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PFAS dans l’eau du robinetComment lire la carte des polluants éternels mise en ligne par les pouvoirs publics ?

Fabrice Pouliquen

par Fabrice Pouliquen

Le 31 juillet dernier, le ministère de la Transition écologique mettait en ligne une carte de France compilant toutes les données issues des campagnes de surveillance des PFAS dans les eaux, y compris celle du robinet. Le hic ? Elle n’est pas simple à lire. On vous aide à la décrypter.

L’eau qui sort de votre robinet est-elle contaminée aux PFAS ? Si oui, lesquels ? Y en a-t-il aussi dans la rivière qui ne passe pas loin de chez vous ? Et quid des eaux souterraines ? Le ministère de la Transition écologique a mis en ligne, en accès libre, les résultats des campagnes de surveillance de ces composés chimiques dans les eaux qu’ont commencé à mener les pouvoirs publics, via les Agences régionales de santé (ARS).

Derrière l’acronyme PFAS se cachent plusieurs milliers de substances chimiques : les perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés (anciennement perfluorés et polyfluorés). Il s’agit de composés artificiels, synthétisés par l’homme à partir d’hydrocarbures, composés d’atomes de carbone et de fluor reliés entre eux par des liaisons chimiques particulièrement stables.

Des polluants éternels dans le collimateur

La stabilité de cette liaison carbone-fluor est une aubaine pour les industriels qui utilisent les PFAS depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes à la chaleur, etc. Résultat : ils se retrouvent dans une multitude d’objets du quotidien, des poêles aux nappes antitaches en passant par des vêtements de sport, des produits cosmétiques, des emballages de fast-food, etc.

Le problème, c’est que la grande stabilité de leurs liaisons carbone-fluor rend les PFAS quasi indestructibles dans l’environnement. D’où leur surnom de polluants éternels. Depuis des décennies, ils s’accumulent ainsi dans les milieux naturels, sans épargner les eaux de surface (rivières, lacs…) et les nappes phréatiques via la pluie, les ruissellements, les rejets industriels, la désagrégation dans les sols des pesticides, les rejets des stations d’épuration, etc. Pas étonnant alors de les déceler dans l’eau potable, comme nous l’avions montré dans notre étude de janvier 2025.

Or, plus la science étudie ces PFAS, plus elle découvre des effets délétères sur la santé. Elles sont suspectées, avec un haut niveau de certitude, de causer des maladies thyroïdiennes, des taux élevés de cholestérol, des lésions au foie, des cancers du rein, des faibles poids de naissance, listait l’Agence européenne pour l’environnement en 2019. Elle ajoutait d’autres risques, à un degré de certitude plus faible : cancer du sein, hypertension, obésité…

2,3 millions de données récoltées

Peu à peu, la réglementation se durcit. À partir de 2026, la France appliquera la directive européenne 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Lors de contrôles sanitaires de ces eaux, dont celle du robinet, les ARS rechercheront alors systématiquement les 20 PFAS que Bruxelles juge prioritaires à suivre. Lorsque leur somme excédera 0,1 microgramme par litre (µg/l) (soit 100 nanogrammes par litre), l’eau sera considérée comme non conforme. S’il n’y a pas forcément de danger immédiat à boire cette eau, les producteurs concernés devront prendre des mesures afin de baisser l’exposition des consommateurs à ces polluants.

Ce sont les premières données récoltées de ces campagnes de surveillance que le ministère de la Transition écologique rassemble dans sa carte en ligne et en open data. Cet outil, élaboré par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et qui sera régulièrement mis à jour, promet le ministère de la Transition écologique, compile 2,3 millions de données issues des points de surveillance des eaux douces (cours d’eau, nappes phréatiques, lacs) mais aussi les eaux potables (les carrés bleu ciel sur la carte) ou encore les effluents rejetés par les sites industriels, l’une des sources majeures de contamination du milieu aquatique aux PFAS. Il vous suffit ainsi de repérer votre commune et de consulter les résultats sur les points de surveillance alentour.

Une carte peu lisible pour les non-connaisseurs

Si on peut saluer l’effort de transparence, on regrette toutefois le manque de clarté et l’absence d’explications permettant de comprendre les données brutes fournies. Pour l’eau du robinet, par exemple, les campagnes de surveillance de l’ARS ont consisté à chercher, dans les prélèvements, uniquement les 20 PFAS que l’Union européenne (UE) demande de surveiller à partir de l’an prochain. En cliquant sur le détail, vous obtenez ainsi la liste des PFAS décelés dans les prélèvements avec, à côté, les concentrations exprimées en microgrammes par litre (µg/l). C’est déjà une information en soi. Mais pour savoir si cette eau est conforme ou non au regard de cette future directive européenne, il faut additionner ces concentrations (en prenant garde à ce qu’elles affichent la même date) et regarder si la somme dépasse ou non les 0,1 µg/l. Pas très pratique.

Un seuil suffisamment protecteur ?

En très grande majorité, le taux sera inférieur. Est-ce rassurant ? Pas si sûr. On peut en effet se questionner sur la pertinence de ce seuil de 0,1 µg/l que la France appliquera. D’autres pays de l’UE ont fait le choix d’aller plus loin que la directive européenne en fixant des seuils plus stricts à ne pas dépasser pour des PFAS jugés particulièrement problématiques. Ainsi, la somme des PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA ne devra pas dépasser 0,004 µg/l en Suède et 0,002 µg/l au Danemark. Si vous voulez aller plus loin, vous pouvez ainsi vérifier si ces 4 PFAS figurent parmi ceux trouvés dans le point de distribution qui alimente votre commune… Et si oui, en calculer la somme. Et là, vous risquez de trouver quelques dépassements. Nous en avions trouvé lors de notre enquête de janvier dernier.

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