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Contraception

Faut-il libérer la pilule ?

Pourra-t-on acheter bientôt en pharmacie une pilule contraceptive sans ordonnance ? C’est ce que demande un collectif dans une lettre ouverte publiée fin avril. L’initiative baptisée « Libérez ma pilule » séduit autant qu’elle agace. Mesure d’autonomisation des usagers de santé, elle provoque l’ire de certains gynécologues. Le point sur la question.

De quoi s’agit-il ?

« Libérez ma pilule » (1) est un mouvement réclamant la mise en vente libre d’une pilule contraceptive. Un collectif de pharmaciens, le planning familial et divers militants ont envoyé en ce sens une lettre aux laboratoires pharmaceutiques français. Ils leur demandent de déposer un dossier, auprès des autorités sanitaires, en vue de commercialiser une pilule contraceptive délivrée sans ordonnance, après entretien avec le pharmacien. 

Est-ce dangereux ?

Tout produit de santé présente des risques et des contre-indications (2). Au sein des pilules contraceptives, il y a deux profils.

D’une part, les pilules œstroprogestatives (dites aussi « combinées ») dont le risque principal, rare mais très grave, est de provoquer des caillots sanguins (phlébite, embolie, AVC) et qui donc ne doivent pas être prescrites aux femmes à risque cardio-vasculaire accru.

D’autre part, les pilules progestatives ont pour principaux effets indésirables des règles irrégulières et une prise de poids. Les principales contre-indications sont des problèmes de foie et d’antécédents de cancer. C’est ce type de pilules progestatives, moins risquées (telles que désogestrel/Cerazette et génériques ou lévonorgestrel/Microval), que le collectif voudrait voir proposées sans ordonnance obligatoire. Attention toutefois, ces pilules présentent un risque de moindre efficacité car elles doivent être prises à heure fixe chaque jour (dès 3 h d’oubli, certaines ne protègent plus). 

Est-ce trop dangereux pour être mis en vente libre ?

Les médicaments en vente libre, tels que le paracétamol (toxique pour le foie) ou l’aspirine (qui provoque ulcère et hémorragies) ne sont pas dépourvus de contre-indications ni d’effets indésirables. La question est de savoir si ces risques sont tels qu’ils justifient de passer par un médecin ou non. Concernant la pilule progestative, ils semblent comparables à ceux de produits déjà en vente libre mais ce serait aux autorités sanitaires d’en juger.

Qu’en disent les gynécologues ?

Ça dépend ! Plusieurs représentants de gynécologues français se sont prononcés dans la presse contre l’éventualité d’une pilule accessible sans prescription. Ils déplorent surtout que les femmes perdent ainsi l’occasion d’être informées sur les maladies sexuellement transmissibles ou le dépistage. En revanche, le Collège américain des gynécologues obstétriciens s’est prononcé officiellement en faveur de la vente de contraceptifs oraux sans ordonnance.

Justement, cela ne priverait-il pas les femmes d’examens importants pour leur santé ?

Aucun examen n’est nécessaire (ni palpation des seins, ni toucher vaginal, ni analyse de sang) pour prescrire une pilule. Un frottis de dépistage du cancer du col de l’utérus est recommandé tous les trois ans à partir de 25 ans mais cette recommandation est indépendante de la prise de pilule (elle est d’ailleurs valable pour les femmes qui ne prennent pas la pilule et jusqu’à 65 ans). Aucune raison médicale ne justifie une consultation annuelle systématique pour toutes les femmes. 

Serait-ce coûteux pour les utilisatrices ?

Cela pourrait se révéler plus coûteux. En l’absence d’ordonnance, aucun remboursement n’est possible. Ceci étant, les pilules progestatives sur le marché actuellement sont pour la plupart pas chères et remboursées (moins de 4 € pour 3 mois). L’une d’elle, Cerazette, reste à la charge de ses utilisatrices (prix libre, environ 30 € par mois). S’il existait une pilule en vente libre, il serait préférable que ce soit une forme remboursable, donc à prix fixe. Mais ce sont les laboratoires qui mettent sur le marché qui choisissent.

En pratique, serait-ce efficace ?

Aucune étude n’a été menée en ce sens. D’un point de vue de santé publique, on ne sait pas si la mise à disposition en vente libre de la pilule réduit le nombre de grossesses non planifiées. C’est un accès supplémentaire à la contraception. D’autres solutions pour faciliter cet accès pourraient être envisagées, une prescription pour plusieurs années par exemple.

Les femmes, professionnelles de leur santé

Les femmes sont tout à fait capables de juger si elles peuvent prendre la pilule ou non. Plusieurs études, menées dans des pays anglo-saxons, l’ont montré. L’une d’elles a fourni à des femmes – recrutées dans des centres commerciaux et dans un marché aux puces ! – une check-list médicale permettant d’identifier si elles avaient une contre-indication à la prise de pilule (3), par exemple le fait de fumer à plus de 35 ans, d’allaiter, d’avoir eu une thrombose, etc. Résultat : exactitude de l’identification de plus de 80 %. Une autre étude a comparé l’appréciation des femmes  pour savoir si la pilule leur était contre-indiquée avec celle d’un professionnel de santé. Résultat : identique. Un constat d’autant plus intéressant que ces études concernaient la pilule œstroprogestative (combinée) qui présente plus de contre-indications que la pilule progestative.


(1) http://liberezmapilule.com/
(2) Interdiction de prise dans certaines situations ou pour certaines catégories de personnes.
(3) Accuracy of Self-Screening for Contraindications to Combined Oral Contraceptive Use, Obstet. Gynecol., 09/2008.

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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