BILLET DE LA PRÉSIDENTE

Fermeture des agences bancairesHalte aux effets d’une nouvelle fracture territoriale !

Marie-Amandine Stévenin

par Marie-Amandine Stévenin

En une décennie, le maillage territorial des agences bancaires dans notre pays s’est considérablement réduit : 5 300 agences ont fermé entre 2012 et 2022 (1). Fin 2022, il ne restait plus que 34 298 points d’accueil, contre 39 600 dix ans plus tôt. Et la tendance s’accélère : BNP Paribas prévoit la fermeture de 500 agences d’ici 2030, tandis que la Société Générale aura supprimé 600 points de vente dans le cadre de sa fusion avec le Crédit du Nord entre 2021 et fin 2025. Pour justifier ces décisions, les banques avancent l’essor des banques en ligne et la digitalisation du secteur. La fréquentation des guichets s’est effectivement effondrée : seuls 10 % des Français se rendent en agence plus d’une fois par mois, tandis que plus de la moitié (53 %) n’y vont qu’une fois par an ou moins (2).

Indépendamment des causes pouvant expliquer ces fermetures, ce sont leurs conséquences qui m’inquiètent. Parmi elles, je m’inquiète particulièrement du transfert généralisé des opérations bancaires vers le numérique, qui oblige désormais les consommateurs à effectuer seuls des démarches autrefois prises en charge par leur conseiller bancaire. Remise de chèques, virements, création de bénéficiaires… Toutes ces opérations se font désormais sur l’application bancaire, sans bénéficier d’un accompagnement professionnel pourtant indispensable. Je rappelle que ce conseil personnalisé est essentiel pour informer, protéger et prévenir les fraudes, notamment face à des escroqueries fréquentes comme l’arnaque au faux RIB.

Avec l’agence disparaît presque toujours le distributeur automatique de billets (DAB). Sur ce seul millésime 2023, 2 126 DAB ont été démontés, une baisse de plus de 10 % depuis 2020. La Banque de France se veut rassurante, indiquant que 98,8 % de la population reste à moins de 15 minutes d’un distributeur de billets (3)… à condition de posséder une voiture. Mais cela laisse des centaines de milliers de Français hors périmètre, voire davantage si on comptabilise ceux n’ayant pas de véhicule.

Pour les populations qui ne résident pas en centre-ville (notamment celles vivant dans des zones où les réseaux de l’internet sont d’une piètre qualité), et pour les personnes âgées ou les plus vulnérables, la fermeture d’une agence bancaire signifie souvent une exclusion pure et simple des services financiers essentiels. Les conséquences sont lourdes : déplacements de plusieurs kilomètres pour un simple retrait d’espèces, coûts additionnels liés aux déplacements, isolement accru des publics peu à l’aise avec les technologies numériques et difficultés économiques pour les petits commerçants locaux, privés d’argent liquide disponible dans leurs communes. Surtout, les banques facturent souvent les retraits effectués dans un distributeur hors réseau : cette double peine financière pèse particulièrement sur les plus modestes. Les consommateurs n’ayant pas à payer les pots cassés des choix stratégiques opérés par les banques, j’estime que ces retraits hors réseau devraient être gratuits, notamment lorsqu’ils sont le fait de la fermeture des agences locales.

Ensuite, il est essentiel de reconnaître un droit effectif et facilité à l’accès aux services bancaires. En l’absence d’agence physique dans chaque commune de plus de 1 000 habitants, les banques devraient œuvrer ensemble pour assurer un accès aux espèces à pied ou par un transport public ou, à défaut, d’autoriser un point cash (cash-back) gratuit chez les commerçants locaux. Enfin, j’attends des établissements bancaires qu’ils poursuivent et généralisent le déploiement d’agences mobiles ou éphémères déjà expérimentées par certaines banques, afin d’assurer un service bancaire de proximité partout sur le territoire.


(1) Banque Centrale Européenne, ECB Data Portal, Number of offices, France, Annual
(2) Enquête IFOP – FBF, Les Français, leur banque, leurs attentes, Février 2024
(3) Banque de France, Accès du public aux espèces – Actualisation de l’état des lieux à fin 2023, Juillet 2024

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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