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Grippe

Les hommes souffrent-ils vraiment plus que les femmes ?

À l’heure où presque toute la France est en « phase épidémique » de grippe, une étude récente vient de raviver le débat sur l’existence d’une « grippe d’homme ». Les hommes sont-ils vraiment plus malades que les femmes ou n’exagèrent-ils pas plutôt leurs souffrances ? Quand faut-il vraiment s’inquiéter ?

La grippe progresse. Le 4 janvier dernier, Santé publique France indiquait dans son point hebdomadaire que toutes les régions de France métropolitaine, à l’exception de la Corse, étaient en phase épidémique. Grandes fatigues en perspective ! Cette atteinte virale a en effet le don de mettre à plat. Elle se caractérise par la survenue, généralement soudaine, d’une forte fièvre (autour de 39 °C), de maux de tête et de douleurs musculaires ou articulaires. Une toux apparaît souvent dans un second temps. Ces symptômes s’accompagnent d’une grande fatigue, qui peut traîner parfois plusieurs semaines. Un stéréotype courant veut que les hommes semblent atteints d’une grippe carabinée alors qu’ils n’ont qu’un simple rhume (aux symptômes bien moindres a priori) tant ils semblent en souffrir et s’en plaignent. Les expressions « rhume d’homme » en français ou « man flu » en anglais (littéralement « grippe d’homme ») illustrent cette supposée exagération des symptômes. À moins qu’il n’y ait une part de vérité ?

Preuves insuffisantes

À la mi-décembre 2017, plusieurs titres de presse l’affirmaient : « La "grippe de l'homme" existe sans doute réellement », titrait Doctissimo, ou encore « Oui, les hommes prennent plus cher », selon Pourquoi docteur. Ils citaient pour preuve une publication du fameux British Medical Journal (1). Ce journal très sérieux s’avère toutefois facétieux une fois par an, dans son traditionnel numéro de Noël… où est justement paru l’article sur la « grippe d’homme ». Son auteur, le Dr Kyle Sue, se propose de déterminer si « les hommes sont des mauviettes ou simplement immunologiquement inférieurs ».

Pour mener à bien cette enquête, le Dr Sue a compilé des données d’expériences très diverses, notamment issues des boîtes de Pétri (où l’on cultive des cellules) et des cages de laboratoire (où l’on élève des rats). Dans ces conditions, la réponse immunitaire – qui nous permet de lutter contre les infections – semble plus importante en présence d’hormones femelles. Toutefois, ces études in vitro et chez l’animal sont de trop faible niveau de preuve pour autoriser une conclusion ferme au sujet d’une défense immunitaire affaiblie chez nos gaillards humains. Les concernant, une étude américaine a constaté que leur taux de mortalité due à la grippe était supérieur à celui des femmes du même âge. Est-ce enfin la preuve qu’ils sont plus fragiles ? On ne peut toujours pas le savoir puisque d’autres facteurs très importants, comme le tabagisme (plus fréquent chez les hommes) ou la réticence à consulter un médecin (plus courant aussi), pourraient aussi expliquer cette différence. Pour finir, l’article paru dans le British Medical Journal se risque sur le terrain de l’évolution. Selon certains chercheurs, cette faible résistance des individus masculins aux infections respiratoires pourrait avoir été un avantage aux temps anciens parce que cela leur évitait de croiser des prédateurs ! Vous l’imaginez, notre homme des cavernes bien au chaud et en sécurité sous sa peau d’ours, en train de boire son bouillon de mammouth ? Lorsque nous l’avons interrogé, le Dr Kyle Sue a lui-même admis que cette discussion sur l’évolution relevait de « la spéculation ».

Quand consulter ?

Il n’est donc pas possible de conclure que les hommes sont par nature plus affectés par les infections respiratoires. D’ailleurs, le fait d’être de sexe masculin ne fait pas partie des facteurs de risque établis de complications de la grippe (2). Car cette divertissante parenthèse ne doit pas faire oublier que dans certains cas, la grippe peut réellement avoir des conséquences graves, voire mortelles. Depuis début novembre 2017, 234 personnes ont été admises en réanimation et 31 sont mortes. D’où l’importance de consulter quand c’est nécessaire. Pour les adultes en bonne santé, les hommes comme les femmes, ce n’est généralement pas utile (hors éventuelle délivrance d’un arrêt de travail). Mais pour les personnes âgées, pour celles qui souffrent de pathologies chroniques (atteinte cardiaque, problème pulmonaire, diabète, etc.), pour les femmes enceintes et les tout-petits, il est recommandé de voir un médecin. En cas d’aggravation manifeste, comme des difficultés à respirer nouvelles, un malaise, des difficultés à bouger, de la confusion, un appel aux urgences (le 15) est recommandé.

(1) The science behind “man flu”
(2) C’est le cas dans d’autres pathologies, par exemple pour l’infarctus du myocarde où le fait d’être un homme est un facteur de risque accru.

Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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