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Encadrement des loyers

L’annulation du tribunal administratif sème l’incertitude

Après Lille, le tribunal administratif de Paris a annulé, le 28 novembre 2017, les trois arrêtés (de 2015, 2016 et 2017) du préfet d’Île-de-France mettant en œuvre l’encadrement des loyers dans la capitale. Pas simple pour les locataires d’y voir clair.

Avis de turbulence dans le ciel des locataires parisiens. Un mois après l’annulation par le tribunal administratif de Lille de l’encadrement dans la ville nordiste, le tribunal administratif de Paris reprend les mêmes motifs de censure : « ce dispositif d’encadrement des loyers ne pouvait être mis en œuvre dans la seule commune de Paris, mais aurait dû l’être dans les 412 communes de la région d’Île-de-France comprises dans la "zone d’urbanisation continue" de l’agglomération parisienne ».

Les trois décrets du préfet d’Île-de-France fixaient les plafonds des loyers à ne pas dépasser, en fonction de la zone géographique et du type de logement. Dans le jugement du tribunal administratif, ce n’est pas le principe de plafonnement qui est mis en cause, mais le périmètre d’application. Il n’empêche, la décision jette dans la capitale le même trouble qu’à Lille : les propriétaires peuvent-ils dès aujourd’hui contester les plafonds des loyers ? Et qu’advient-il des baux souscrits sous le régime de l’encadrement à Lille et à Paris ?

Pas de remise en cause des baux anciens

Suite à la décision du tribunal administratif de Paris, le gouvernement a déclaré son intention de faire appel. Le dispositif bénéficierait alors d’un sursis de quelques mois, le temps que le Conseil d’État se prononce. L’appel est suspensif… Reste qu’au jour où nous publions cet article, l’appel n’a pas encore été déposé. On peut cependant estimer que, même si cet appel n’était pas déposé, les baux signés après l’entrée en vigueur de l’encadrement (c’est-à-dire après le 1er août 2015 à Paris et après le 1er février 2017 à Lille) ne seront vraisemblablement pas remis en cause. Alain Cohen-Boulakia, l’avocat de l’UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), le syndicat de professionnels à l’origine des recours contre les arrêtés, a en effet déclaré aux Échos, le lendemain de la décision du tribunal administratif de Paris, que « cela ne changeait rien pour les locataires en place ».

Baux à venir, le grand flou

Quid de tous les baux en cours de renouvellement aujourd’hui ? Selon la Confédération nationale du logement (CNL), des locataires parisiens reçoivent déjà des demandes d’augmentation de plusieurs dizaines d’euros ne tenant pas compte des plafonds, au moment du renouvellement du bail. L’appel de l’État contre les annulations du tribunal administratif serait suspensif et obligerait les propriétaires parisiens à continuer de respecter l’encadrement des loyers. Voilà pour le principe. Mais, en réalité, il n’est pas certain que, même dans ce cas, le mouvement de hausse soit freiné. « Il n’existe toujours pas vraiment de sanctions contre les propriétaires qui ne respectent pas les plafonds. Très peu de locataires ont osé, jusqu’ici, contester leur bail devant la commission. Et ce n’est pas vraiment le nouveau signal donné par le tribunal administratif qui va encourager les locataires, que l’État fasse appel ou non », souligne Eddie Jacquemart, de la CNL.

Tout va donc dépendre, dans les mois à venir, de la volonté réelle de l’État de faire appliquer l’encadrement des loyers. Il pourrait adopter un décret étendant le dispositif d’encadrement à l’ensemble des agglomérations parisiennes et lilloises. Le plafonnement en sortirait renforcé. Mais rien n’indique que cela soit le souci du gouvernement. Le candidat Macron à la présidentielle s’était même opposé au principe d’extension de l’encadrement à d’autres communes. « Plus globalement, il faudrait effectuer un bilan du dispositif. Cela permettrait de constater qu’en pratique, le processus de réclamation ne fonctionne pas. Le seul moyen d’arriver à un plafonnement effectif serait de mettre sur pied une procédure de médiation lors de la signature du contrat dans laquelle les associations de locataires pourraient intervenir », insiste Eddie Jacquemart.

Autant de points sur lesquels les syndicats de professionnels sont fermement opposés. L’Unis (Union des syndicats de l’immobilier) a même déjà fait savoir que « si d’autres arrêtés venaient à être pris, l’Unis les attaquerait à nouveau sur le fond, à savoir sur les critères d’encadrement, qui n’ont pas été examinés par le juge administratif ». Pour l’instant, le gouvernement gagne du temps. Mais il devra bien se prononcer à un moment.

Élisa Oudin

Élisa Oudin

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