ACTUALITÉ

Traitement de l’obésitéLa chirurgie fait mieux que les médicaments tels que Wegovy et Mounjaro

SG

par Stéphany Gardier

Si le traitement médicamenteux de l’obésité (Wegovy/sémaglutide, Mounjaro/tirzépatide, Saxenda/liraglutide) est de plus en plus plébiscité par les patients, de premières données comparatives tendent à montrer qu’à long terme, la chirurgie bariatrique offre de meilleurs bénéfices.

L’arrivée sur le marché des analogues du GLP-1 (vendus sous les noms de Wegovy et Mounjaro en France) est, de l’avis de tous les spécialistes, une révolution dans la prise en charge de l’obésité. Cependant, la communication massive autour de cette nouvelle option thérapeutique tend à faire penser qu’elle fait aussi bien, voire mieux, que le traitement de référence, à savoir la chirurgie bariatrique. Depuis quelques mois, des études comparant les deux approches commencent à être publiées. Des travaux menés par une équipe américaine et parus dans la revue Nature Medicine (1) mi-septembre apportent notamment des éléments de comparaison particulièrement solides et qui démontrent la supériorité de la chirurgie, que ce soit sur la perte de poids à long terme ou la diminution du risque des comorbidités les plus fréquemment associées à l’obésité.

La chirurgie bariatrique, également appelée chirurgie métabolique, est une technique mise au point il y a près d’un demi-siècle et dont la pratique s’est largement développée en France depuis le début des années 2000. Le recul sur cette thérapie est donc important et de nombreuses études ont analysé ses bénéfices. Une des plus connues, l’étude SOS (Swedish Obese Subjects) suit ainsi des patients obèses opérés ou non depuis plus de 20 ans. Elle a notamment permis de montrer que la chirurgie augmentait l’espérance de vie des patients de plus de trois années. « Mais jusqu’ici, nous avions des études qui comparaient la chirurgie ou les médicaments avec les "autres traitements" de l’obésité, à savoir de l’éducation thérapeutique et des changements d’habitudes de vie. Or si ces approches sont nécessaires dans la prise en charge de cette maladie multifactorielle, elles ne constituent pas à elles seules des traitements efficaces de l’obésité. C’est donc très intéressant de commencer à avoir des données qui comparent chirurgie et médicaments, plus ou moins directement », estime le Pr François Pattou, chirurgien et coordinateur du Centre intégré de l’obésité au CHU de Lille.

Meilleure perte de poids avec la chirurgie

L’étude publiée dans Nature Medicine émane de l’Institut bariatrique et métabolique de la clinique de Cleveland (Ohio, États-Unis), un centre de renommée internationale qui traite de nombreux patients et dispose d’une très large banque de données de suivi. L’étude a porté sur des patients avec une obésité très sévère (IMC moyen de 41,8 kg/m2) et atteints de diabète de type 2. Les chercheurs ont sélectionné 1 657 patients opérés et 2 275 ayant reçu des analogues du GLP-1 (du sémaglutide pour 26,5 %) dont les caractéristiques physiques et biologiques étaient les plus similaires possibles afin de minimiser les biais d’analyse. Ils ont ensuite comparé leur devenir au fil des ans et calculé l’incidence cumulée sur 10 ans de plusieurs maladies associées à l’obésité (atteintes vasculaires, cardiaques, oculaires, rénales, etc.).

Les résultats confirment que la chirurgie permet une meilleure perte de poids à long terme : 21,6 % du poids de corps contre 6,8 % pour les patients ayant pris des analogues du GLP-1. « L’évolution du poids après la chirurgie est maintenant bien connue et à long terme, on peut estimer que les patients maintiennent une perte d’environ des deux tiers du poids perdu la première année », indique le Pr Pattou. Le principal écueil avec les médicaments étant justement la reprise de poids inéluctable à l’arrêt du traitement. En 6 mois, les patients regagnent environ 80 % du poids perdu. « Or les arrêts sont nombreux, environ la moitié des patients arrêtent après la première année, et les effets secondaires n’expliquent pas tout », précise le chirurgien.

La chirurgie bariatrique protège également mieux à long terme les patients contre les complications de l’obésité et du diabète. L’incidence des néphropathies était de 21,4 % contre 37 % pour les patients sous analogues du GLP-1. Les accidents vasculaires ou cardiaques ont également été moins nombreux (23,7 % contre 34 %), tout comme les rétinopathies (5,5 % contre 15,9 %). Les patients opérés se sont vus également prescrire moins de médicaments (anti-hypertenseurs, statines, etc.) que les patients traités par analogues du GLP-1. Une autre étude, parue en septembre également dans la revue JAMA Surgery (2), apporte avec une autre méthodologie des résultats similaires.

Approche moins invasive des médicaments

Ces données ne pas sont comparables à celles qui seraient obtenues dans un essai clinique randomisé, dans lequel des patients aux profils comparables se verraient attribuer par tirage au sort l’un ou l’autre des traitements. « Le coût de ce type d’étude est colossal et donc souvent réservé aux plus grandes firmes pharmaceutiques. Or ce n’est pas leur intérêt de financer un essai qui, in fine, a de grandes chances de confirmer les résultats des études observationnelles, c’est-à-dire la supériorité de la chirurgie, constate le Pr Pattou, qui souligne l’initiative d’un confrère canadien. Le Pr Salim Yusuf a lancé le projet international BRAVE qui est le premier essai randomisé contrôlé comparant chirurgie et traitement médical depuis l’arrivée des analogues du GLP-1. C’est un projet ambitieux qui va prendre des années mais dont les résultats seront très importants. »

« Il ne fait aucun doute que les analogues du GLP-1 constituent une grande avancée et il est assez logique que de nombreux patients choisissent en première intention l’approche la moins invasive. L’absence de remboursement en France est encore un frein mais il y a fort à parier que la situation évolue dans les prochaines années. Avec l’élargissement récent des critères de prescription par l’ANSM, ces médicaments pourraient être prescrits à un nombre considérable de patients, il est donc important que patients et médecins soient au clair avec ce que l’on peut réellement attendre de ces médicaments et pour qui », prévient le Pr Pattou.

SG

Stéphany Gardier

Soutenez-nous, rejoignez-nous

La force d'une association tient à ses adhérents ! Aujourd'hui plus que jamais, nous comptons sur votre soutien. Nous soutenir

image nous soutenir

Newsletter

Recevez gratuitement notre newsletter hebdomadaire ! Actus, tests, enquêtes réalisés par des experts. En savoir plus

image newsletter