Anne-Sophie Stamane
Dépistage du cancer du seinUne campagne trompeuse
Malgré les recommandations issues d’une large concertation sur le dépistage du cancer du sein, la nouvelle campagne de l’Institut national du cancer (INCa) ne tient pas la promesse d’une meilleure information des femmes. Les doutes scientifiques sur les bénéfices d’une mammographie réalisée tous les deux ans dès 50 ans ne sont pas traités.
À la veille d’Octobre rose, l’Institut national du cancer (INCa) publie sa nouvelle campagne vidéo sur le dépistage systématique du cancer du sein. La forme choisie, un questions-réponses, donnait l’occasion de faire le point sur les bénéfices réels de la mammographie réalisée tous les deux ans chez les femmes de 50 à 74 ans. Le surdiagnostic de lésions qui n’auraient pas évolué, et le surtraitement, sont aujourd’hui deux effets secondaires bien identifiés du dépistage. En regard, le nombre de vies sauvées grâce au dépistage n’est pas aussi important qu’attendu.
Malheureusement, l’INCa loupe une nouvelle fois le coche. Au moment d’évoquer le « surdiagnostic », le terme n’est même pas prononcé. Tout juste le spot mentionne-t-il qu’« il arrive que l’on diagnostique et que l’on traite un cancer qui n’aurait pas ou peu évolué ». Mais la suite est pour le moins elliptique : « Le risque zéro n’existe pas. » Peu importe que des dizaines de femmes subissent des examens en trop, ou soient opérées pour rien, l’INCa estime que cela ne vaut pas le coup de s’y attarder. Et préfère mettre en avant des bénéfices « vraiment plus importants ». Grâce au dépistage, plus de 10 000 cancers agressifs seraient soignés plus tôt, affirme l’INCa. Outre qu’on ne sait pas d’où sort ce chiffre, notons qu’il n’est pas précisé si ces cancers soignés plus tôt guérissent plus souvent. Or c’est bien l’enjeu : combien de vies le dépistage sauve-t-il ? La réalité est moins rose qu’on voudrait le faire croire aux femmes concernées : avec le dépistage, sur 1 000 femmes de 50 ans dépistées pendant 10 ans, 4 mourront d’un cancer du sein, contre 5 sans dépistage. Le dépistage épargne une vie. En contrepartie, 19 femmes seront diagnostiquées et traitées à tort.
Voilà les informations que les femmes invitées au dépistage systématique du cancer du sein ont besoin de connaître avant de se décider. Encore une fois, l’INCa ne leur fait pas confiance pour faire la part des choses. Une information loyale et complète était pourtant une des recommandations de la concertation citoyenne sur le dépistage du cancer du sein il y a deux ans.
Même démarche pour les cancers de petite taille
Parmi les arguments en faveur du dépistage systématique, le spot de l’INCa cite la détection précoce de cancers de petite taille. De ce fait, les traitements seraient « moins lourds, moins longs et plus efficaces ». Là encore, la réalité est plus contrastée : les chiffres de l’assurance maladie montrent que le nombre de mastectomies (ablation totale ou partielle d’un sein) n’a pas baissé depuis l’instauration du dépistage en 2004.