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Helvet Immo

L’étau se resserre sur BNP Personal Finance

L’UFC-Que Choisir se constitue partie civile dans le scandale des prêts indexés sur le franc suisse alors qu’une ancienne directrice régionale se dit prête à témoigner. Un scandale que l’association dénonce depuis 2011. 

À travers sa filiale BNP Personal Finance (BNP-PF), le groupe a commercialisé en 2008 et 2009 des crédits immobiliers contractés en franc suisse mais remboursables en euro, en assurant aux emprunteurs que le cours euro/franc suisse était très stable. Résultat, quelque 4 600 emprunteurs ont été pris au piège de la hausse du franc suisse, qui a grimpé de 60 % face à l’euro ces cinq dernières années. Leurs charges de remboursement ont explosé, jusqu’à des situations intenables d’amortissement négatif : les intérêts qui ne sont plus remboursés viennent s’ajouter au capital. Au lieu de fondre, la somme à rembourser augmente chaque mois…

BNP Personal Finance a-t-elle correctement expliqué l’étendue des risques à ses clients en 2008 et 2009 ? C’est la question clé. Dans un jugement rendu le 2 juin 2015, le tribunal de grande instance de Paris a répondu par l’affirmative, déboutant un plaignant. D’autres dossiers vont suivre, plus de 450 emprunteurs demandant réparation.

Il y a également une enquête au pénal, dans laquelle l’UFC-Que Choisir est partie civile. Mis en examen une première fois en mai 2015 par la juge d’instruction Claire Thépaut, BNP Paribas-PF a fait l’objet d’une mise en examen supplétive le 10 juin. L’information vient d’être révélée par Libération.

Par ailleurs, un nouveau témoin important s’est manifesté. Il s’agit de Nathalie Chevallier, ancienne directrice régionale de BNP Personal Finance en Île-de-France. Mi-septembre, les avocats Anne-Valérie Benoît et Stéphane Szames, qui représentent le collectif de victimes Cephi, ont demandé au tribunal de grande instance (TGI) de Paris qu’elle soit auditionnée. Sa version des faits pourrait être embarrassante pour la banque.

Selon nos informations, en effet, la BNP a commis non pas une, mais quatre erreurs lourdes de conséquence dans ce dossier : elle a dévoyé un produit conçu pour les frontaliers, elle a ignoré les mises en garde de certains cadres, elle a travaillé avec des commerciaux peu fiables et elle n’a pas traité le problème quand il était encore possible de le faire à moindre frais pour ses clients.

La banque a dévoyé un produit conçu pour des frontaliers

Helvet Immo n’est pas une invention de la BNP. Dès 2006, le Crédit agricole conçoit un produit similaire qu’il commercialise avec plus d’un an d’avance sur la BNP, puisque Helvet Immo arrive sur le marché seulement en mars 2008. Même désastre à l’arrivée. Le Crédit agricole de Lorraine a été condamné à indemniser une quarantaine de plaignants pour démarchage irrégulier et défaut d’information par le tribunal de grande instance de Metz en novembre 2014. Selon Arnaud Métayer-Mathieu, l’avocat qui défendait les plaignants, l’idée de cet emprunt en franc suisse « est venue de certaines agences qui officiaient à la frontière, plus particulièrement en Haute-Savoie. Elles avaient effectivement accès à des conditions de financement avantageuses sur le marché suisse ».

Il y a néanmoins un détail crucial. Traditionnellement, le Crédit agricole et la BNP, tout comme le Crédit mutuel ou la banque locale Laydernier, réservaient les emprunts immobiliers en francs suisses (CHF) à une clientèle bien précise : celle des frontaliers voulant acheter un logement en France, mais salariés en franc suisse. L’intérêt pour eux n’était pas de profiter de taux bas, mais de se couvrir contre les variations de change, en ayant des mensualités libellées dans la même devise que leur salaire. À la base, le risque de change n’est donc pas un hypothétique inconvénient des montages type Helvet Immo. C’est leur raison d’être ! Les proposer à des clients salariés en euros en leur vantant le cours €/CHF comme un long fleuve tranquille était une aberration.

Il aurait été possible de contenir ces risques, en ajoutant au contrat une couverture contre les variations de changes. Cette couverture avait inévitablement un coût, qui réduisait pratiquement à néant l’intérêt d’emprunter en franc suisse. La BNP a décidé de s’en passer.

La banque a ignoré toutes les mises en garde

Si la banque, comme elle le soutient, croyait vraiment à la stabilité des taux de change, pourquoi n’a-t-elle pas encore davantage utilisé les facilités du franc suisse ? Pourquoi ne pas avoir proposé du crédit « Helvet Auto » ou « Helvet Conso » ? La réponse est très simple : à l’intérieur du groupe, mais aussi parmi ses distributeurs indépendants, des voix se sont élevées tout de suite pour dénoncer les risques. Dès début 2008, les dirigeants de BNP-PF ont été alertés. Des salariés ont démontré, simulations écrites à l’appui, que Helvet Immo prendrait au piège les emprunteurs en cas de remontée du franc suisse. Un euro valait à l’époque 1,60 CHF. Les simulations en question n’allaient même pas jusqu’à envisager le cauchemar actuel, qui voit les deux devises se rapprocher de la parité (1,09 CHF pour 1 € le 1er octobre).

Jean-Marc Romano, directeur distribution de BNP-PF, n’a pas tenu compte de ces documents. Ils n’ont pas été diffusés au sein de l’établissement. Les clients n’en ont jamais entendu parler.

Au sein de BNP-PF, par ailleurs, des salariés ayant un peu d’ancienneté se rappelait parfaitement du scandale de l’Hypothécaire anversoise. Dans les années 1980 et 1990, avant le passage à l’euro, cette banque belge a distribué en France des crédits immobiliers jouant eux aussi sur les monnaies, avec des résultats désastreux. Helvet Immo avant la lettre.

Certains réseaux de distribution ont refusé catégoriquement de distribuer Helvet Immo. C’est le cas en particulier du groupe Adomos. Les agences locales du réseau BNP n’en ont pas vendu beaucoup. L’essentiel de la commercialisation s’est faite par l’intermédiaire de professionnels pas toujours très regardants, spécialistes de la défiscalisation immobilière.

La banque a travaillé avec des commercialisateurs peu fiables

Il y a eu très peu, voire pas du tout, d’achats de résidences principales financés par des prêts Helvet Immo. Dans la quasi-totalité des 4 500 cas litigieux, il s’agissait d’investissements immobiliers défiscalisés en loi Robien, Scellier, Malraux ou sous le régime de la location en meublé professionnel. 

En 2008, quand la BNP-PF lance Helvet Immo, il y a déjà eu de nombreuses alertes sur la déontologie de certains défiscalisateurs. Ce n’est pas avec les plus rigoureux que BNP-PF va nouer des accords de distribution, loin de là. Que Choisir a publié en août 2008 une enquête particulièrement critique sur le groupe Akerys. Ce dernier sera un des principaux distributeurs d’Helvet Immo, avec Finaxiome, autre défiscalisateur à problèmes, liquidé en 2012.

Sans parler de l’affaire Apollonia ! Deux dirigeants de BNP-PF ont d’ailleurs été mis en examen à l’issue d’une garde à vue, pour être placés finalement sous le statut de témoin assisté, dans le cadre de cette vaste escroquerie à la défiscalisation.

Les commercialisateurs d’Akerys ou ceux de Finaxiome dissuadaient leurs clients de prendre rendez-vous avec les banques partenaires. Une large partie des souscripteurs du prêt Helvet Immo ne se sont donc jamais fait expliquer le produit posément par un conseiller clientèle compétent. La pseudo association de défense des consommateurs d’Akerys (EDC, totalement inféodé au groupe) a assigné la BNP dans le dossier Helvet Immo. Lucidité bien tardive.

La banque a nié ses erreurs au lieu de les corriger à moindre frais

L’euro se maintient à 1,60 CHF jusqu’en septembre 2008. Il entame alors une lente descente qui l’emmène à 1,50 CHF en décembre 2009. Ensuite, c’est la falaise. En août 2011, 1 € vaut 1,12 CHF. Le cours remontera après pour s’effondrer de nouveau début 2015 (suite à une décision de politique monétaire de la banque centrale suisse). Helvet Immo est retiré du marché en janvier 2010. À ce moment, la BNP pouvait sans problème convertir en euros les prêts en francs suisses. Il s’agissait de quelque 5 000 dossiers. À 10 000 € de frais par dossiers, l’opération lui coûtait cinquante millions d’euros. Dans la tourmente de 2008, le ratage Helvet Immo serait passé inaperçu. Un autre choix a été fait. 

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