Florence Humbert
Deux tiers des personnes appareillées insatisfaites
Alors que le 13 mars est la journée nationale de l’audition, le baromètre commandité par l’enseigne Audio 2000 jette un pavé dans la mare du marché juteux des audioprothèses. Selon cette enquête, les deux tiers des personnes équipées d'appareils auditifs ne seraient pas satisfaites de leur prothèse.
En matière d’audioprothèses, les sondages se suivent et ne se ressemblent pas : le 27 février 2014, au cours d’une conférence de presse sur le prix et le remboursement des aides auditives, le Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf) ne manquait pas de souligner les excellentes performances de la profession, enquête internationale Eurotrak 2014 à l’appui, selon laquelle la France enregistre un taux de satisfaction des personnes appareillées de 86 % (contre 36 % au Japon). Pourtant, si l’on en croit les résultats du baromètre réalisé par le cabinet Senior Strategic auprès de 1 487 personnes âgées de 45 à 79 ans souffrant de problèmes d'audition, la réalité ne serait pas aussi rose. Selon cette enquête, les deux tiers des personnes équipées d'appareils auditifs ne seraient pas satisfaites de leurs prothèses, la plupart se plaignant en effet de difficultés de réglage et d'adaptation importantes qui peuvent perdurer bien au-delà des premiers jours d'équipement. Des griefs qui augmentent avec l’âge même si 70 % des personnes équipées déclarent utiliser leurs appareils auditifs tous les jours. « Grâce aux progrès techniques importants enregistrés durant les trente dernières années, les aides auditives fonctionnent bien. Si ce n’était pas le cas, le secteur n’enregistrerait pas un taux de progression de 7,6 % chaque année », souligne Stéphane Caramagnol, le directeur de l’enseigne Audio 2000 qui a commandité l’étude. « Mais contrairement aux lunettes, l’adaptation à l’appareillage n’est pas immédiate. La capacité de récupération d’une bonne audition est très personnelle, plus on s’appareille tôt, mieux on accepte l’appareillage ».
C’est, malheureusement, loin d’être le cas. Selon le baromètre de Senior Strategic, les Français demeurent très réticents face à l’appareillage, les plus jeunes surtout, seulement 40 % des 45-54 ans le considérant utile contre près de 70 % des plus de 75 ans. Chez les plus jeunes comme dans les catégories socio-professionnelles les plus aisées, les appareils auditifs renvoient une image de « vieux ». Le rejet est également plus fort chez les hommes.
Et si les plus âgés mettent plus de temps avant de consulter (63 % des plus de 75 ans ne sont pas équipés alors qu'ils sont conscients d'une diminution de leur audition depuis plus de trois ans), les 45-54 ans sont ceux qui tergiversent le plus longtemps entre la prescription et l'achat de l'appareil.
Des freins psychologiques… et financiers
S’il y a urgence à changer les mentalités, la mauvaise image des prothèses auditives dans notre pays ne suffit pas à expliquer le faible taux d’équipement. Le nombre de personnes atteintes de gênes auditives est évalué à 6 millions de personnes en France, mais seulement 15 à 30 % d’entre elles possèderaient une aide auditive, contre 30 % en Allemagne et plus de 50 % au Danemark.
Outre les freins psychologiques, le prix élevé des appareils est un obstacle majeur à l’appareillage. Les mutuelles proposent des prises en charge de 300 à 499 €, qui viennent s'ajouter aux 120 € remboursés par l'assurance maladie, alors que les appareils peuvent valoir entre 750 et 2 000 € par oreille, soit des factures pouvant grimper jusqu'à 4 000 €...
Même si les audioprothésistes justifient leurs tarifs par la qualité de leurs services et par le temps passé pour affiner les réglages tout au long de la vie des appareils, ils rejettent la responsabilité du coût de l’appareillage sur l’insuffisance de leur prise en charge par l’assurance maladie. Et l’insatisfaction d’une majorité de patients pose question. Elle démontre clairement que l’offre actuelle d’audioprothèse ne correspond pas à l’attente des clients qui y voient un marché captif, dans lequel la loi de l’offre et de la demande ne joue pas à plein, et où, sous couvert d’une compétence paramédicale, une profession défend bec et ongles une situation de niche commerciale. L’arrivée de nouvelles enseignes sur le marché, tels qu’Alain Afflelou qui n’hésite pas à proposer deux aides auditives pour le prix d’une, pourrait changer la donne.