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Dépakine

L’État aussi responsable

Le tribunal administratif de Montreuil (93) vient de confirmer la responsabilité de l’État dans les séquelles provoquées in utero par la Dépakine (valproate de sodium) sur des enfants nés entre 1981 et 2008.

Alors que le procès Mediator touche à sa fin devant le tribunal de Paris, un autre scandale sanitaire vient de connaître une étape judiciaire cruciale : celui de la Dépakine, du nom d’un antiépileptique de Sanofi qui a provoqué malformations et autisme chez des enfants dont la mère était sous traitement pendant la grossesse (1). Saisi du cas de trois familles, le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a considéré, dans sa décision rendue jeudi dernier, que l’État était en partie responsable des séquelles d’enfants nés entre 1981 et 2008. Il devra donc les indemniser. L’Inspection générale des affaires sanitaires (Igas) avait déjà pointé sa défaillance. En l’occurrence, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’a pas suffisamment informé les patientes des risques pour l’enfant à naître, alors que les effets indésirables de la molécule étaient établis. Elle aurait dû intervenir pour modifier substantiellement la notice, notamment en 2004, date de mise à jour de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Il aura fallu attendre 2006 pour que la notice déconseille le médicament en cas de grossesse, et 2010 pour voir cités expressément les effets malformatifs de la molécule. Ils sont pourtant connus depuis le milieu des années 80. Le rôle du valproate de sodium dans les troubles du développement n’a été documenté que plus tardivement, au début des années 2000. Sanofi affirme avoir sollicité l’ANSM pour modifier la notice au fil de l’évolution des connaissances, mais dit s’être heurté au refus de l’organe de surveillance. À l’époque, l’arrêt du traitement était vu comme plus dangereux que sa poursuite… L’ANSM ne s’est attelée à éviter la prescription de valproate de sodium chez les filles et les femmes en âge de tomber enceinte qu’à compter de 2015 !

L’État et les médecins

À juste titre, en plus de la responsabilité de l’État, le tribunal administratif a mis en cause, dans l’un des dossiers, l’attitude des médecins. Ils n’ont pas déconseillé la procréation médicalement assistée (PMA) pour un couple dont la femme était sous valproate de sodium, n’ont pas donné d’informations sur les risques encourus et n’ont pas, non plus, envisagé d’aménagement du traitement. Or les doses prises pendant la grossesse surpassaient le seuil à partir duquel le risque grandit fortement. Les jumeaux nés de la PMA en 2008 sont tous les deux atteints de malformations et de troubles envahissants du développement.

D’autres suites judiciaires sont attendues dans l’affaire de la Dépakine dont un procès pénal, après la mise en examen de Sanofi en février dernier pour « tromperie aggravée » et « homicide involontaire ».

(1) Les spécialités contenant du valproate de sodium sont : Dépakine, Dépakote, Dépamide, Micropakine.

Anne-Sophie Stamane

Anne-Sophie Stamane

Rédactrice

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