (par le biais d’une autorisation provisoire) ». En clair, les pesticides n’auraient plus besoin d’être réévalués périodiquement pour tenir compte des nouvelles études scientifiques sur leur innocuité, et resteraient autorisés sans limitation dans le temps.

→ Lire aussi : Consultez notre observatoire des pesticides

Ce serait chose faite dans le projet de directive Omnibus Alimentation soumis le 4 novembre par la Direction générale de la santé (DG Santé) aux autres directions de la commission, alerte l’ONG environnementale PAN Europe, qui a pu consulter ce document encore confidentiel. L’association en énumère les effets délétères : « Cela n’inciterait pas l’industrie à examiner tous les effets négatifs pour la santé et l’environnement. Or, c’est dans le cadre de ces examens périodiques que les pesticides toxiques sont identifiés et interdits. » De plus, cette proposition de simplification est en totale contradiction avec une décision de la Cour de justice de l’Union européenne d’avril 2024, qui faisait obligation aux États membres de tenir compte des connaissances scientifiques récentes avant d’autoriser ou de réautoriser un pesticide au niveau national.

Délai de grâce de 3 ans

Autre mesure contestable, les pesticides proscrits en raison de leur dangerosité (perturbateurs endocriniens, cancérogènes, neurotoxiques, etc.) devraient bénéficier d’un délai de grâce allongé de 3 ans, avant d’être définitivement interdits d’utilisation dans l’Union européenne. La publication du document est prévue le 16 décembre prochain. Ce sera alors au tour du Parlement européen et des États membres de valider ou pas ces propositions.

Le Commissaire à la santé compte également proposer, d’ici 1 an, une « évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) » dans le but annoncé, là aussi, de simplifier et réduire la charge administrative. Pas de quoi rassurer !

Des autorisations prolongées illégalement

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu le 19 novembre trois jugements dans des procès intentés par des associations de protection de l’environnement, dont PAN Europe et Pollinis, contre des prolongations d’autorisations de trois pesticides, le boscalid, le dimoxystrobin et le glyphosate, qu’elles jugeaient illégales.

Ainsi, l’autorisation de mise sur le marché du boscalid, un fongicide toxique pour les écosystèmes, est expirée depuis 7 ans. Mais ce produit a bénéficié de cinq prolongations de 1 an, puis d’une de 3 ans, accordées par la Commission européenne. Il reste donc autorisé jusqu’en 2026, sans qu’une nouvelle évaluation des risques ait été réalisée. Ce n’est pas un cas unique : Pollinis a répertorié 118 autres substances dans ce cas !

Dans son jugement, la CJUE donne raison aux associations, et souligne qu’une prolongation « ne peut être appliquée de manière automatique, voire systématique ». Il rappelle également un principe fondamental, qui figure dans les traités de l’Union européenne : la santé des citoyens et l’environnement doivent primer sur les considérations économiques.

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter