BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Copie Privée

En ayant la main lourde, les ayants droit n’ont pas la main verte !

L’UFC-Que Choisir a pointé du doigt il y a quelques années les innombrables dysfonctionnements du mécanisme français de la rémunération pour copie privée, un système permettant aux ayants droit de « taxer » les différents supports permettant de stocker des fichiers d’œuvres soumis au droit d’auteur et aux droits voisins (CD vierges, smartphones, disques durs externes…).

La stratégie des ayants droit a toujours été de faire voter les barèmes de cette « taxe » par une commission au sein de laquelle ils font la pluie et le beau temps. Mais les consommateurs payant cette taxe invisible, le beau temps pour les ayants droit équivaut à de la pluie pour les consommateurs. Ou plutôt devrais-je dire, une tempête ! Ce sont ainsi 260 millions d’euros qui ont été collectés et obtenus par les organismes de gestion collective (OGC), comme la SACEM par exemple, l’année dernière ! L’appétit venant en mangeant, les représentants des industries culturelles visent toujours à ce que davantage de supports soient taxés. Dernière idée en date – relayée par la presse – que la redevance pour copie privée s’applique également aux smartphones reconditionnés. On fait plus que frôler le ridicule là ; on l’atteint !

Ridicule tout d’abord car il y a ici un réel problème de conformité avec la loi. En effet, l’article L311-4 du Code de la propriété littéraire et artistique indique que la rémunération est versée « par le fabricant ou l'importateur des supports d'enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d'œuvres » (bien que le montant de la rémunération soit répercuté sur le prix d’achat final). Autrement dit, on comprend bien que formellement c’est le produit qui est taxé, pas l’achat. Or, bien que commercialisé plusieurs fois grâce au reconditionnement, le produit reste le même et ne peut donc pas être taxé plusieurs fois.

Ridicule ensuite, car cela vise à augmenter le prix des smartphones (jusqu’à 14 euros), des appareils reconditionnés, et donc à rendre leur attractivité moindre par rapport à des appareils neufs (d’où la crainte des ayants droit que le puits de leurs revenus trouve un fond, évidemment). Bien loin de la promotion de l’économie circulaire promue par le gouvernement, donc.

Ridicule enfin, car si les pouvoirs publics étaient amenés à accéder à d’éventuelles demandes d’évolutions législatives pour leur offrir le droit de taxer les appareils reconditionnés, la mascarade se poursuivrait. En effet, les ayants droit pourraient alors prétendre que les transactions entre particuliers fassent également l’objet d’une taxation !

On marche là sur la tête, et si sur cette question de la copie privée on en a malheureusement pris l’habitude, il est grand temps que les pouvoirs publics affirment que, conformément à la loi, les appareils reconditionnés resteront non-assujettis. Si par la même occasion ils pouvaient en profiter pour enfin remettre l’ensemble du dispositif sur les rails de la raison (réorganisation de la commission fixant les barèmes, démontrer que ces barèmes correspondent à un préjudice réellement subi par les ayants droit…), on atteindrait là l’idéal...

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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