Sophie Cousin
Comprendre le problème
Lorsque les bactéries développent des mécanismes de défense contre les antibiotiques, on parle d’antibiorésistance. Les médicaments deviennent alors inefficaces, ce qui compromet le traitement de certaines infections. On dénombre déjà des milliers de morts de ce fait.
Jusqu’au début des années 1990, les scientifiques pensaient pouvoir maîtriser la résistance aux antibiotiques. Mais ils se sont aperçus que les bactéries n’avaient cessé de s’équiper en mécanismes de résistance variés. Le scénario le plus fréquent : la bactérie acquiert un nouveau gène qui lui confère la capacité de résister à certains antibiotiques. 80 % des résistances se produiraient ainsi.
Autre stratégie : les bactéries s’organisent en biofilms (groupes de bactéries formant une coque autour d’elles et capables de se déposer sur une surface). Ce scénario est un cauchemar pour les antibiotiques et les antibactériens, car les biofilms sont beaucoup plus résistants que les bactéries isolées ou en petits groupes. Quand les bactéries résistantes sont devenues trop nombreuses, les antibiotiques deviennent inefficaces, et les patients ont un risque accru de complications.
Quel impact sanitaire ?
Aujourd’hui, les molécules les plus utilisées, en ville comme à l’hôpital, sont l’amoxicilline et l’association amoxicilline-acide clavulanique. Et cette dernière est fortement génératrice de résistance bactérienne. Parmi les autres antibiotiques qui génèrent le plus de résistance, Santé publique France mentionne les céphalosporines de 3e génération, les fluoroquinolones (notamment sur la bactérie Escherichia coli), mais aussi la méticilline (moins active sur la bactérie Staphylococcus aureus) et les carbapénèmes (à cause de la résistance d’entérobactéries capables de décomposer de nombreux types d’antibiotiques). Résultat : certaines infections sont de plus en plus difficiles à traiter (infections nosocomiales, urinaires et sexuellement transmissibles, pneumonies, salmonelloses et infections à staphylocoque doré). Cet état de fait se traduit aussi dans les cabinets médicaux. Interrogés au sujet de l’antibiorésistance, 1 médecin généraliste français sur 2 déclare avoir été confronté à des problèmes d’antibiorésistance au cours des 3 derniers mois au sein de sa patientèle.
Les infections à bactéries multirésistantes sont à l’origine de plus de 12 000 décès chaque année en France et 700 000 dans le monde, selon Santé publique France (BEH, 2021). Ce problème nous concerne tous, car tout un chacun peut rencontrer ces bactéries lors d’un simple passage à l’hôpital !