Marie Bourdellès
ArnaqueDes banquiers très bien imités
Une escroquerie consistant à vous faire confirmer des opérations de paiement à votre insu est en pleine recrudescence. Si votre soi-disant conseiller bancaire vous appelle et vous demande d’annuler – ou de valider – des opérations frauduleuses sur votre compte, raccrochez !
Depuis quelques mois, les récits de consommateurs piégés s’enchaînent dans nos associations locales. Le procédé, proche de celui qui avait touché des clients de la banque ING, est toujours le même : une personne vous appelle et se présente comme votre conseiller bancaire. Le numéro affiché sur votre téléphone correspond à celui de votre établissement. Votre interlocuteur vous indique avoir repéré des mouvements frauduleux sur votre compte bancaire. Afin d’empêcher ces opérations, le pseudo-conseiller vous demande de procéder à une validation de paiement (via un code reçu par SMS, en cliquant sur un lien envoyé par la banque…), sous un argument fallacieux. « La conseillère avait déjà mon numéro de carte bancaire et m’a demandé de valider des opérations sur l’application Hello Bank, soi-disant pour simuler des achats et ensuite les annuler car elle avait vu des tentatives de fraudes de paiement depuis la Roumanie. Je lui ai fait confiance », raconte monsieur A., qui s’est fait dérober 2 500 €. C’est ainsi que les victimes procèdent à leur insu à des paiements atteignant fréquemment plusieurs milliers d’euros, souvent vers des sites marchands.
« Les victimes pensent qu’il s’agit de codes d’annulation alors que ce sont des confirmations de paiement », souligne Jean-Jacques Latour, responsable expertise cybersécurité de la plateforme gouvernementale Cybermalveillance. « Nous observons une recrudescence de cette escroquerie depuis l’été dernier, car elle rapporte, détaille-t-il. C’est de mieux en mieux fait, les escrocs disposent de plus en plus d’informations sur leurs proies. Ils récupèrent les données des personnes qu’ils ciblent sur les réseaux sociaux et obtiennent leurs données personnelles (adresse, numéro de carte bancaire…) sur le darknet (l’Internet clandestin). Ils sont sûrs d’eux, on a l’impression qu’ils savent tout de nous. » Ces aigrefins usurpent également les informations des banques : nom de l’agence, du conseiller, et même le numéro de téléphone qu’ils parviennent à afficher comme numéro appelant en utilisant des logiciels de spoofing.
Les banques refusent de rembourser
Une fois l’opération frauduleuse entérinée, les chances de remboursement sont nulles, ou presque. Les témoignages que nous recevons en attestent, le même argument étant systématiquement rétorqué aux victimes demandant à se faire indemniser : la négligence. « Je conçois votre déception face à la situation que vous décrivez. Je vous confirme que nous ne pouvons donner suite à votre demande de remboursement. […] En échangeant avec le fraudeur puis en validant les opérations sur votre téléphone mobile, vous avez mis à néant le dispositif de sécurité […]. Vous avez fait preuve de négligence grave en ne prêtant pas attention aux contenus des notifications reçues sur votre mobile », reproche Hello Bank à monsieur A.
Les consommateurs réalisent souvent le piège juste après l’appel malveillant. Malgré le signalement instantané à leur banque, l’opposition sur la carte bancaire, l’explication du mode opératoire, les établissements affichent une ligne de conduite identique. « Nous avons contesté immédiatement, mais la banque refuse de nous rembourser car mon époux a validé le Secur Pass », se désole madame D., cliente de sa banque depuis 20 ans et outrée par un tel manque de compassion. Ces refus systématiques reflètent les réticences des établissements à indemniser leurs clients abusés soulignées dans notre baromètre des arnaques 2021.
Des enquêtes qui font défaut
Quant à un travail d’enquête qui permettrait de retrouver les malfrats et ainsi stopper l’hémorragie, il fait figure de mirage. Au mois de novembre dernier, neuf arrestations ont eu lieu à Paris. « Cette opération a abouti car Dominique Strauss-Kahn, qui s’est fait voler 36 000 €, et American Express ont porté plainte. Il s’agissait d’un véritable réseau de mafieux, qui a dérobé plus de 1,5 million d’euros », indique Jean-Jacques Latour, qui regrette que les autres plaintes ne débouchent pas toujours sur une enquête. Car ces arrestations, qui relèvent de l’exception, sont loin d’avoir tari l’arnaque, qui continue de faire des victimes, laissées sans recours. « L’un des sites marchands qui a fait l’objet d’un paiement frauduleux a bien voulu me transmettre le nom et l’adresse de l’acheteur. Je les ai transmis à la police, mais ils ne font rien. Ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas le temps, qu’ils devaient régler des affaires datant de 2015 », déplore monsieur A., qui perd espoir. Un manque de moyens qui coûte cher aux consommateurs.
Quelques conseils
- Avant d’obéir à votre interlocuteur, vérifiez l’information par vous-même : raccrochez puis appelez votre conseiller bancaire afin qu’il confirme l’information. Sachez de plus que ce dernier ne vous demandera pas vos codes par téléphone.
- Lorsque vous vous rendez compte que vous avez été escroqué, faites opposition sur votre carte bancaire et contactez immédiatement votre banquier. Même s’il refuse de vous rembourser, il pourra surveiller votre compte.
- Signalez l’escroquerie dont vous avez été victime sur la plateforme gouvernementale Cybermalveillance ainsi que sur le portail Pharos qui permet un traitement judiciaire de l’affaire.