Cyril Brosset
Les gérants discrètement condamnés
Trois responsables de plusieurs sites de vente de trottinettes électriques et d’hoverboards ont été condamnés mercredi 6 novembre pour pratiques commerciales trompeuses dans le cadre d’une procédure de plaider-coupable. Les victimes, elles, devront attendre encore plusieurs mois avant d’espérer pouvoir être remboursées.
Il aura fallu qu’une partie des victimes se regroupe au sein d’un collectif et fasse appel à un avocat pour que les choses avancent, mais ça en valait la peine. Mercredi 6 novembre, les trois responsables de plusieurs sites Internet qui ont fait leur malheur (E-board-store.com, E-new-tech.fr, Gyro-shop.com, French-tech-mobility.com et d’autres) ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris. La justice leur reproche une longue série de pratiques commerciales trompeuses allant jusqu’à l’absence pure et simple de livraison. C’est ce qui est arrivé à Sabrina, qui a fait spécialement le déplacement de Rouen pour assister à l’audience. « En juillet 2018, j’ai commandé sur le site Gyro-shop.com un hoverboard à 180 € pour les 7 ans de mon fils. Toute la famille s’était cotisée pour lui offrir ce cadeau, mais nous ne l’avons jamais reçu. Et comme je n’ai pas les moyens de lui en offrir un autre pour le moment, mon fils a dû s’en passer. » D’autres ont bien reçu un colis, mais soit il ne contenait pas l’article qu’ils avaient commandé, soit le matériel s’est mis à dysfonctionner peu de temps après la livraison. Certaines trottinettes n’ont même jamais fonctionné et la majorité des victimes n’ont pu en obtenir ni la réparation, ni le remboursement. La litanie des pratiques trompeuses relevées au cours de l’enquête ne s’arrête pas là : la justice reproche aussi aux prévenus d’avoir mis en ligne des coordonnées postales erronées rendant impossible tout contact par les clients, d’avoir indiqué des délais de livraison intenables, de ne fournir aucun suivi en cas de retard, d’avoir mis en place un service client sous-dimensionné ou encore d’avoir fait référence au service de médiation de la Fevad alors qu’aucun des sites n’adhérait à cette fédération professionnelle.
Une procédure rapide, mais discrète
Ce qui est plus étonnant, c’est la procédure judiciaire utilisée. Pour la première fois dans ce genre d’affaire, les prévenus ont été jugés dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou « plaider-coupable ». Mercredi, ils ont donc dans un premier temps été présentés à un procureur qui leur a signifié les peines qu’il comptait leur infliger. Ce n’est qu’après avoir reconnu les faits et accepté les sanctions proposées que les trois prévenus ont comparu en audience publique devant un juge de l’homologation qui s’est contenté de valider la procédure. Au final, les trois prévenus devront payer un total de 250 000 € d’amende pour le compte des cinq sociétés qu’ils géraient. Les deux principaux acteurs, M. Gros et son épouse, devront en outre effectuer respectivement 120 et 75 heures de travail d’intérêt général (TIG).
En optant pour la CRPC, le Parquet a voulu faire vite. De fait, ces condamnations définitives ont été prononcées quelques mois seulement après les dépôts de plainte. Ce qui est plus embêtant, c’est qu’à aucun moment les victimes n’ont pu s’exprimer, comme l’a souligné à l’audience Me Laurent Feldman, venu représenter plus d’une centaine de victimes regroupées au sein du collectif à l’origine de la procédure. La quinzaine de parties civiles présentes à l’audience n’ont pas non plus eu l’occasion d’entendre les explications des prévenus et notamment celles du principal d’entre eux, M. Gros, pour qui une grande partie du problème vient du fait que de la marchandise qu’il avait commandée avait été bloquée en douane et détruite. Si les condamnés savent désormais à quoi s’en tenir, les victimes, elles, devront encore patienter de longs mois avant d’espérer récupérer les sommes qui leur sont dues. Au vu du nombre important de parties civiles (plus de 120), une audience entière consacrée à l’indemnisation a été fixée. Elle aura lieu le 9 septembre 2020.
Jusqu’au 5 mars 2020 figurait dans le visuel d’ouverture de cet article le terme « Gyrostore ». Il s’agissait d’une erreur de notre part. Ce site n’est en aucun cas concerné par cette condamnation. Toutes nos excuses à nos lecteurs et aux responsables de Gyrostore.