Anne-Sophie Stamane
Les résultats décevants du dépistage
Bien que recommandé par les autorités de santé, le dépistage organisé du cancer du sein est controversé. Les bénéfices sont incertains.
Un intérêt mal établi
Voici l’impact du dépistage du cancer du sein sur 1 000 femmes dépistées pendant 20 ans(1) :
► Entre 0 et 6 vies sauvées
Les études les plus solides ne trouvent aucun bénéfice du dépistage sur la mortalité du cancer du sein. Ces données, anciennes, ne correspondent pas exactement aux conditions du dépistage français (âge, durée). Elles sont contrebalancées par des chiffres plus récents mais moins fiables. Aujourd’hui, l’estimation est que la mammographie éviterait entre 0 et 6 décès.
→ Il y a une grande incertitude sur le bénéfice du dépistage.
► 100 à 200 fausses alertes
À la suite d’images douteuses, des femmes doivent subir des ponctions et des biopsies inutiles.
→ Le dépistage crée des inquiétudes.
► 15 cancers « de l’intervalle »
Ces cancers surviennent entre deux mammographies de dépistage.
→ Le dépistage n’empêche pas un cancer du sein de se déclarer après un examen rassurant.
► Environ 20 cancers surdiagnostiqués
Un quart au moins des cancers du sein dépistés sont des « diagnostics en excès ». Il s’agit, sans aucun doute, de lésions cancéreuses mais, si elles n’avaient pas été trouvées lors du contrôle, elles ne se seraient pas manifestées. Ces cancers surdiagnostiqués entraînent un surtraitement (ablation de la tumeur ou du sein, radiothérapie, plus rarement chimiothérapie).
→ Cette part importante de surdiagnostics est un effet indésirable reconnu du dépistage.
Une décision éminemment personnelle
Toutes les femmes de 50 à 75 ans sans risque particulier sont invitées au dépistage organisé du cancer du sein. Le choix d’y participer ou non n’est pas simple. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une décision très personnelle et respectable. Prendre part à ce dépistage, c’est se donner peut-être de meilleures chances de survie, mais c’est aussi risquer un surdiagnostic et des traitements lourds inutiles. Ne pas y prendre part implique peut-être un risque supérieur de mourir d’un cancer repéré trop tard, mais évite l’angoisse des examens réguliers et le surdiagnostic. Ce choix n’est pas irréversible, on peut changer d’avis. De plus, les progrès des traitements allègent les enjeux : diagnostiqué lors du dépistage ou non, un cancer du sein aura de grandes chances de guérir. Enfin, toutes les femmes, dépistées ou non, ont intérêt à être attentives aux modifications de leurs seins et à consulter en cas d’inquiétude.
Des traitements moins lourds ?
Avec des cancers repérés plus tôt, on peut raisonnablement penser que le dépistage entraîne un traitement moins dur ou moins long. Mais aucune étude n’établit un allègement des traitements ou des séquelles.
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(1) Sources : Prescrire, synthèse 2014 ; Collaboration Cochrane, 2012 ; INCa ; Cancer Research UK.