Rénovation énergétiqueDes aides toujours inefficaces face à l’urgence sociale et climatique

Alors que la France compte 4,2 millions de passoires énergétiques, l’UFC-Que Choisir publie une étude démontrant l’inefficacité persistante des dispositifs d’aide à la rénovation des logements. À l’heure où la précarité énergétique s’aggrave et où la crise climatique appelle à une réponse immédiate, les aides à la rénovation restent complexes, illisibles et mal calibrées, freinant les ménages à se lancer.
Une ambition nationale, une réalité décevante
Le secteur du bâtiment est responsable de 16 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Pour répondre à cet enjeu, la loi Climat et Résilience fixe un cap ambitieux : rénover l’ensemble du parc résidentiel d’ici 2050.
En 2024, les pouvoirs publics visaient la rénovation de 700 000 logements, en combinant deux types de parcours :
- la rénovation d’ampleur, qui consiste à réaliser plusieurs travaux complémentaires et vise à améliorer considérablement la performance énergétique du logement ;
- la rénovation par geste, qui consiste en des gestes de travaux isolés (remplacement de chaudière, isolation d’un mur…), moins efficaces pour réduire durablement les consommations d’énergie.
Mais les résultats sont largement en dessous des attentes. Seules 91 374 rénovations d’ampleur ont été réalisées, contre 200 000 attendues. À l’inverse, ce sont les rénovations par geste qui dominent encore, avec 340 800 opérations recensées en 2024.
Ces chiffres témoignent de l’échec des dispositifs actuels à faire basculer les ménages vers des rénovations performantes. Pendant ce temps, les conditions de vie se dégradent : 26 % des Français et Françaises déclaraient avoir souffert du froid chez eux en 2023, et près de 60 % de la chaleur.
Pour éradiquer durablement la précarité énergétique et améliorer le confort thermique des logements, la massification des rénovations d’ampleur est indispensable.
Des aides peu accessibles et financièrement peu incitatives
MaPrimeRénov’ (MPR), qui concentre 88 % des aides à la rénovation, reste un dispositif complexe à mobiliser pour les ménages. Un quart des bénéficiaires jugent les démarches administratives « trop complexes ». La situation est encore plus problématique pour les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), en particulier dans le cadre d’une rénovation par geste : les ménages doivent identifier eux-mêmes les offres de primes, sans outil public de comparaison pour les guider dans leur choix.
Au-delà de ces obstacles administratifs, le niveau des aides reste souvent insuffisant, notamment pour les foyers aux revenus intermédiaires et supérieurs. Dans le cas d’une rénovation d’ampleur, le soutien de MPR peut se limiter à 20 % du coût des travaux, même pour des projets très ambitieux. Quant aux ménages très modestes, s’ils peuvent bénéficier d’un reste à charge réduit, ils doivent néanmoins avancer jusqu’à 70 % du montant de l'aide. Pour beaucoup, cette avance constitue un frein financier majeur, malgré l’aide théorique accordée.
Un accompagnement encore marginal malgré son rôle essentiel
Dans un secteur exposé au risque de fraudes, l’accompagnement est crucial. Si la mise en place de Mon Accompagnateur Rénov’est une avancée, son coût pour les ménages peut atteindre 3 000 € et constitue donc aujourd’hui pour nombre d’entre eux un frein rédhibitoire pour le lancement de travaux d’ampleur.
L’étude souligne la nécessité de faire du réseau France Rénov’un passage systématique, renforcé et accessible, pour garantir à tous les ménages un parcours clair, sécurisé et efficace.
Les demandes de l’UFC-Que Choisir
Face à l’ampleur des enjeux, l’UFC-Que Choisir appelle à un changement de méthode immédiat. Pour une politique de rénovation réellement efficace et équitable, l’association demande :
- La mise en place d’un guichet unique pour toutes les aides, y compris dans le cadre de rénovations par geste ;
- La création d’un comparateur officiel, gratuit et indépendant des primes CEE ;
- La revalorisation des niveaux d’avances, en particulier pour les ménages modestes, et leur extension aux classes intermédiaires ;
- Un renforcement de la prise en charge publique de l’accompagnement, obligatoire dans le cadre d’une rénovation d’ampleur ;
- La mobilisation des banques pour diffuser l’éco-prêt à taux zéro, avec des objectifs chiffrés et suivis.
“Sans des réformes structurelles et ciblées, la France n’atteindra pas ses objectifs en termes d’amélioration de la performance énergétique des logements. Des millions de ménages continueront d’en payer les conséquences sur leur confort et leur santé. Ce n’est pas qu’une question de performance énergétique, c’est aussi une question de dignité”, alerte Marie-Amandine Stévenin, présidente de l’UFC-Que Choisir.