BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Pénuries de médicaments

Face à l’incurie de l’exécutif, j’appelle les députés à agir

Disons-le franchement, la situation est désastreuse : le nombre de ruptures et risques de ruptures de stocks de médicaments a atteint 4 925 en 2023, contre 436 en 2014, 10 fois plus en 9 ans ! L’année dernière, 37 % des patients ont été confrontés à des pénuries de médicaments. Devant un tel fiasco, je ne peux que m’interroger sur la volonté des pouvoirs publics de réellement résoudre le problème. Face à ce naufrage, l’exécutif s’est contenté à la fin de l’année dernière de faire adopter une charte sur la base du volontariat aux acteurs du secteur, dont les effets se sont révélés très modestes, comme cela était prévisible. Le Gouvernement a enfin présenté le 22 février dernier une feuille de route 2024-2027 sur les pénuries.

Le contenu est largement insuffisant : l’essentiel des mesures étaient déjà annoncées (telles que des subventions à la relocalisation) ; d’autres relèvent du bon sens et on ne peut que s’étonner du fait qu’elles n’aient pas déjà été mises en place (amélioration des dispositifs informatiques de suivi des pénuries et partage de l’information entre les acteurs par exemple). L’exécutif se permet même de s’autocongratuler sur son bilan, en affirmant en préambule de la présentation que « la feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France a permis des avancées ». Sauf qu’à ma connaissance, la feuille de route 2019-2022 n’a jamais fait l’objet d’une évaluation, et en tout état de cause le doublement du nombre de ruptures et risques de ruptures entre 2019 et 2022 ne peut en aucun cas constituer une « avancée » !

En outre, l’exécutif annonce concentrer ses efforts sur 450 médicaments qualifiés d’« essentiels », alors qu’il existe en France 6 000 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), dont l’interruption de traitement peut mettre en jeu le pronostic vital des patients ou occasionner une perte de chance. Que va-t-il advenir pour les 5 500 autres médicaments et ceux devant impérativement les prendre ?

Heureusement, des députées sont là pour rattraper une certaine nonchalance de l’exécutif. Ainsi, Stéphanie Rist avait fait adopter en Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 un amendement qui a étendu les pouvoirs de police sanitaire de l’ANSM en cas de pénuries. Et désormais, grâce à Valérie Rabault, pour la première fois, une loi visant à prévenir les pénuries de médicaments sera soumise au vote de l’Assemblée nationale. L’UFC-Que Choisir a été auditionnée dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi, que nous soutenons pleinement.

J’appelle donc les députés à voter pour la proposition de loi Rabault qui sera examinée en séance le 29 février. Ce texte propose d’étendre la durée des stocks requis à deux mois minimum (nous espérions un plancher de quatre mois, mais c’est un début) et de durcir les sanctions contre les laboratoires contrevenants. L’adoption de telles mesures contraignantes serait une avancée, afin d’espérer passer à terme de la gestion de pénuries à une sécurisation de l’approvisionnement, puisqu’il vaut mieux travailler à construire une coque à toute épreuve plutôt que s’épuiser à écoper un bateau qui coule.

Marie-Amandine Stévenin

Marie-Amandine Stévenin

Présidente de l'UFC-Que Choisir

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