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Homéopathie

Doit-on l’évaluer comme un médicament ?

Fin mai, la ministre de la Santé Agnès Buzyn relançait le débat sur l’homéopathie en indiquant que ces produits devraient être évalués selon les mêmes critères que les autres médicaments. Pourtant, des évaluations existent déjà. Elles conduisent même à se demander s’il s’agit de médicaments.

« L’homéopathie n’a jamais été évaluée comme un médicament. » En faisant une telle déclaration sur les ondes de France Inter, fin mai, la ministre de la Santé a relancé le débat sur le remboursement de ces produits de santé. Non que les sommes engagées soient énormes. L’Assurance maladie indique avoir remboursé 56 millions d’euros environ en 2017 pour les spécialités homéopathiques, sur un total de près de 19 milliards de médicaments. La majorité de ces produits, disponibles sans ordonnance, sont en réalité achetés directement par les consommateurs. Au-delà de la question du remboursement, c’est donc une question de principe, sur la nature des produits homéopathiques, qui se pose.

L’évaluation existe

En réalité, l’homéopathie a déjà bien été évaluée comme un médicament. Certes, ces évaluations n’ont pas été passées en revue par les autorités sanitaires. En raison d’une dérogation réglementaire, ces dernières autorisent et remboursent l’homéopathie sans demander les preuves d’efficacité et d’innocuité normalement exigées pour tous les autres médicaments. Mais des essais scientifiques d’évaluation existent, notamment pour les traitements « non individualisés » – c’est-à-dire les traitements homéopathiques qui ressemblent aux médicaments conventionnels (en boîte, à dose standard, pour une pathologie) tels que Oscillococcinum ou L52 contre les états grippaux, ou encore Camilia contre les poussées dentaires douloureuses. Non moins de 75 essais cliniques concernant 48 problèmes de santé ont par exemple été référencés par le Dr Robert Mathie, de l’Institut de recherche sur l’homéopathie, à Londres(1). Mais une analyse de toutes ces études montre que trois seulement ont une méthodologie suffisamment rigoureuse pour conclure. Et ces trois études ne montraient pas d’effet particulier de l’homéopathie. Pour les traitements homéopathiques individualisés (c’est-à-dire les traitements avec des tubes de granules prescrits au cas par cas par le médecin homéopathe), l’évaluation semble plus difficile à mettre en œuvre. Mais, là encore, il existe des essais. Et, là encore, les experts jugent la qualité des essais insuffisante.

Remboursons le carré de chocolat

Le 5 juin dernier, une décision de justice vient d’autoriser le système public de santé britannique (NHS) à dérembourser les produits d’homéopathie. L’autorisation du premier d’entre eux, par les autorités sanitaires en 2009, avait donné lieu à d’étranges circonvolutions : « Les résultats des essais cliniques et des études fournis n’ont pas permis d’établir les effets cliniques de l’arnica, mais indiquent qu’il pourrait y avoir une tendance en faveur de la démonstration de certains effets bénéfiques de l’arnica dans certaines situations(2). »

La ministre, Agnès Buzyn, n’a pas dit autre chose quand elle a, dans un premier temps, défendu le maintien du remboursement en invoquant un probable « effet placebo » et en remarquant que « ça ne fait pas de mal ». De fait, l’homéopathie a un effet placebo. Cet effet, considéré à tort comme un effet imaginaire, est un remède puissant et réel. Dans la douleur ou contre la dépression, son efficacité est incontestable. C’est donc très bien d’avoir un effet placebo, mais ce n’est pas suffisant pour être défini comme un médicament. C’est pourquoi, d’ailleurs, l’autorisation et le remboursement des médicaments (qui ont tous une part d’effet placebo) reposent sur la démonstration d’un effet supérieur à celui du placebo.

Tout ce qui « fait du bien et ne fait pas trop de mal » ne peut évidemment pas prétendre à un remboursement. Les exemples ironiques se sont multipliés sur les réseaux sociaux (#demandetonremboursement). Pourrait-on imaginer rembourser… un massage ? Un verre en terrasse ? Un carré de chocolat ? Les balades à vélo ? Une soirée avec l’être aimé ? Voire le repos ? Toutes ces choses plutôt bonnes pour la santé ne sont pas des médicaments. Sous la légèreté du propos se profile une question plus profonde. Les produits d’homéopathie seraient-ils même des médicaments ? Sur le site du ministère de la Santé, la définition d’un médicament commence ainsi : « le médicament contient un principe actif ». Or, les produits d’homéopathie sont obtenus par un si grand nombre de dilutions qu’il ne reste plus de principes actifs détectables.


(1) « Randomised, double-blind, placebo-controlled trials of non-individualised homeopathic treatment », Systematic Reviews, mars 2017.
(2) Relaté dans « Homeopathy : not a matter for drug-regulatory authorities », The Lancet, 2009. La traduction est de notre fait.
Perrine Vennetier

Perrine Vennetier

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